Brutalement, et alors qu’on ne l’attendait plus, le handicap a fait irruption dans le débat électoral sous l’angle de l’intégration scolaire des enfants handicapés. Subitement, Ségolène Royal est traitée d’incompétente et de menteuse par le ministre de l’éducation nationale en titre, Gilles de Robien. Qu’a rappelé Ségolène Royal lors de son face-à-face avec Nicolas Sarkozy : que le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin avait décidé, dès son entrée en fonction en 2002, de mettre un terme au dispositif Emplois-Jeunes. Or, la plupart des auxiliaires d’intégration scolaire étaient employés dans ce cadre, et le Gouvernement a mis du temps à reconstruire ce qu’il avait détruit, deux rentrées scolaires, pour mettre en place un système équivalent au précédent. Et aujourd’hui comme hier, les aides humaines aux élèves handicapés sont toujours des femmes et des hommes sous-payés en contrat de travail précaire.

Voilà que pour améliorer l’intégration scolaire, Nicolas Sarkozy propose d’instaurer un droit opposable à la scolarité en faveur des enfants handicapés : la famille, « au bout de cinq ans, à qui on refuserait une place dans une école, pourrait aller devant le tribunal en disant : la République m’a promis un droit ». Et s’engager dans une longue procédure devant la juridiction administrative pour obtenir de scolariser en cours préparatoire un enfant qui aura alors dépassé les 15 ans ? Ce droit opposable est un dérivatif, alors même que des parents ont déjà fait condamner l’Etat pour ses carences éducatives sans que cela n’ait eu de conséquences favorables pour leurs enfants ni suscité de la part du ministre de l’éducation nationale les plates excuses qu’il exige de Ségolène Royal.

Laquelle s’est certes trompé sur le nombre d’enfants inscrits à l’école ordinaire, qui a presque doublé en cinq ans selon le ministre en charge. Mais Gilles de Robien est dans l’incapacité de dresser un bilan qualitatif de l’intégration scolaire : en clair, le temps de présence et de scolarité des enfants handicapés a-t-il progressé ? Parce qu’être inscrit à l’école ne veut pas dire, pour un enfant handicapé, être admis dans la salle de classe.

Cette vive polémique, dans laquelle chacun assène une vérité qui n’est pas fausse mais représente une perception subjective de la réalité, fait en tous cas voler en miettes le pseudo consensus politique affirmé par les hommes politiques de droite comme de gauche : le handicap n’est pas un sujet d’affrontement politique ? Eh bien oui, il l’est, parce qu’il reflète un choix de société entre ceux qui disent que les personnes handicapées sont des citoyens comme les autres mais avec des besoins spécifiques que la société doit considérer, et ceux qui pensent qu’une personne handicapée « qui se bat pour s’intégrer donne une leçon de vie aux autres », comme si, à l’état « naturel », elles étaient des êtres à part qui doivent « en vouloir » pour rejoindre le corps social. Ce choix de société est, pour la France, le défi des cinq prochaines années.

Laurent Lejard, mai 2007.

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