Aucun observateur, aucun citoyen n’a été surpris par la renonciation du Président de la République à briguer un troisième mandat. Le 16 mai prochain, celui qui, de tous les Présidents de la 5e République, a témoigné du plus d’attention aux personnes handicapées, de la plus grande sensibilité à leur place dans la société, prendra sa retraite politique. Il était chef du Gouvernement lors du vote de la loi d’orientation du 30 juin 1975, puis de celui de la loi en faveur de l’emploi du 10 juillet 1987. Jacques Chirac se sentait réellement à l’aise parmi les personnes handicapées, serrant les mains franchement (certes comme à son habitude) mais sans cette condescendance, ce recul ou cette infime appréhension que l’on perçoit souvent chez d’autres hommes (ou femmes) politiques au contact de personnes handicapées. En témoignent, par exemple, ses rencontres récentes avec les handisportifs, ou à l’occasion du Téléthon 2006 : on y voyait un Jacques Chirac discutant avec les uns et les autres, prenant le temps d’écouter, de rire, de s’attendrir, s’affranchissant aisément de la barrière et de la distance qu’érigent le pouvoir.

Il laisse à son successeur une lourde tâche à accomplir : poursuivre le chantier de la mise en accessibilité de la France, pour qu’elle accepte partout et pour tout d’accueillir les personnes handicapées comme n’importe quelle autre personne. Le nouvel édifice législatif et réglementaire est quasiment terminé, les fondations du chantier sont achevées. Un planning de réalisation est défini par la loi afin que l’accessibilité à tout pour tous soit effective en 2015. Le prochain Gouvernement est théoriquement tenu d’assurer la bonne mise en oeuvre de la construction de cette société plus accueillante. Mais les ministres sont toujours sensibles aux choix budgétaires et aux pressions des lobbys. Que serait devenue la réforme législative si Jacques Chirac n’avait assigné à ses Gouvernements une « feuille de route », à l’occasion de l’installation le 3 décembre 2002 d’un Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées rénové et érigé en principal lieu de concertation ?

Il est prématuré d’apprécier la sensibilité au handicap du futur occupant de l’Elysée. Tout juste sait-on que certains ont effectué une étape dans un établissement spécialisé lors de leur précampagne électorale. Et le prochain Président de la République est attendu pour combler une vraie lacune du chantier chiraquien : les ressources des personnes handicapées. Durant ses années de présidence, Jacques Chirac a en effet laissé se creuser l’écart entre Allocation Adulte Handicapée et salaire minimum, réduisant davantage encore la capacité des personnes handicapées à vivre dignement et utiliser les améliorations en matière d’accessibilité, les services adaptés qui leur sont destinés. Vivre ensemble ne se réduit pas à des travaux importants et une sensibilisation à l’accueil, cela nécessite d’avoir les moyens de sortir de chez soi et de profiter de la vie. Et sur ce sujet, le silence des candidats successeurs de Jacques Chirac est assourdissant…

Laurent Lejard, mars 2007.

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