Régulièrement, l’Inspection Générale des Finances et l’Inspection Générale des Affaires Sociales évaluent les conditions d’attribution de l’Allocation Adulte Handicapé. La dernière fois, c’était en janvier 1999, leur rapport préconisait une unification du régime de l’A.A.H et des pensions d’invalidité, dont le bénéfice serait exclusivement réservé aux personnes inaptes au travail. Cette année-ci, les deux corps d’inspection ont travaillé à la requête des Ministres chargés des personnes handicapées et de la réforme de l’État; leur rapport a été remis en avril dernier, et publié en juillet. Comme il y a sept ans, les inspecteurs relèvent le piètre fonctionnement des Cotorep et leur faible qualité de service. Ils oublient évidemment de mentionner que les moyens en personnel et en matériel, misérablement octroyés par l’État, en sont la principale cause.

Les crédits d’État affectés au paiement de l’A.A.H approchent les 6 milliards d’euros, et il est tentant, en cette période d’économie budgétaire reposant essentiellement sur la compression des dépenses sociales, de récupérer une partie de cet argent. L’un des moyens envisagés consiste à réduire le « stock » d’allocataires, par une sortie vers le monde du travail. Entendez par là non pas un emploi durable, mais l’entrée dans un parcours d’insertion professionnelle : formation, stages, etc. Cette approche constitue une grave attaque contre le revenu de remplacement que constitue l’A.A.H, et dont une partie du montant est destinée à couvrir les dépenses supplémentaires liées au handicap : il est grand temps, pour détourner durablement le danger, que cette allocation soit érigée en revenu d’existence.

Parce que les inspecteurs proposent notamment de définir « une démarche d’insertion professionnelle de tous les allocataires en fonction de leur proximité à l’emploi ». Cette politique « d’activation » reposerait sur une évaluation des capacités professionnelles ou un « couplage systématique de la demande d’A.A.H avec une demande d’orientation professionnelle et/ou de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé ». A cet égard, les inspecteurs omettent l’évolution introduite par la loi de février 2005 qui étend aux allocataires adulte handicapé le bénéfice de l’obligation d’emploi et supprime de fait leur obligation d’être reconnus travailleurs handicapés.

Les représentants de l’État boucleraient le dispositif en leur donnant voix prépondérante au sein des nouvelles Commissions des Droits et de l’Autonomie pour les décisions relatives à l’A.A.H. En clair, il deviendrait possible de forcer les allocataires à entrer dans un parcours d’insertion professionnelle, sous peine de perdre leur allocation. Alors que la loi d’égalité des droits et des chances de février 2005 repose sur l’élaboration et le respect du projet de vie de la personne, et qu’elle a institué une garantie de ressources destinée aux allocataires qui sont reconnus dans l’incapacité de se procurer un emploi. Mais la logique de maîtrise comptable des dépenses sociales ne s’embarrasse pas de ce genre de contradiction…

Laurent Lejard, août 2006.

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