Le 5 juin 2006 aura été remarquablement ubuesque : le gouvernement a exigé que les salariés travaillent durant un jour férié, alors que leurs enfants n’avaient pas classe, que les transports collectifs fonctionnaient au ralenti ou pas du tout, et que les services de l’État étaient fermés ! Parmi les innombrables incongruités de ce capharnaüm, on pouvait relever que les routiers devaient travailler… alors qu’il leur était interdit de rouler. Ubu habillé cette année par Dominique de Villepin et les membres de son gouvernement.

Et pour qui, cette cacophonie ? Les personnes les plus vulnérables, celles qui sont âgées ou handicapées dépendantes, afin de collecter deux milliards d’euros destinés à financer des actions qui leur sont destinées. Deux milliards qui attisent les convoitises de nombreux organismes, avides de les consommer dans de coûteuses opérations, de simples transferts de charges, ou d’inutiles usines à gaz (accessibilité des ministères, rémunération d’éducateurs handisportifs, Etats-Généraux départementaux du Conseil national handicap). La tentation est grande, de la part de l’Administration, d’utiliser ces fonds pour réduire la part du budget de l’État affectée au handicap au sens large.

État qui, dans le même temps, laisse les Départements faire leur affaire de la toute nouvelle Prestation Compensation du Handicap : les premiers échos font état d’interprétations très locales des tarifs de prise en charge, de décisions prises sans entendre le demandeur ou élaborer un projet de vie. La mise en oeuvre des Maisons départementales des personnes handicapées, financée par la journée de travail forcé, s’effectue avec de nombreuses disparités et dans le mutisme assourdissant d’associations nationales qui se sont piégées elles-mêmes en exigeant la création de ces guichets uniques. Elles sont en difficulté pour dénoncer la rupture de l’égalité républicaine résultant des disparités constatées d’un département à l’autre, disparités pourtant prévisibles et annoncées par de nombreux observateurs. Et le « pilote » de l’opération, la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie, n’est pas en mesure d’obliger les Conseils Généraux à respecter la loi du 11 février 2005 et ses décrets en matière de compensation du handicap.

C’est pourtant au nom de ce montage bancal que l’on oblige 25 millions de travailleurs à donner le fruit d’une journée de labeur. A qui demanderont-ils compensation ?

Laurent Lejard, juin 2006.

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