La Coordination Handicaps et Autonomie a pris acte des modifications apportées au projet de loi d’égalité des droits et des chances, la citoyenneté et la participation des personnes handicapées. Néanmoins, nous déplorons les carences et les contradictions qui persistent dans ce texte, et qui en réduisent notablement la portée. Il serait regrettable que la France ne profite pas de cette loi, déterminant la politique vis-à-vis des personnes en situation de handicap pour les 25 prochaines années, afin de rattraper son retard en se dotant d’un texte exemplaire à tous points de vue. Nous dénonçons, avant la seconde lecture, entre autres :

– La supercherie d’une Allocation Adulte Handicapé qui prétend nous faire vivre avec 587,74 euros par mois. Comment envisager, dans ces conditions, l’accès aux loisirs (dont le droit est pourtant inscrit dans la loi) quand il n’y aura même pas de quoi se nourrir ?

– L’inégalité des droits et de la citoyenneté si la compensation d’une incapacité reste liée, même a minima, à des conditions portant sur les ressources du foyer, quelles qu’elles soient, d’autant que les prestations familiales, par exemple, ne le sont pas.

– Une confusion dans l’administration de l’aide humaine financée par la « prestation de compensation » car, outre la notion d’agrément (limitée à la gestion collective !) et les critères de formation échappant aux personnes à aider, des amalgames ambigus apparaissent dans la dénomination, la fonction et le rôle des gestionnaires possibles.

– Le cumul des revenus du conjoint avec l’A.A.H, car qui accepterait que son revenu soit indexé sur celui de son conjoint, comme c’est le cas avec l’allocation ? De plus, pourquoi s’obstiner à conserver une A.A.H, symbole de l’assistanat, plutôt que d’instaurer un Revenu d’Existence non indexé, mieux adapté à une évolution sociétale inéluctable ?

Nous voulons que le travail des conjoints soit reconnu à sa juste valeur, non simplement « dédommagé », comme le prévoit le texte actuel. Il faut que le conjoint obtienne un véritable statut, non une reconnaissance charitable. Pour ce faire, nous demandons, au minimum, une dérogation à l’article 212 du Code civil, leur donnant ainsi le droit d’exercer la profession d’accompagnant de leur époux(se).

Les personnes en situation de grande dépendance ont été totalement oubliées en matière de droit et d’accès au travail. Mieux même, elles en seront probablement exclues puisque les « inaptes au travail » devraient toucher une A.A.H « de luxe ». Quant à savoir sur quels critères seront désignés les futurs bénéficiaires, c’est une autre histoire !

La double inscription scolaire des enfants en situation de grande dépendance laisse craindre que, face aux situations les plus lourdes, on contraigne les familles, du fait de l’ambiguïté du texte, à inscrire leur enfant dans une école spécialisée plutôt que dans une école publique. De plus, 6 000 postes d’auxiliaires à la vie scolaire, promis par l’Éducation nationale, ne sont toujours pas au rendez- vous.

Enfin, nous attendons de cette loi qu’elle garantisse une réforme urgente de l’Allocation d’Education Spéciale, la continuité de la prise en charge des personnes en situation de grande dépendance dans le passage de l’enfance à l’âge adulte, un statut des accompagnants, leur assurant un plan de carrière, une délégation de soins et le droit à l’accompagnement en milieu hospitalier.

Nous réclamons aussi une participation active à toutes les démarches décisionnaires, ce qui est loin d’être le cas. Dès le 2 janvier 2005, environ 860 millions d’euros devraient, notamment, être attribués au dispositif « grande dépendance ». Ceci amène une question primordiale : comment fera-t-on si l’estimation, très approximative, de 3.000 à 4.000 bénéficiaires potentiels de l’accompagnement jour et nuit est dépassée ?

Face à ces constats, la Coordination Handicap et Autonomie ne peut se satisfaire d’un simple inventaire et de regrets. Nous demandons donc au législateur d’avoir la volonté et le courage d’aller au bout de l’esprit citoyen et démocratique qui anime leurs engagements et de ne pas renvoyer les décisions déterminantes à des décrets d’application. Ces décrets sont censés être signés au cours du premier semestre 2005. Le seront-ils ?

Nous ne pouvons ni ne voulons nous résigner à une demi-réforme, les enjeux sont trop cruciaux. Nous voulons que les promesses soient tenues avec honnêteté, réalisme et détermination, garantissant l’égalisation des droits et des chances en faveur de tous les citoyens sans exception. Selon les promesses réitérées du Président de la République.


Marcel Nuss, octobre 2004.

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