Nous le savons tous désormais, le 10 décembre 2003 sera le jour de la Grande Révélation des dispositions contenues dans la loi Boisseau. On pourra apprécier l’ampleur éventuelle du droit à compensation de notre handicap, on aura une idée des moyens d’existence qui nous seront concédés par l’Etat et les collectivités locales, on connaîtra nos chances de pouvoir profiter un jour des services publics ou des transports en commun. Mais ce projet de loi nous donnera peut- être l’impression de tomber du ciel parce qu’on ne nous aura jamais demandé notre avis et que les personnes handicapés n’auront pas été associées à ce débat fort peu démocratique.

Les observateurs politiques n’en sont guère surpris, la France est gouvernée à droite et cette mouvance ne se reconnaît guère dans la démocratie directe, préfèrant le débat feutré, cadré, entre gens de bonne compagnie. Une discussion a certes été ouverte sur Internet, dans le cadre du Forum public, mais faute de publicité et de relais médiatique elle n’a recueilli qu’une soixantaine de messages au moment où ces lignes sont écrites.

Dès le début, le débat a été confié au Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées, structure de concertation rassemblant les associations nationales, qu’elles soient gestionnaires d’établissements ou chargées de défendre les intérêts matériels ou moraux de leurs adhérents. Aucune des associations membres du C.N.C.P.H n’a trouvé utile de mettre les propositions gouvernementales sur la place publique, de demander leur avis à l’ensemble des personnes handicapées, ce que permettent pourtant les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication dont on se gargarise sans savoir (ni surtout vouloir) en utiliser la portée démocratique. Il faut dire qu’il est flatteur pour le milieu associatif d’être l’instrument de l’élaboration de la loi : le gouvernement reconnaît ainsi un travail réalisé en lieu et place de l’action publique. Les associations ont été à la fois des créatrices d’idées et des sous- traitantes de l’Etat.

Pourtant, un autre syndrome semble avoir incité ces associations à confisquer le débat à leur profit : le sentiment d’être considérées comme des organisations représentatives. C’est ce que qu’estimait récemment Régis Devoldère, président de l’association Grande Cause Nationale et président de l’Unapei (Union qui assure également le secrétariat permanent du Comité d’Entente et dont l’ancien directeur général est l’actuel Délégué Interministériel aux personnes handicapées). Mais les associations de personnes handicapées ne sont pas des syndicats, elles ne sont pas représentatives de la population des personnes handicapées en dehors de leurs adhérents, aucune élection d’aucune sorte ne permet au public de sanctionner leur politique !

L’absence de débat public pèsera sans doute sur l’avenir de la loi Boisseau. Au Parlement tout d’abord, qui jouera peut- être son rôle d’expression des citoyens si le gouvernement ne verrouille pas les débats comme il en a le pouvoir. Dans son application ensuite, parce qu’une loi ne vaut que lorsque la population qui est concernée se reconnaît dans ce qui lui est proposé. L’enjeu est là, pour que la loi Boisseau ne soit pas qu’une réforme de plus.

Laurent Lejard, octobre 2003.

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