« H comme Handicapé.e.s le podcast qui donne la parole aux personnes handicapées parce qu’on ne les entend pas assez » entame sa troisième saison. De multiples thèmes y sont abordés : voyages, culture, et toutes les sexualités. Vous découvrirez, dans des entretiens sans tabou, essentiellement des femmes qui évoquent leurs orientations et pratiques sexuelles, l’handiparentalité, les problèmes qu’elles rencontrent du fait de leur obésité ou de la couleur de leur peau. Des entretiens autant à écouter qu’à lire, ils sont intégralement retranscrits, notes d’ambiance incluses.

« J’ai eu l’idée du podcast pendant le premier confinement, justifie Hermine Garnier. J’étais en colère, notamment à cause du tri eugéniste des personnes handicapées atteintes du covid dans les hôpitaux, et de ce qui se passait avec black lives matter. Ça m’a donné envie de créer un espace de parole entre personnes handicapées parce que je trouvais qu’on nous entendait pas assez. » Elle a choisi la technique du podcast pour sa facilité de mise en oeuvre : « C’est ce qui semblait le plus accessible. On peut enregistrer à distance, n’importe qui peut faire un podcast, il suffit d’avoir un micro. Ça me paraissait le format le plus accessible et me permettant de gérer mon temps comme je le voulais. Le côté anonyme, avec juste la voix, ce format de discussion me plaisait également. »

Hermine Garnier

Tout juste trentenaire, Hermine Garnier est installée à Rennes (Ille-et-Vilaine) depuis un an et demi, une ville où vivent de nombreuses personnes handicapées engagées. Célibataire, elle est infirme motrice cérébrale et vit avec l’Allocation Adulte Handicapé, sans emploi salarié, et assume sa sexualité. Est-ce ce qui l’a conduite à s’intéresser à la diversité des sexualités et pas seulement à la très standard hétérosexualité ? « Souvent, la sexualité n’est même pas vue en fait, les personnes handicapées sont désexualisées. Et oui, c’est très hétéro pour le peu qu’on en parle ! Moi-même n’étant pas hétéro, il est logique que je sorte de ces schémas-là. Il me tenait à coeur d’en parler parce que c’est un sujet encore très tabou, surtout en France. » Ses interlocutrices parlent de bisexualité, d’homosexualité, d’intersexe, de transgenre avec l’impact spécifique de leur handicap, ce que l’on ne retrouve jamais dans les débats sur la vie affective et sexuelle marqués par leur normalisation, un peu comme un calque validiste : « Oui, parce qu’on a déjà du mal à penser que les personnes handis puissent avoir une sexualité et être hétéro, alors qu’on ajoute « pas hétéro » derrière est encore plus difficile à penser et du coup c’est encore moins visible. Il y a clairement une forme de validisme derrière. »

Ces podcasts témoignent d’une diversité insoupçonnée qui secoue les idées reçues sur ce que serait la communauté des personnes handicapées, trop souvent vue comme assez homogène. « J’avais envie que ce soit le plus varié possible au niveau des profils, et que ce ne soient pas forcément des personnes handicapées médiatisées où très connues. En évitant le syndrome de l’imposteur où les personnes ne se sentent pas légitimes à prendre la parole parce qu’elles n’ont pas assez d’expérience. Du coup j’ai eu envie de casser ça et donner la parole à des personnes un peu anonymes avec de la diversité dans les profils. » Le côté essentiellement féminin n’est pas son choix, affirme Hermine, mais résulte des réponses aux appels à témoignages qu’elle lance sur les réseaux sociaux. « Ce sont majoritairement des femmes qui répondent, je ne sais pas trop d’où ça vient, mais justement le prochain épisode du podcast sera sur la masculinité et pour le coup, là j’ai discuté avec des hommes et justement je leur ai posé cette question : pourquoi ce sont des femmes qui prennent la parole ? »

Logo du podcast H comme Handicapé.e.s

La masculinité, un thème d’actualité en réaction au mouvement #metoo ? « Oui, je pense que c’est toujours comme ça quand un mouvement prend de la place, génère des avancées sociales et des minorités qui prennent la parole. Forcément il y a toujours un retour de bâton, et dans ce cas-là, oui, affirmer sa masculinité est toxique pour le coup. On en discute dans le podcast qui va sortir bientôt, comment on la vit avec le handicap quand on n’est pas dans la norme de masculinité classique. »

Hermine Garnier prépare déjà la quatrième saison de podcasts en forme de bilan, en envisageant également d’alléger la charge de travail qu’ils lui imposent. « J’aimerais créer un format plus participatif dans le sens où ce ne serait plus vraiment moi qui enregistre mais les participants qui me contactent et m’envoient leur témoignage directement en s’enregistrant eux-mêmes sur leur téléphone et que je n’ai plus qu’à monter les épisodes. Cela permettrait d’avoir plusieurs témoignages et pas juste une ou deux personnes. Un format plus participatif. » A vous, donc, de podcaster…

Laurent Lejard, octobre 2022.

Partagez !