Sophie Lombard a couvert ses opulents cheveux rouges (assortis à son fauteuil roulant !) d’une longue perruque blonde dans BA Day, une vidéo dans laquelle elle propose d’adopter pour une journée une personne handicapée. Des valides intéressés appellent pour venir choisir derrière des grilles leur handicapé-binôme, comme dans un refuge de la SPA. Un ton enjoué pour un BA Day décapant qui parodie la vidéo dans laquelle la secrétaire d’Etat aux personnes handicapées, Sophie Cluzel, présente l’opération de communication gouvernementale Duo Day qui s’est déroulée le 26 avril dernier. « Je voulais me moquer de la vidéo de Sophie Cluzel, son ton ‘Allez c’est parti !’, ce style enjoué où les personnes valides vont rencontrer des personnes handicapées parce qu’elles ne travaillent pas. Ça partait probablement d’une bonne intention, mais bon. On lui a envoyé la vidéo… sans réaction de sa part. » Au-delà de la satire, Sophie Lombard et ses acolytes ont voulu attirer l’attention sur la condition humaine des personnes handicapées dans notre société.

L’auteure de cette parodie est comédienne depuis une quinzaine d’années et Infirme Motrice Cérébrale depuis sa naissance à Rodez, il y a 34 ans. Installée à Toulouse depuis une vingtaine d’années, elle a assumé son goût pour le théâtre en étudiant l’anglais et l’espagnol : « J’ai toujours beaucoup aimé les langues, travaillées à Toulouse pendant mes études » confie-t-elle. Elle est entrée au Conservatoire de la ville rose, directement en 3e année, grâce à l’expérience qu’elle avait déjà acquise : « J’étais la première élève en fauteuil au conservatoire, qui a dû se rendre accessible. J’ai passé une audition, ils ont fait l’effort. J’ai toujours pu participer à des formations, sans rencontrer de difficultés à suivre les cours. Mais il est difficile d’accéder aux scènes de théâtre. » Là, c’est l’accès en fauteuil roulant électrique qui est en cause, et également le regard que les metteurs en scène peuvent poser sur une comédienne IMC. Sophie Lombard vit avec des difficultés de coordination des mouvements, mais pas de problèmes d’élocution : « Attention, il y a toujours cette idée qu’une personne en fauteuil roulant qui fait du théâtre, ce n’est pas courant quand on joue au milieu de tous. On n’utilise pas une comédienne handicapée dans une pièce courante, un handicapé doit faire du théâtre sur le handicap. Un metteur en scène m’a même dit qu’il ne me voyait pas dans sa pièce ! Le handicap, ça rentre dans une case, ce besoin en France de catégoriser. D’ailleurs, il n’y a pas en France d’acteur handicapé connu et pouvant assurer la notoriété d’un film. Mais j’ai travaillé avec bien d’autres metteurs en scène qui sont passés au-delà. »

Ce qui l’incite à passer des auditions, dont l’une l’a conduite en 2017 à apparaître dans le film Rock’n Roll de Guillaume Canet, bien que le milieu du cinéma soit difficile. Tout en dirigeant la compagnie qu’elle a créée, Full Light, et en enseignant : « Je donne et suit des cours d’improvisation. On joue dans des cafés, ça aide à la création, structure pour jouer avec d’autres. C’est ce qui donne du souffle. » Elle pratique également le théâtre forum, dans la proximité toulousaine, et a participé au Festiv Handi de Saint-Antonin-Noble-Val (Tarn-et-Garonne). En se laissant guider par cette philosophie : « C’est d’expliquer qu’il faut prendre le handicap comme une force, sans attendre tout des autres, alors qu’il faut aller vers eux. »

Propos recueillis par Laurent Lejard, juin 2018.

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