2015 verra l’élection de la première Miss Handicap en France (et peut-être d’un Mister Handi). Initié par l’association Entre4roues créée par la grenobloise Priscille Vigneron, ce concours est calqué sur celui de Miss France, les (gros) moyens financiers en moins. Là, peu d’argent en circulation : toute l’organisation repose sur des partenariats de fourniture gratuite de prestations ou de matériels. Déjà en 2013 une élection avait eu lieu, mais sur Internet via Facebook, sans réunion physique, une expérimentation en quelque sorte. En 2015, une vraie Miss émergera de la compétition d’abord régionale puis nationale. La finale aura lieu en journée le 20 septembre 2015 dans la banlieue de Grenoble (Isère), chez… Hippopotamus Gières, chaine de restaurants partenaire. Actuellement, des comités agréés existent dans huit régions : Auvergne, Bourgogne, Bretagne, Ile-de-France, Languedoc, Midi-Pyrénées, Normandie et Rhône-Alpes.

Première lauréate du concours régional Midi-Pyrénées, Angélique Skéna est née grande prématurée il y a 26 ans, ce qui lui a laissé un handicap moteur des membres inférieurs. Elle a connu une enfance « pas bien terrible » ponctuée de multiples interventions chirurgicales et de problèmes de santé, et mène aujourd’hui une vie active : « J’ai mon permis, mais j’ai besoin d’aide, je marche avec difficulté. Ça se passe bien au travail, je suis bien acceptée. Mais ailleurs le handicap est plus ou moins accepté. » Employée municipale à Gourdon (Lot), elle travaille dans le service de l’état-civil. Elle avait voulu participer au concours web Miss Handi de 2013, mais n’envisageait pas de le retenter cette année.

« Tous mes amis, qui me connaissent et savent par quoi je suis passée, m’ont demandé de m’inscrire. Je voulais faire changer le regard des gens sur le handicap. C’est encore tabou, avec peu de compréhension et de la moquerie. L’organisatrice, Priscille Vigneron, est venue me chercher et j’ai été élue. Il y avait trois candidates et un candidat pour Mister Handi, élu d’office… Lors du concours, j’ai rencontré d’autres personnes handicapées qui ont toutes les mêmes problèmes. »

C’est cette dimension de vivre avec un handicap qui constitue l’un des aspects de la compétition, davantage que les canons de beauté, d’autant que les candidates du défilé Midi-Pyrénées, qui s’est déroulé en avril dernier à Figeac (Lot) devant une centaine de spectateurs, portaient des vêtements plutôt classiques: ici, pas de présentation en maillot de bain ou robe de soirée, c’est la façon d’être et de vivre avec son handicap qui compte. « Je suis quelqu’un de simple, franche et ouverte, à l’écoute des autres, explique Angélique. Le handicap m’a renforcé. Physiquement, je suis assez classique, pas grande, je mesure 1 m 52. »

Elle ne compte pas s’arrêter à sa région, vise le trophée national et pense déjà à ce qu’elle compte faire: « J’espère pendant mon année de Miss faire changer le regard et être ouverte aux autres. Dans ma région, je serai sur le Téléthon à Gourdon et je vais essayer de monter une association locale. » Depuis son titre de Miss Handi Pyrénées, elle a déjà participé à une soirée à Montfaucon avec les trauma crâniens et à une autre pour soutenir un garçon handicapé dans la collecte d’argent nécessaire pour qu’il subisse une intervention chirurgicale à l’étranger. « Ce fut une très bonne soirée », conclut-elle.

Fondatrice de Miss et Mister Handi France, Priscille Vigneron ne sait pas encore si le titre masculin pourra être délivré, aucun candidat n’ayant participé en Bretagne et Rhône-Alpes dont les concours viennent de se tenir : Alice Angosto, trentenaire sourde, a remporté le titre breton le 9 mai et Sophie Alix-Boiron, handicapée motrice, le rhônalpin le 17 mai. En Île-de-France, la compétition aura lieu le 7 juin à l’Hippopotamus de Neuilly-sur-Seine; en Languedoc Roussillon le 11 juillet à Agde dans un lieu restant à préciser, et à une date encore inconnue pour la Normandie. « Il faut au moins trois candidates pour une élection, poursuit Priscille Vigneron. Cette année, on a de super candidats qui s’engagent à fond malgré les difficultés de diffusion de l’information dans les médias. Les réseaux associatifs ne donnent rien du tout, les associations s’en fichent complètement, c’est chacun pour soi ! » Mais Priscille Vigneron veut rester positive et réussir à organiser un concours crédible : « Moi, ce qui m’intéresse ce sont les candidats et candidates. J’aimerais bien que le milieu du handicap suive. On ne fonctionne qu’avec des partenariats, alors que tout le monde veut être payé, les chanteurs, les artistes. Et il nous faut de l’argent pour financer les frais d’organisation du concours national. » Rendez-vous le 20 septembre près de Grenoble pour apprécier le résultat final, et célébrer la première Miss et peut-être le premier Mister Handi France.

Laurent Lejard, mai 2015.

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