Sabine a voulu un enfant dès qu’elle a rencontré Laurent, l’homme qu’elle a épousé, « pour triompher de la maladie ». Ils se sont connus à Lourdes, lors d’un pèlerinage, en juin 1999. Laurent y était allé « comme ça », et Sabine parce qu’elle y trouvait un soutien moral, un réconfort. Le mari de Sabine se déplace sur un fauteuil roulant du fait des séquelles d’une sclérose en plaques apparue alors qu’il avait 15 ans. Avant d’avoir leur enfant, tous deux se sont demandé quels risques pourraient présenter une grossesse. Pour Sabine, il ne devait pas y avoir de difficultés particulières mais les médecins qui l’ont suivi ont considéré que son cas était rare; pourtant, ils ont surveillé une grossesse sans souci. Laurent redoutait les conséquences d’une ancienne chimiothérapie sur sa fertilité : « Je n’ai pas eu le courage de vérifier ». Tout s’est très bien passé, et Océane est née comme la plupart des fillettes : elle a aujourd’hui deux ans et demi, plus grande que la moyenne pour son âge, en pleine santé en dehors des habituelles maladies infantiles.

Sabine a voulu triompher d’une affection très handicapante, la maladie de Wilson, qui s’attaque au système nerveux. C’est à l’âge de 21 ans que cette maladie (résultant d’une carence dans l’élimination du cuivre que l’organisme ingère au quotidien dans les aliments) l’a foudroyée; elle est restée grabataire durant plusieurs mois. Un premier traitement mal adapté aggrave les séquelles et Sabine ne devra une rémission progressive qu’à son transfert dans un hôpital parisien. Un nouveau protocole médical est mis en oeuvre, elle retrouve la position debout, l’usage de ses jambes et de ses mains. Non sans mal ni chirurgie, avec arthrodèses pour ses pieds déformés aux orteils rétractés. Ses mains dystoniques sont sujettes à des contractions incontrôlables. Quant à son élocution, elle demeure délicate, nécessitant un peu d’habitude et une grande qualité d’écoute.

La grossesse de Sabine s’est bien passée, l’accouchement s’est parfaitement déroulé, dans la joie: « On a rigolé toute la soirée avec la sage- femme » se souvient Laurent. Cet accouchement a calmé les inquiétudes de la mère de Sabine, « on s’est réunis dans le bonheur ». En effet, si les parents de Laurent ont été enchantés d’apprendre cette grossesse, du côté de la mère de Sabine l’annonce fut plus délicate, « on y est allés avec une bouteille de champagne ». Le retour à la maison s’est fait sans préparation particulière, Sabine a trouvé les gestes les mieux adaptés et les plus sûrs en fonction de ses capacités. Elle avait suivi une formation d’infirmière, avant sa maladie, et la mère de Laurent est puéricultrice; c’est sans avoir recours à des ergothérapeutes que des solutions ont été trouvées, pour le bain par exemple, en utilisant une planche posée dans la baignoire pour poser l’enfant afin de le reprendre en mains et le transférer sur la table à langer. Laurent utilisait l’un de ces sacs qu’emploient les mères africaines pour porter leur bébé et cela lui permettait de promener Océane tout en actionnant son fauteuil roulant.

« Notre vie commune n’a pas été bien vue de tous, notamment dans les milieux catholiques. Deux personnes handicapées qui vivent ensemble, c’est encore tabou ». La famille a fini par comprendre, les amis de longue date de Laurent, qui le côtoyaient bien avant sa maladie, sont restés en relation. De simples connaissances de Sabine sont devenues des amis proches. Sabine, Océane et Laurent vivent maintenant à la campagne, « la vie est plus simple et facile qu’en ville, les villageois nous ont très bien accueillis, avec beaucoup de respect et d’intelligence ». Océane ne restera probablement pas enfant unique mais Sabine ne connaîtra pas d’autres grossesses; elle a près de 40 ans, et un traitement médical récent est incompatible avec la venue d’un nouveau bébé. Avec son mari, ils souhaitent adopter à l’étranger, « pour sortir au moins un enfant de la misère ». Et lui donner des tonnes d’amour…

Laurent Lejard, mars 2004.

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