Avec ses nombreux visiteurs, le musée d’Aquitaine, installé au centre de Bordeaux dans une ancienne faculté, est l’un des grands musées de la ville et de la région. Fréquenté par un public plutôt jeune et familial, il a vu son nombre de touristes augmenter suite à l’inscription de Bordeaux au patrimoine mondial de l’UNESCO (lire ce reportage handitourisme.)

Chaque année, quelque 2.000 visiteurs en situation de handicap viennent découvrir les collections et expositions. Le musée organise régulièrement des visites traduites en Langue des Signes Française et des visites tactiles. Il anime aussi des ateliers et visites adaptés.

Un parcours multisensoriel participatif

Pour ces visiteurs en situation de handicap, le musée est désormais accessible à tout moment, en visite libre. Grâce au nouveau parcours multisensoriel, l’intérêt des enfants et des adultes est également attisé à travers une approche pédagogique, sensorielle et ludique. Ce parcours se compose de 29 stations. Chaque station présente une ou plusieurs oeuvres.

Taille de la pierre en atelier

Dès le début, ce projet a été pensé comme une réalisation collective, sollicitant des ressources en interne (menuisier, tailleuse de pierre, etc.) ainsi que des acteurs locaux. C’est ce qui en fait la particularité. Le parcours a été soutenu financièrement par 6 mécènes privés et 4 partenaires publics. La recherche de subventions a donc été une entreprise longue et périlleuse. La conception et la réalisation ont été pilotées par Nicolas Caraty, médiateur culturel du musée, lui-même non-voyant, en collaboration avec Caroline Jules, consultante en accessibilité culturelle.

Table tactile de médiation culturelle

La conception des mobiliers a été confiée à Marie-Gabrielle Verdoni de l’agence Lulisse. Ceux-ci devaient à la fois être bien visibles et s’inscrire dans la scénographie du musée. En parallèle, 4 associations ont donné de leur temps et de leur compétence pour réaliser des maquettes, enregistrer l’audioguide, tester les dispositifs avec des personnes déficientes visuelles, traumatisées crâniennes ou cérébrolésées.

Le parcours sera inauguré en ce mois octobre 2022. Un travail de communication sera réalisé ensuite pour informer les associations et structures éducatives locales. Le parcours multisensoriel se développe donc dans les nombreuses salles du musées, réparties sur 2 étages. Les stations suivent un déroulé chronologique et alternent images en relief, fac-similés de sculptures, maquettes de bâtiments, boîtes à odeurs… Découvrons quelques-uns de ces dispositifs à travers une approche sensorielle.

Toucher

Découverte tactile d’une stèle funéraire

Évidemment, chaque module comporte des choses à toucher. La plupart des fac-similés réalisés par l’atelier du musée sont faits dans les matériaux d’origine comme la pierre. Ce choix ambitieux importait beaucoup aux concepteurs. Parmi ces oeuvres, citons-en quelques-unes. La première et la plus ancienne est la Vénus de Laussel, un petit corps de femme préhistorique sculpté. L’époque gallo-romaine est représentée par une grande maquette de Bordeaux antique, Burdigala, ainsi que par l’évocation du vin, des religions et d’une mosaïque.

Le Moyen Âge est remémoré à travers l’Aquitaine anglaise, le tombeau d’Aliénor d’Aquitaine, des copies de vitraux, des sculptures romanes et gothiques. Une maquette de l’impressionnante rosace du couvent des Carmes a été réalisée en bois à l’échelle 1/10e. Le visage sculpté du philosophe bordelais Michel de Montaigne introduit les Temps modernes. Ensuite, le Bordeaux du XVIIIe siècle expose, entre autres, l’image en relief d’un entrepont de navire déportant plusieurs centaines de captifs africains, souvenir de la traite négrière. L’époque contemporaine se termine par le vin et la maquette d’un chai.

Quelques salles sont également réservées aux collections extra-européennes. Le visiteur peut alors toucher des instruments de musique africains, une case kanak et deux masques d’Afrique de l’ouest.

Voir

Chaque élément tactile est bien sûr visible, avec un fort contraste pour les personnes malvoyantes. Le fond est gris, images et textes sont blancs ou orange. Pour rendre l’effet du vitrail, le module sur les vitraux aux armes d’Angleterre présente des images transparentes rétro-éclairées.

Projet de plaque sur les vitraux

Enfin, pour les spectateurs sourds, des vidéos en Langue des signes française sont disponibles sur l’application de visite. Le parcours LSF se compose ainsi de 45 vidéos réalisées avec un comédien sourd, ainsi que des sous-titrages. Il est disponible sur tablette à l’accueil du musée.

Comprendre

Texte présentant un biface

Dans un musée, les personnes avec des difficultés de lecture peuvent être nombreuses : personnes handicapées mentales, touristes étrangers, enfants, personnes allophones. Ainsi, les textes des modules s’efforcent de respecter un niveau de langage simple, sans pour autant atteindre le Facile à lire et à comprendre (FALC), avec des phrases courtes, des mots simples, l’absence de jargon et l’explication des mots complexes.

Entendre

Partant du principe qu’une image tactile nécessite toujours une description détaillée, des textes audio-descriptifs ont été rédigés et enregistrés sur l’audioguide.

Sentir

Boîte à odeurs de la table tactile d'une affiche présentant l'apéritif Lillet

Enfin, certains modules sont agrémentés de boîtes à odeurs en lien avec la thématique de la salle. Par exemple, dans les espaces présentant une ancienne épicerie bordelaise, ce sont les productions locales qui sont mises en valeur : bouillon Kub, lessive St-Marc et apéritif Lillet.

Voici donc ce que propose le musée d’Aquitaine pour nos sens tactiles, visuels, olfactifs et auditifs. Mais qu’en est-il du goût ? Pour ça, Bordeaux de manque pas de ressources. Du vin au cannelé, vous trouverez facilement de quoi ravir vos papilles après cette longue visite !

Caroline Jules, Culture Accessible, octobre 2022

Partagez !