Lasses d’une vie qu’elles estiment en conscience ne plus être digne d’être vécue, ou voulant une mort dans la paix du corps et de l’âme, des personnes entièrement paralysées demandent le droit au suicide assisté, puisqu’elles ne peuvent accomplir par elles-mêmes ce geste suprême. Parmi elles, Ramon Sanpedro, dont l’histoire est relatée dans le magnifique film Mar Adentro, Jean-Marie Lorand en Belgique qui racontait dans un documentaire de quelle manière il ne voulait pas mourir, Diane Pretty disparue dans la douleur en Angleterre, Venkatesh décédé dans la souffrance en Inde, Vincent Humbert aidé à mourir à Berck, et maintenant Piergiorgio Welby en Italie, à Crémone, ce mercredi 20 décembre, six jours avant ses 61 ans.

Piergiorgio Welby demandait à mourir dignement, au moment choisi. Parvenu au stade avancé d’une dystrophie musculaire qui ne lui permettait même plus de parler, tout en demeurant pleinement lucide, paralysé alité depuis des années, maintenu en vie depuis 10 ans par un respirateur artificiel, communiquant par mouvements oculaires, sa demande de suicide assisté s’était heurtée à l’absence de législation sur la fin de vie en Italie. Saisie, la Justice a rejeté sa demande. Dans le même temps, le débat est devenu national : lettre de Piergiorgio Welby au Président de la République, polémique médiatique, interventions de l’église catholique. En résumé, ce sont les péripéties du cas de Vincent Humbert, avec le même dénouement : l’un des médecins de Piergiorgio Welby, Mario Riccio, a arrêté le respirateur de son patient après l’avoir mis sous sédatif.

Après la France, l’Italie entre dans le débat sur l’euthanasie de la pire manière qui soit : dans la polémique politique imprégnée de considérations religieuses. Un parti démocrate-chrétien, l’U.D.C, demande l’arrestation du médecin Mario Riccio. La très catholique ministre de la famille, Rosy Bindi, s’oppose à l’interruption du « cours de la vie ». Des parlementaires de gauche souhaitent un débat sur le sujet. L’Italie est divisée, comme la France le fut par la volonté d’un ministre tout-puissant qui fit passer ses convictions religieuses avant la laïcité de l’Etat et imposa son point de vue à l’ensemble de la société. Nous savons comment cela s’est provisoirement conclu ce ce côté-ci de la frontière, par une loi mal ficelée que tous les députés présents ont votée tout en dénonçant ses limites et inadaptations.

Ailleurs, en Hollande, en Belgique, en Suisse, l’euthanasie est légalisée dans le cas d’une demande consciente et réfléchie, avec accompagnement de la fin de vie, traitement de la douleur, soutien moral et psychologique. Ce qui se pratique en France dans le secret de chambres d’hôpital pour des raisons financières, à la sauvette et sans l’accord du patient qui en est victime, est là-bas réglementé, aidé, et nombre de personnes renoncent même à accélérer leur parcours ultime. Encadrer la fin de vie, ce n’est pas encourager l’euthanasie des « devenus inutiles » ainsi que certains l’objectent, c’est au contraire combattre en plein jour la pratique des « morts par compassion » ou des malades qui coutent trop cher aux hôpitaux, celle qui a conduit des soignants devant les cours d’assises de plusieurs pays d’Europe. Combattre les ténèbres de la mort subie ne peut se faire que dans la clarté du débat démocratique : quand les pouvoirs publics voudront-ils enfin le comprendre ?

Laurent Lejard, décembre 2006.

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