Que signale le pictogramme « oreille barrée », et qu’est-ce qu’une boucle à induction magnétique ? Les professionnels du tourisme qui accueillent le public devraient le savoir, de même que les personnes malentendantes puisqu’elles sont concernées. On constate pourtant une grande méconnaissance de ces outils : une étude vient enfin d’éclairer cette lacune, grâce à Maud Dupuis-Caillot qui dirige la société spécialisée dans l’accessibilité touristique et culturelle Polymorphe Design : « J’ai lancé cette enquête parce que j’étais énervée, j’entends n’importe quoi sur ce sujet ! Je me suis adressée au syndicat des audioprothésistes, aux associations. J’ai été surprise de recevoir autant de réponses, plus de 500, le sujet intéresse. Et des gens ont commenté leurs réponses, ils avaient des choses à dire. » Parmi eux, 80 professionnels de santé-social ou handicap ont répondu, 200 professionnels du tourisme et 70 personnes malentendantes. « Ça a intéressé les gens parce qu’une telle étude n’a jamais été faite, poursuit Maud Dupuis-Caillot. La grosse surprise, c’est que les audioprothésistes connaissent mal la boucle à induction magnétique, ils ne sont pas informés. Dans le tourisme, des bureaux d’accueil ont le dispositif mais les employés ne savent pas s’en servir bien qu’ils soient dans le réseau Tourisme et Handicap ! Alors que pour les personnes malentendantes, c’est génial. »

La boucle à induction magnétique (BIM) filtre le son afin d’améliorer une conversation en milieu bruyant, entendre correctement les sons au cinéma, au spectacle, etc. La BIM est par exemple utilisée pour l’accueil, l’employé parlant alors dans un micro pour que la personne entende correctement. 28% des professionnels du tourisme l’ignorent, de même que 8% des professionnels de santé-social ou handicap, et 6% des personnes malentendantes. Dans les établissements recevant du public, sa présence est signalée par un panonceau représentant une oreille traversée d’un trait complétée de la lettre T. 29% des pro du tourisme l’ignorent, 8% en santé-social-handicap et 7% des malentendants. 57% des répondants ont un niveau faible ou inexistant de connaissance de l’utilisation d’une BIM ! D’autres questions permettent d’apprécier l’utilisation des BIM par les personnels ou les personnes malentendantes, précisent les raisons de leur usage ou non-utilisation.

La BIM est compatible avec la plupart des prothèses auditives, à charge pour l’audioprothésiste de conseiller son client en fonction de ses besoins de communication. « Compatibilité, précise Maud Dupuis-Caillot, le problème n’est pas là, c’est parce qu’on est mal informé. La première information à faire passer aux audioprothésistes, c’est que les espaces publics s’équipent progressivement de boucles à induction magnétique, il existe un risque de couper le public de l’espace social quand on oublie de lui expliquer ce dispositif. Ce n’est pas une volonté de nuire mais une méconnaissance de la part des audioprothésistes. Pourtant, quelques-uns d’entre eux se servent d’une BIM pour régler la fonction téléphone ou télévision d’une prothèse. Or, on passe une grande partie de notre temps en extérieur et en établissements recevant du public. Il faut bien comprendre que la personne malentendante évolue dans l’espace public. » Mais pour que le matériel remplisse sa fonction, encore faut-il que les personnels s’en servent : « Ce n’est pas parce qu’il y a un pictogramme que la boucle magnétique est activée, reprend Maud Dupuis-Caillot, la réponse est ‘ils n’ont qu’à demander’ ! Ce n’est pas le dispositif, mais l’information qui va autour qui est en cause. A aucun moment le matériel n’est en cause. »

De l’enquête de Polymorphe Design résulte une meilleure compréhension des réticences et lacunes dans l’emploi des boucles à induction magnétique, même pour une professionnelle de l’accessibilité : « J’étais très mal à l’aise pour parler de la BIM, conclut Maud Dupuis-Caillot. Maintenant j’ai une réponse et j’ai envie de poursuivre la démarche. Je suis entrée par un trou de serrure, aux associations de prendre le relais pour faire passer le message afin que la BIM soit mise en place de façon correcte. »

Propos recueillis par Laurent Lejard, janvier 2017.

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