Le 12 décembre 2011, aucun des signataires de la « Charte relative à la qualité du sous-titrage à destination des personnes sourdes ou malentendantes » ne l’a évoqué, mais la médiatisation sur le Web en mai 2010, par une organisation professionnelle, du sous-titrage calamiteux d’une émission de télévision a probablement accéléré l’élaboration d’une démarche qualité. Signée par le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA), les chaines de télévisons concernées, les laboratoires de sous-titrage et les associations de déficients auditifs, elle contient 16 critères à respecter pour que les téléspectateurs concernés puissent comprendre ce qu’ils n’entendent pas, ou mal : respecter le sens du discours, les règles d’orthographe et de syntaxe, un temps d’affichage minimal, un code couleur unique. Le sous-titrage devra masquer le moins possible l’image, tout en assurant une parfaite lisibilité et un positionnement au plus près de la source sonore, avec indication des informations sonores ou musicales. L’un des critères les plus délicats à respecter sera certainement la réduction du décalage, dans les émissions diffusées en direct, entre l’affichage du sous-titrage et les propos tenus par telle ou telle personne : actuellement, ce décalage peut dépasser la dizaine de secondes, ce qui pose des problèmes de compréhension dans un débat où une interview… « Lors du débat télévisé de la primaire socialiste, les paroles de François Hollande s’affichaient lorsque Martine Aubry parlait, et vice-versa ! », prend pour exemple Richard Darbera, Président du Bureau de Coordination des associations des devenus sourds et malentendants (BUCODES).

Membre du Collège du CSA, l’ex-sénateur Nicolas About est affirmatif : « Aujourd’hui, il faut travailler dans une logique qualitative plutôt que quantitative. Les labos et les chaînes ont validé des engagements réciproques, qui ne sont pas assortis de sanctions. » Ce qu’interprète positivement sa collègue Christine Kelly, en appréciant le niveau d’excellence revendiqué par les représentants des chaînes de télévision qui ont rejeté la proposition d’une tolérance : « Les chaînes, par l’intermédiaire de Canal+, ont dit qu’il était inadmissible d’accepter une marge d’erreur ». Chaque année, un rapport élaboré par le CSA sera transmis au Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées (C.N.C.P.H).

Qu’en pensent les professionnels ? « Je suis très investie sur la France pour la qualité du sous-titrage, explique Isabelle Frilley, présidente de Titra Film et TVS. Cette charte peut favoriser la qualité. Ce que j’apprécie dans cette charte, c’est qu’elle permettra d’unifier l’affichage des sous-titres. Quand on travaillait pour une chaîne, il fallait regarder sa charte spécifique, à chaque fois c’était un casse-tête. » Quelques critères portent effectivement sur le code couleur, la ponctuation, le positionnement des sous-titres en fonction des personnages ou de l’origine des sources sonores et musicales, les téléspectateurs devraient donc ne plus avoir d’efforts d’adaptation à faire en passant d’une chaîne à l’autre. « J’ai des doutes sur la qualité de la langue, poursuit néanmoins Isabelle Frilley. Pour qu’un sous-titrage sourds et malentendants soit bon, il faut savoir écrire la langue, travailler le texte, soigner l’orthographe. Il y a une question de coût, et si des laboratoires délocalisent, c’est parce qu’il y a une guerre des prix. » Titra Film existe depuis 1934 et conduit ses activités françaises uniquement en France, mais d’autres laboratoires sont installés en Inde, au Maroc, au Vietnam, etc. Les sous-titreurs ne sont pas, pour la plupart, des salariés mais des travailleurs indépendants ou des intérimaires payés parfois à vil prix.

Cette charte ne va pas impliquer grand chose pour MFP, filiale de France Télévisions : « On respecte déjà à peu près tous les critères, estime son président Martin Ajdari. Nous essayons surtout actuellement de descendre en dessous de la barre fatidique des 10 secondes pour le direct. » Le critère de la charte prévoit la réduction du décalage entre l’affichage du sous-titre et le propos tenu par la personne à l’écran, une difficulté spécifique aux programmes diffusés en direct. « Personnellement, précise Martin Ajdari, je privilégie la qualité de l’orthographe, même si on doit dépasser les 10 secondes. J’attends des évolutions technologiques pour pouvoir améliorer le traitement de ce problème. » De fait, les laboratoires de sous-titrage en direct reçoivent le signal de diffusion du programme trois à quatre secondes avant qu’il soit diffusé par les émetteurs, ce qui contribue déjà à réduire le décalage texte-parole.

« Lorsque l’on a été invité au groupe de travail, on était d’accord sur beaucoup de points, explique Sophie Battley, en charge du sous-titrage en différé chez ST 501. On applique déjà la plupart des critères dans notre façon de travailler. » Ce laboratoire travaille pour TF1 et d’autres chaînes de la TNT. « Nous effectuons un gros travail de formation des sous-titreurs qui font du direct, ajoute Grégory Ansieaux, responsable d’exploitation de ST 501. Nos clients sont satisfaits de notre travail, et en interne on a mis en place un système d’autocritique pour constamment améliorer notre qualité de sous-titrage. »

A en croire les professionnels du sous-titrage, Nicolas About a raison quand il affirme que « grâce aux efforts des chaines, le paysage audiovisuel français a atteint un très haut niveau d’accessibilité ». Cela malgré la pression permanente exercée sur les tarifs des prestations de sous-titrage, et la réalisation à l’étranger d’une partie de ce travail. Néanmoins, il reste à développer à l’antenne, notamment dans les émissions d’informations, l’interprétation en Langue des Signes Française, ainsi que l’audiodescription pour les spectateurs aveugles. Ce sera le cas pour la prochaine campagne officielle pour les élections présidentielles d’avril et mai 2012. Mais après ?

Laurent Lejard, décembre 2011.

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