Noémie Churlet : Bonjour Kinta Kawata. Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Kinta Kawata :
 Agé de 31 ans, je suis un artiste interprète et chorégraphique de danse hip hop. Ma vie m’a amené à m’orienter vers d’autres domaines du monde artistique, tel qu’administrateur, organisateur, speaker, DJ et intervenant hip hop. Aujourd’hui, je suis attaché de production et de diffusion et responsable danse hip hop auprès d’une structure plus ou moins institutionnelle, le Kabardock, sur l’ile de la Réunion.

Noémie Churlet : Comment est venu ce choix de métier ? Vu que l’accessibilité n’est pas toujours totale, comment avez-vous pu mener à bout votre formation ?

Kinta Kawata : Bégayant énormément à mon plus jeune âge, seule la danse était possible, car le corps parlait et s’exprimait. Mais dés ma première expérience professionnelle, j’ai compris l’importance de la parole. J’aurais pu à cet instant m’orienter sur autre chose. Mais 5 ans s’étaient écoulés et la danse m’avait envouté. Comme tout artiste, à l’instant ou mon corps s’exprime, je vis. Je viens de la rue, j’ai connu les grands lieux de la danse hip hop, La Défense, Gare de Lyon et avant cela ma ville, Nemours et le reste du 77, mais parmi tous ces lieux un seul restera à jamais gravé, c’est Châtelet les Halles. Je suis passé par l’Académie Internationale de la Danse [Devenue l’Ecole du Spectacle NDLR]. J’ai rencontré énormément d’artistes aux univers confondus. Je me suis mis à former, tout en me formant. Mais en tant que danseur de hip hop, ma meilleure formation reste la rue. Car elle nous transmet l’énergie humaine accompagnée de la force de la terre, du ciel et de la mer. L’acceptation parentale à l’univers choisi est très encourageant. Mais mon père n’a pas manqué de me signaler que je n’avais pas pris le chemin le plus facile ! Je lui ai répondu : « dans ce cas, autant que ça soit dur dans quelque chose que j’aime. »

Noémie Churlet : Avez-vous parfois baissé les bras ? Si oui, comment avez-vous pu continuer à vous relever et avancer ?

Kinta Kawata : 
Oui, j’ai très souvent baissé les bras, suite à diverses situations qui m’empêchaient et qui m’empêchent encore d’avancer. Non pas par rapport à mon professionnalisme, ou à mon niveau en tant que danseur. Mais suite à l’ignorance de certaines personnes vis-à-vis de l’univers hip hop. Dont leur seul intérêt reste profit et exploitation afin de pouvoir posséder et contrôler. Sans oublier que je suis un jeune africain d’origine congolaise, pourtant de nationalité française. Je rêve d’indépendance, d’équilibre et non de dépendance. La passion me donne la force d’aller de l’avant, de me surpasser, au point d’en être surpris.

Noémie Churlet : Par quel moyen vous faîtes-vous connaître ?

Kinta Kawata : Artistiquement, à l’aide des diverses représentations et par le biais de divers supports de communication : Intermittent’Sign, mon Myspace, ma petite page sur Facebook… Je suis fier de tout, et très fier de ma danse, de mon solo comme de mon parcours avec ses hauts et ses bas. Mais je suis surtout très fier du magnifique duo que je prépare avec petite femme Nina. D’ailleurs je la remercie énormément pour ce duo, car grâce à elle, j’ai repris la danse là ou je l’avais arrêtée, accepté un moment de tourmente, afin de revenir à l’essentiel. Partager sa passion avec l’être aimé n’est qu’un beau cadeau, merci ma Nina !

Noémie Churlet : 
Que souhaitez-vous faire développer en France : accessibilité, mentalités, projets… ?

Kinta Kawata : Je veux montrer aux gens que tout est possible, qu’il suffit d’y croire. Ça sera dur, mais qui a dit que la vie était facile ? Mais elle est belle, à nous de s’en donner les moyens. La danse hip hop se pratique, la culture hip hop se vit. Par ma couleur de peau, mon handicap, ma danse, mon rapport humain, etc. Mon désir est de pouvoir transmettre ma philosophie artistique et humaine puis culturelle par le biais de ma compagnie de danse et d’une structure pédagogique.

Noémie Churlet : Que conseillez-vous aux Sourds qui souhaitent faire le même métier que vous ?

Kinta Kawata : La richesse de l’art et l’échange humain : ils m’ont appris à grandir et à accepter des situations dont la plus difficile fut mon handicap. Le regard de l’autre n’est plus un frein, au contraire, un bonheur et un plaisir d’être vu et entendu. L’important n’est pas l’arrivée, mais le chemin parcouru. Le combat continue, seule la forme de ce dernier change.

Noémie Churlet : Quels sont vos projets actuellement ?

Kinta Kawata : Actuellement, je prépare mon retour en métropole en dansant tous les jours, et mentalement par le biais de mon poste. Celui que je possède, dont le choix n’a pas été facile, me permet de me professionnaliser dans un domaine que je ne maitrise pas : celui de l’administration. Ce qui me permettra de posséder une complémentarité pour mon projet d’avenir.


Propos recueillis par Noémie Churlet, Intermittent’Sign, décembre 2010.

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