L’Histoire sportive mondiale des sourds retiendra que c’est en France, plus exactement à Paris, qu’est né le Comité International des Sports Silencieux, en 1924, par celui- là même qui treize ans plus tôt avait créé le premier club omnisports de sourds et six ans plus tôt la Fédération sportive des Sourds- muets de France (FSSF) : Eugène Rubens- Alcais. Les premiers jeux internationaux silencieux eurent d’ailleurs lieu à Paris en 1924, réunissant 9 nations et 133 concurrents. En 1955, le Comité international olympique reconnaissait officiellement le CISS comme « fédération internationale à rang olympique ». Un an plus tard, le CIO récompensait le CISS par la coupe Coubertin pour services envers le sport. Mais le CISS, composé uniquement de nations européennes pendant plusieurs décennies, ne devint vraiment mondial qu’en 1981 lorsque trois villes non européennes posèrent leur candidature pour l’organisation des jeux mondiaux d’été de 1985. C’est finalement Los Angeles qui l’obtint. Des confédérations régionales ont par la suite été fondées : l’Organisation européenne pour le sport sourd (EDSO) en 1983, la confédération d’Asie- Pacifique en 1984, la Pan- Américaine en 1970 et la Fédération des sports sourds africains en 1997.

Pourquoi les Sourds pratiquent à part. De 1986 à 1995, des tensions ont animé le CISS sur la question de savoir s’il devait être oui ou non rattaché au Comité international paralympique (CIP). En 1995, lors d’un congrès organisé à Helsinki, les membres du CISS ont voté à l’unanimité pour le « non », confortés dans leur décision par le CIO. Au sein de la Fédération française, même si l’on indique « entretenir des relations régulières avec les autres instances nationales sportives », on explique que « le refus est doublement réciproque : d’un côté entre sourds et entendants valides, de l’autre entre sourds et autres personnes handicapées », tout en précisant qu’il ne s’agit pas d’une exception française mais d’une situation mondiale. Les raisons de ce refus varient bien entendu selon les catégories de personnes : pour les personnes handicapées, se pose le problème de la « validité » physique des personnes sourdes qui ne favoriserait pas une équité sportive sur la ligne de départ. Pour les personnes entendantes valides, le problème semblerait venir d’un manque de réelle volonté de l’encadrement pour mettre en place les adaptations nécessaires permettant aux sourds de concourir avec eux. La médaille remportée, lors des derniers jeux olympiques de Sidney, par un nageur sourd, à qui l’on avait consenti un départ au flash, en est un parfait contre- exemple. Enfin, côté sourds, on ne cache pas que cette situation est également le symbole de l’affirmation d’une différence, voulue tout autant culturelle que physique, exprimée de par le monde au travers d’un grand communautarisme et d’une langue, la Langue des signes.

Résultats français. En France, le sport sourd se porte plutôt bien, même s’il présente quelque retard par rapport à d’autres pays. La FSSF compte 4.000 licenciés, 7 ligues régionales et 80 clubs répartis dans 17 sports différents. Placés sous la tutelle du ministère de la Jeunesse et des sports, elle a les mêmes statuts, les mêmes devoirs et droits que les fédérations classiques de foot, de tennis, de ski… avec lesquelles elle dispose d’ailleurs de conventions. Au niveau des résultats, les équipes de France ont fait bonne figure lors des dernières compétitions internationales, ramenant notamment une médaille d’or des jeux mondiaux d’hiver et du championnat d’Europe de Tir, un titre de champion d’Europe de tennis, une médaille d’argent au championnat d’Europe de football, au championnat du monde de tennis, ainsi qu’au slalom spécial de ski du championnat d’Europe d’hiver. Trois des athlètes sourds médaillés viennent d’ailleurs de recevoir la médaille de Bronze du ministère de la Jeunesse et Sports. Autre satisfaction : après la qualification obtenue l’an dernier par l’équipe de France de Volley pour les Jeux mondiaux d’été qui se tiennent à Rome, c’est au tour de l’équipe de France de football de s’être qualifiée pour l’épreuve suprême grâce à une victoire 2-0 contre les Pays-Bas, le 7 avril dernier, lors d’un match de qualification.

Jeux mondiaux des Sourds. C’est le grand rendez- vous international des sportifs sourds et le premier du nouveau millénaire. Quelque 4000 sportifs et officiels de 65 nations sont attendus du 22 juillet au 1er août prochains à Rome pour la 19e édition des Jeux mondiaux d’été des Sourds. Sur les quinze disciplines sportives proposées, dont cinq en équipe et dix en individuel, la délégation française, composée d’une centaine de personnes, participera à sept sports : athlétisme, bowling, cyclisme, football, volley-ball, tennis et tir.

Emmanuel Benaben, avril 2001


Nota : L’admission des athlètes sourds aux compétitions internationales est définie par une perte d’audition de 55 décibels ou plus dans l’oreille la meilleure.

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