Confrontée à une baisse constante de fréquentation par les curistes « Sécurité Sociale », les stations thermales diversifient leur offre vers le bien-être et le ludique. Initialement dispensés dans les mêmes installations que celles qui sont utilisées pour les cures, les activités et les soins sont maintenant proposés dans de nouveaux établissements conçus pour la relaxation et le plaisir des sens. C’est désormais le cas à Balaruc-les-Bains (Hérault), seconde station thermale française en fréquentation, qui a ouvert au début de l’été le premier établissement construit après l’entrée en vigueur de la réglementation sur l’accessibilité découlant de la loi de février 2005 : O’Balia. Au bord de l’étang de Thau, près de l’extrémité de la presqu’île (aucune difficulté de stationnement), O’Balia est incontestablement une réussite en matière de design contemporain : l’ambiance à la fois raffinée et détendue en fait un véritable havre de paix et de bien-être…

La genèse d’O’Balia n’a pourtant pas été exempte de péripéties, dont l’une des plus importantes résulte du changement de municipalité, en mars 2008 : le projet initial a été profondément modifié, avec ajout d’un étage, augmentation du nombre de cabines de soins… et donc nouveau permis de construire. Parmi les modifications, la séparation en deux parties du bassin extérieur, dont la seconde (Onsen), est inaccessible, desservie uniquement par un escalier depuis l’intérieur du bâtiment. La solution retenue pour l’accès au bassin principal des clients handicapés moteurs s’avère en outre opposée au concept de bien-être : ils doivent enfiler un harnais sanglant buste et jambes pour être accrochés à une potence manoeuvrée par un employé… Pour en sortir, il faut être capable de faire passer avec les mains les sangles sous ses jambes tout en maintenant la tête hors de l’eau, sous peine d’obliger un second employé à se mettre à l’eau ! Un procédé mal commode (et peu discret) qui se déroule sous les yeux des autres clients… Un élévateur avec siège aurait été plus confortable mais le choix technique du harnais repose sur la volonté de n’installer la mise à l’eau que lorsqu’un client handicapé le demande, ce qui rend ce dernier nécessairement dépendant.

Heureusement, les autres installations ne posent pas ces problèmes : sauna, caldarium, salles de soins, terrasse sont aisément accessibles. Mais avec le fauteuil roulant du client. O’Balia, pourtant alerté sur ce point plusieurs mois avant son ouverture au public, n’est pas équipé d’un fauteuil roulant dédié, ce qui constitue une entorse aux règles d’hygiène : les roues d’un fauteuil venant de l’extérieur apportent en effet des germes et des salissures que l’on suit… à la trace. L’architecte a inscrit dans la notice relative à l’accessibilité annexée au Permis de construire : « Les personnes en fauteuil ont accès à la zone des bassins par une porte dédiée avec ouverture à carte sans passer par le pédiluve ». Pourquoi alors l’établissement n’a-t-il pas acquis un fauteuil roulant de douche, matériel employé dans des piscines publiques, entrainant ainsi le respect complet des normes d’hygiène sans avoir à multiplier les transferts ? Au contraire, à O’Balia, il faut d’abord barder son fauteuil personnel de serviettes pour ne pas le tremper, puis prendre une douche en se transférant deux fois, du fauteuil au siège fixé au mur puis de ce siège au fauteuil. Une opération à multiplier en sortant du bassin, du caldarium, du sauna, etc. Un fauteuil de douche permettrait également de ne pas obliger un autre client à évacuer un fauteuil personnel du hammam, la vapeur d’eau trempant rapidement serviettes, siège et rouages.

La notice relative à l’accessibilité élaborée par le cabinet d’architecture en charge de la construction n’a pas intégré deux aspects particuliers liés aux usagers en fauteuil roulant : un confort d’usage des équipements d’accessibilité conforme à la vocation de l’établissement (le plaisir et la relaxation) et le respect de l’hygiène au profit de tous les clients. C’est assez logique, la réglementation sur l’accessibilité est muette à cet égard. Mais il faudra attendre l’ouverture d’autres établissements pour espérer conjuguer plaisir du spa et autonomie…

Laurent Lejard, septembre 2010.

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