Jacques Zeitoun est officiellement entré dans la « communauté » des personnes handicapées le 9 mars 2001 : ce jour-là, un « accident de portière » l’a rendu paraplégique. Il rentrait de son travail en scooter, un automobiliste inattentif voulut sortir de sa voiture et l’irréparable s’accomplit. Mais en y réfléchissant, Jacques Zeitoun se souvient que de tous temps il a côtoyé des personnes handicapées, dans sa famille et son entourage. Est-ce pour cela qu’il a su faire front, en adaptant son cadre de vie pour mieux le préserver, en employant ce que la vie lui a appris pour fonder la suite de son parcours, celui qu’il effectue sans ses jambes mais avec toute son intelligence ?

« J’ai eu trois vies. La première en Tunisie, jusqu’à l’âge de 19 ans. Je vivais dans une société cosmopolite, cela m’a donné une propension à la lutte. La seconde est en France, à partir de 1964 : j’entreprends des études qui me conduiront à travailler aux Impôts, jusqu’à mon accident ». Accident suivi d’une infection nosocomiale, un staphylocoque dans les poumons et quelques opérations chirurgicales qui s’ajoutent à la rééducation. Le début de la troisième vie de Jacques Zeitoun passe par un choix : quitter ou non un appartement devenu inadapté. Il décide d’y rester et d’engager le combat pour rendre l’immeuble accessible. Il lui faudra convaincre l’assurance du conducteur fautif, puis les copropriétaires, dont certains se livreront aux bassesses habituelles lorsqu’il s’agit de contribuer à des travaux communs : « Je ne voulais pas quitter un appartement calme et agréable à vivre, bien situé et dans lequel la famille avait ses repères ». Jacques Zeitoun est marié, et si sa fille est désormais indépendante, son fils, lycéen, vit sous le toit familial. « Mon combat, c’était d’aider mon entourage à surmonter mon handicap. Parce que mes enfants n’ont pas été épargnés par les conséquences de l’accident, ils en ont souffert ».

Après une année passée à être porté jusqu’au 6e étage dans les escaliers de l’immeuble, il peut enfin, en septembre 2003, utiliser un ascenseur flambant neuf : vitré, design; un système d’ouverture automatique équipe les portes du hall d’entrée. Dans son appartement, salle de bains, cuisine, toilettes et quelques meubles ont été adaptés. Aguerri par ce retour combatif à la maison, Jacques Zeitoun a engagé la lutte pour l’amélioration du quotidien de l’ensemble des personnes handicapées. A quelques années de la retraite, il ne peut plus travailler dans son administration d’origine, alors il s’engage dans des associations. S’il s’est mis un peu en retrait du Collectif des Démocrates Handicapés (un mouvement qui semble toujours chercher sa raison d’être cinq ans après sa création), il milite activement au sein de l’Association des Paralysés de France. Et prend au mot une initiative interne, « Démocratie Ensemble », qui vise à associer davantage les adhérents aux décisions prises par la direction nationale.

« Je pense que de nombreux adhérents aspirent à une action revendicative forte, pour contrebalancer le comportement de l’appareil associatif qui tourne le dos à la spontanéité et à la colère, au risque de bloquer l’action et la revendication ». Il se retrouve mis en avant par l’A.P.F, répond à des journalistes, participe à des séminaires, des colloques, des instances de concertation à Paris : schéma directeur de voirie ou auprès de la Direction des affaires sociales, membre de la commission exécutive de la Maison départementale des personnes handicapées, etc. « Je souhaite que les élus locaux et nationaux aient la volonté et le courage de prendre des mesures en faveur des personnes handicapées. Pas de la commisération, ni un jour férié travaillé non payé : donner des droits au lieu de solidarité ou de compassion ». Et il s’interroge sur les moyens d’action : « Faut-il passer à l’action directe, à la manière d’Act-Up dont des militants sont prêts à apporter leur expérience ? ». Si Jacques Zeitoun parvient à ressusciter feu le Mouvement des Handicapés Méchants, il pourrait y avoir du sport dans l’action revendicative. A suivre ?

Laurent Lejard, janvier 2006.

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