Atteint d’ostéogenèse imparfaite, Michel Petrucciani voit le jour à Orange (Vaucluse) le 28 décembre 1962, d’un père d’origine italienne et d’une mère d’origine anglaise. Il baigne dans la musique dès l’enfance : papa joue de la guitare, et ses deux frères de la guitare et de la contrebasse. L’un de ses premiers souvenirs musicaux est un concert de Count Basie au Théâtre Antique d’Orange au cours duquel le musicien pose sa casquette sur sa tête d’enfant maladif. Plus tard, il casse rageusement son premier piano- jouet parce que l’instrument ne sonne pas comme celui de Duke Ellington, entendu à la télévision !

Il apprend le piano d’une façon tout à fait classique et épuise un certain nombre de professeurs par sa rapidité et son impertinence, ayant déjà une personnalité très affirmée et des vues personnelles sur la musique. Les études scolaires, il les fait chez lui: « D’hôpitaux en hôpitaux, de jambes en bras cassés, de plaques en plâtres, de rêves en choses oubliées, j’étais séquestré à la maison; mes parents avaient tellement peur de me laisser sortir »…

Au début des années 70, ses parents ouvrent un magasin de Musique à Montélimar (Drôme). Lui répare des postes de radio, accorde des guitares et fait des démonstrations d’orgue pour les clients, parmi lesquels des jazzmen américains de passage lors de festivals dans la région. Il participe en famille à ses premiers concerts (à la batterie) dans des bals puis dans des petits clubs de province avant de décrocher, à peine adolescent, un concert à l’Espace Cardin à Paris.

Il enregistre son premier disque, « Flash », à Apt (Vaucluse) en 1980. Puis il rencontre le producteur Jean- Jacques Pussiau, d’Owl Records, pour un second disque qui sera le prélude à une longue série d’enregistrements. L’année suivante, contre l’avis de ses parents, il fait un chèque en bois pour partir en Californie rejoindre un ami musicien : « A 18 ans, je suis parti à 8.000 kilomètres de chez moi parce que je n’en pouvais plus »…

Il s’installe à Big Sur, près de Monterey, dans un Institut thérapeutique de luxe où il est logé et nourri en échange de ses talents de pianiste. Il y rencontre la femme du saxophoniste Charles Lloyd qui le présente à son illustre époux pour un « boeuf » mémorable au cours duquel le jazzman s’exclame : « J’ai trouvé l’avatar du piano, le messager. J’attendais ce pianiste depuis dix ans ! ». La carrière américaine de Michel Petrucciani est lancée. Afin d’obtenir la fameuse « Green card » (indispensable pour pouvoir travailler aux États- Unis) il épouse Erlinda Montaño, une indienne Navarro, avec laquelle il restera cinq ans. Il revient en France à l’occasion de concerts ou de festivals mais choisit de résider aux États- Unis. En 1982, il enregistre chez Owl Records son premier disque en piano solo, « Oracle’s Destiny ». Le cinéaste Frank Cassenti réalise un film sur lui, « Lettre à Michel Petrucciani« . Le film sera présenté au Festival de Cannes 1983. Son premier disque américain, « 100 Hearts », est produit par George Wein.

Il s’installe à New York en 1985, pour suivre une nouvelle conquête (qui lui donnera un fils, Alexandre): « Je reste rarement plus de cinq ans avec la même femme. Au bout d’un moment je m’ennuie »… Il signe alors avec la prestigieuse firme Blue Note pour l’album « Pianism ». En 1986, il enregistre « Power Of Three » avec le guitariste Jim Hall et le saxophoniste Wayne Shorter, « l’un des plus grands compositeurs du XXe siècle ». Avec « Music », sa notoriété internationale atteint des sommets. S’en suit une longue série de concerts et d’enregistrements, au rythme des rencontres avec d’autres jazzmen. Il suit la carrière qu’on lui connaît, entre Europe et USA, en piano solo, en formations jazz ou fusion, entouré d’une pléiade de grands musiciens : Lee Konitz, Ron Mc Clure, Wayne Shorter, Jim Hall, Gary Peacock, Roy Haynes, Freddie Hubbard, Joe Henderson, Charlie Haden…

Au début des années 1990, l’album « Flamingo », réalisé avec Stéphane Grappelli, sera l’un des rares disques d’or en jazz avec plus de 100 000 exemplaires vendus en France : « J’aime les mélodies, les choses que l’on peut chanter, dont on se souvient. J’aime La vie en rose, ça me parle… J’aime la pop music aussi, Freddie Mercury, Michael Jackson, Prince »…

« En 1980, je ne marchais pas, je pesais 25 kilos, je ne savais rien de la vie, j’étais un peu paumé… [maintenant] je suis plus solide, je marche avec des béquilles, je me débrouille tout seul, je suis en meilleure santé, j’ai appris des choses… et même si j’ai perdu des cheveux, je me trouve plus beau aujourd’hui qu’à l’époque ! » Et aussi : « J’ai touché des gens, je crois… Parfois je me dis que je dois être quelqu’un d’intéressant. Les gens ont une certaine admiration pour moi, comme s’ils voyaient en moi une leçon de courage »…

Michel petrucciani est mort à New-York, dans la nuit du 5 au 6 janvier 1999.

Jacques Vernes, décembre 2002


On lira avec intérêt cette longue interview accordée par Michel Petrucciani à Frédéric Goaty en 1997 et publiée sur le site de Jazz Magazine. Par ailleurs, une discographie complète de l’artiste est disponible en suivant ce lien.

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