Ce qui vient de se produire à la faveur de la rénovation de la gare parisienne Montparnasse, dont les trains desservent la Bretagne, les Pays de Loire et la Nouvelle Aquitaine, montre que l’accessibilité n’est jamais acquise et son entretien assez aléatoire. Parce qu’elle fut la première gare laboratoire de l’accessibilité, inaugurée le 18 mai 2006 par Jacques Chirac alors Président de la République (lire cet Éditorial). Elle avait alors expérimenté des aménagements, équipements et services dont une partie a été développée ensuite dans de nombreuses gares. Si certains n’ont pas vécu longtemps, tel l’avatar d’information en Langue des Signes Française Jade, d’autres ont été pérennisés : guichets abaissés, bandes de guidage podotactile entre les entrées et le service d’assistance aux voyageurs handicapés, bornes sonore pour informer les clients aveugles sur l’endroit où ils se trouvent, etc.
Une accessibilité décalée
Mais voilà qu’une quatorzaine d’années plus tard, la plupart de ces équipements ont disparu à la faveur d’une rénovation comportant la réorganisation et l’extension des espaces commerciaux : « Le chantier n’est pas achevé, justifie Amaury Lombard, directeur du projet Montparnasse SNCF Gares & Connexions. On a ouvert le plus vite possible en sachant que tout n’est pas terminé. »
Pourtant, aux yeux du public tout semble fini, mais pas pour les clients handicapés, et plus particulièrement déficients visuels : une partie des guidages podotactiles a été retirée, d’autres installés vers des installations provisoires déplacées depuis, ou s’interrompent, les bornes sonores d’information ne fonctionnent pas, le bureau du service d’accueil et d’assistance a été déplacé trois fois et n’est actuellement pas desservi par ce guidage.
Prévu près d’une entrée de la vaste façade vitrée de la porte Océane située face à la tour Montparnasse, ce bureau s’est avéré trop exigu pour les clients, le personnel et les associations consultées. Il a donc été déplacé définitivement en septembre dernier dans le corridor desservant la station de taxis. « On a présenté le projet en juin 2021, poursuit Amaury Lombard. L’accueil par les associations était favorable parce qu’on a doublé l’espace, et sa localisation le place sur le parcours. » Sauf que les aléas de chantier ont entraîné en fin d’année son transfert pour quelques mois à l’étage de la galerie marchande, avant une installation véritablement définitive dans le corridor taxi… mais quand ?
Dans la version finale, les clients handicapés venant en taxi ou transports spécialisés type PAM trouveront ce bureau sur leur chemin : très bien. En revanche, les voyageurs qui viennent en métro devront traverser la gare et trouver ce bureau excentré, et les piétons devront entrer par la galerie marchande, dénicher les ascenseurs pour accéder au deuxième niveau, puis traverser la zone commerciale, puis le hall transversal pour atteindre ce bureau ; en effet, les arrêts des multiples lignes de bus desservant la gare sont situés de part et d’autre de la porte Océane. La plupart des voyageurs handicapés verront leur parcours allongé, puisqu’avant les travaux le bureau d’accueil et d’assistance était situé dans le hall central : désormais, on y vend des salades…
Le guidage podotactile n’a pas suivi pendant les différentes phases de travaux et les bandes s’interrompent ou conduisent vers des impasses. Tout est à faire ou refaire, et leur pose est en cours. Des bornes sonores compléteront ce guidage, mais il n’y aura pas de plan d’information tactile et braille : « Il n’a pas été demandé par les associations » concède Amaury Lombard. La gare laboratoire de l’accessibilité a donc vécu.
Laurent Lejard, mars 2022.