Amadou Bagayogo et Mariam Doumbia vivent et chantent ensemble depuis près d’une trentaine d’années. Ils se sont rencontrés à l’INAM (ancien Institut des Jeunes Aveugles) de Bamako, la capitale du Mali. Ils étaient parmi les premiers pensionnaires d’un établissement que l’État venait de créer, 13 ans après l’indépendance. Tous deux sont devenus aveugles dès l’enfance, Amadou à cause d’un trachome non soigné et dont l’opération échoua, Mariam du fait des séquelles d’une rougeole. Nés dans les années 1950, ils n’ont que quatre années d’écart, et ont traversé les années de la création de l’État malien, ses soubresauts politiques, la difficulté de faire une place aux personnes handicapées et plus précisément aux aveugles. On ne leur destinait guère que le rôle de mendiants, un destin auquel Amadou et Mariam ont échappé grâce à la musique, jusqu’à devenir, depuis les années 1990, des artistes à la carrière internationale.

« Ça se passe bien, confie Amadou. Nous avons commencé la musique très tôt, c’est notre profession et on y prend du plaisir pour en donner aux gens. Nous rencontrons beaucoup de monde, des musiciens, des spectateurs; nous voyageons beaucoup. Nous sommes utiles au Mali et à ses musiciens, parce que nous nous battons dans ce domaine : je préside le syndicat des musiciens et la fédération des artistes du Mali. Nous nous efforçons de faire bénéficier les musiciens maliens de notre expérience internationale, pour que la musique africaine puisse aller de l’avant ».

Actuellement, il n’existe toujours qu’une seule école pour enfants aveugles, l’INAM de Bamako. « Il a fallu conduire une campagne de sensibilisation, poursuit Amadou, parce que les gens pensaient que les handicapés visuels ne pouvaient pas accéder à l’éducation. À l’époque, le Gouvernement et des bonnes volontés ont déployé des moyens pour que de nombreux aveugles puissent aller à l’école. Mais on ne peut pas dire que ces moyens soient suffisants, parce qu’il y a eu du relâchement. L’INAM a toujours besoin d’aide, la subvention gouvernementale n’est pas suffisante, alors nous soutenons l’institut ». Engagés dans la vie citoyenne, Amadou et Mariam sont ambassadeurs du programme alimentaire mondial de l’Organisation des Nations-Unies (PAM), une fonction qui prend une grande importance à un moment où les pays d’Afrique subissent les conséquences de la crise alimentaire mondiale.

Dans les entretiens qu’ils ont accordés à Idrissa Keïta, Amadou et Mariam se confient sans tabou. Ils évoquent leur vie d’enfants et d’adolescents issus de milieux différents, leur apprentissage de la musique, leur rencontre et la naissance de leur amour. Ils ont dû vaincre les réticences de leurs parents qui, même s’ils voyaient que leurs enfants s’aimaient, préféraient que l’un et l’autre se marient à un voyant… Sauf que les deux amoureux étaient devenus amants, et que Mariam accoucha de son premier enfant quelques semaines après le mariage !

« A part la lumière du jour » entraîne le lecteur à la découverte d’un pays dont les enfants s’ouvrent au monde, parce qu’ils écoutent la radio et les cassettes des chanteurs modernes, tout en perpétuant les traditions ancestrales, le respect de la famille et des ancêtres, le partage et l’entraide familiales, les rites animistes autant que les religions importées par les envahisseurs musulmans et chrétiens.

L’écriture est trempée dans la culture et la civilisation maliennes et, si le ton employé peut parfois déconcerter un lecteur européen, l’ouvrage a le mérite de restituer l’authenticité des relations entre des individus dont on méconnaît trop souvent la profonde humanité. Un message d’amour adressé en écho à celui qu’Amadou et Mariam propagent de par le monde dans leurs chansons…

Laurent Lejard, juin 2008.


À part la lumière du jour, Amadou et Mariam entretiens avec Idrissa Keïta, Michel Lafon éditeur, 18€ en librairie. Une version numérisée protégée est disponible sur le serveur Hélène, qui nécessite une inscription préalable et la justification (sur pièces) d’un handicap.

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