« Comment m’est venue l’envie de chanter ? C’est une question un peu compliquée. C’est venu comme ça, j’aimais les cours de musique, j’ai débuté le chant dans une chorale au collège, on interprétait des airs français et russes. Ensuite, j’ai suivi les cours du conservatoire et me suis orientée vers le chant lyrique. Ma voix est sortie par le travail. On a cherché ma tessiture, de mezzo à soprano dramatique, maintenant je sais que je suis soprano lyrique ». Nathalie Milon apprécie particulièrement les airs d’oratorio baroque, les mélodies espagnoles et argentines : « J’aime beaucoup la langue espagnole, la culture, la littérature ». Si elle est devenue cantatrice, c’est l’ethnomusicologie qui l’attirait lors de ses études; elle s’est alors intéressée aux musiques de l’Inde : « C’est un autre monde, j’ai pris quelques cours de hindi. J’ai été fasciné par le travail des frères Dagar, la musique Dhrupad, et sa spiritualité ».

Nathalie Milon a également une formation théâtrale. L’un de ses premiers spectacles fut Dark Noir, fondateur des parcours dans le noir voulu par Michel Reilhac et mis en scène par Andreas Heineke : elle participa aux représentations données lors du festival d’Avignon en 1993. « C’était une expérience dans le noir total. On guidait les spectateurs durant près d’une heure, chacun une canne à la main, passant par des lieux différents : un jardin public avec un pont et une fontaine, une rue et ses voitures, un bar dans lequel des aveugles servaient les voyants qui devaient payer leur consommation sans voir leur argent. On aidait les gens à découvrir et se repérer, on parlait et on échangeait avec eux ». Depuis, ces parcours dans le noir ont été multipliés avec plus ou moins d’intérêt et de professionnalisme dans leur réalisation, jusqu’à la création d’un restaurant dans le noir duquel Nathalie Milon est ressortie très déçue : « Il ne se passe rien, on est pressé pour manger, il n’y a aucune recherche et c’est cher ».

Elle est artiste à temps plein : « Je suis intermittent du spectacle, mais ce n’est pas toujours facile, je ne suis pas engagée avec suffisamment de régularité. Et les chefs de choeur ont plutôt tendance à faire travailler quelqu’un qui voit ». Et de raconter la mésaventure qui est arrivée à l’une de ses collègues, engagée comme artiste de complément par le choeur de Radio France pour remplacer une choriste en maladie; dès qu’elle eut demandé des partitions en braille, la direction lui annonça que la titulaire venait de reprendre le travail ! Tous les directeurs ne fonctionnent heureusement pas comme cela, l’opéra de Limoges, par exemple, a récemment engagé une aveugle pour l’un de ses spectacles. « Quand je suis appelée pour travailler sur une oeuvre, il faut que j’ai très vite une partition transcrite en braille. Il y a très peu de transcripteurs, les bibliothèques sont essentiellement constituées d’oeuvres pour piano ou orgue, et beaucoup de partitions d’opéra où de chant ont par le passé été réalisées en traduction française, alors qu’on les représente maintenant en langue originale ».

Malgré ces difficultés, Nathalie Milon garde le souvenir ému de certains de ses spectacles, à Rouen dans Thaïs (Massenet) où elle chantait dans les choeurs, ou en soliste dans des oratorios. Et comme de nombreux artistes lyriques, Nathalie Milon donne des cours de chant et de technique vocale. Elle a également créé une association qui produit et créé des spectacles musicaux théâtralisés dans un autre genre de prédilection, la musique et les chansons argentines : « J’ai d’abord créé un trio avec deux guitaristes, qui a évolué en quatuor, Compàs 4, avec guitare, violoncelle, flute et voix. On interprète des airs classiques et populaires ». Au théâtre, ce sont les nouveaux textes, le mouvement et la danse inspirés de la scène flamande qui l’attirent, pour l’engagement corporel, physique et vocal mis en oeuvre. Parmi ses projets, des auditions, dont une à l’Opéra de Marseille, un enregistrement d’airs d’oratorios destiné à être diffusé auprès des directeurs de théâtres : « Pour travailler, il faut se faire connaître et avoir des relations. Ce n’est pas parce qu’il y existe un ténor aveugle célèbre, comme Andrea Bocelli, que les chefs de choeur et les directeurs pensent qu’une aveugle sur scène, c’est possible »…

Laurent Lejard, mars 2008.

Partagez !