« Il était trois petits enfants qui s’en allaient glaner aux champs… » Cette légende de Saint Nicolas parcourt la fête qui chaque année autour du 6 décembre, agite enfants petits et grands dans toute la Lorraine, région dont il est le saint patron. Son origine religieuse n’imprègne plus guère les familles qui se rendent au cortège nocturne, tel celui de Bar-le-Duc, chef-lieu de la Meuse. Chaque village et bourg avoisinant y fait défiler un char thématique décoré, et entre eux des groupes dansants, burlesques, acrobatiques, dans une ambiance musicale, colorée et festive. Au programme, Schtroumpfettes, fées, Gaulois, musicos déjantés, pénitents pêcheurs, tableaux évocateurs et oniriques, moments de rêveries, avec beaucoup d’imagination, de joie et d’émerveillement sur la principale avenue de la cité barroise. Avec Saint Nicolas en clôture du défilé faisant distribuer des bonbons aux enfants sages, pendant que le père Fouettard agite son martinet devant les garnements. Un défilé bon enfant qui conduit l’assistance jusqu’au parc de la mairie d’où est tiré le feu d’artifice tout en dégustant les friandises données à l’entrée aux enfants (et aux grands qui savent s’y prendre). Assister au cortège est aisé pour les spectateurs handicapés, les autres laissant volontiers de la place et la vue ; et les frileux pourront voir au chaud le feu d’artifice depuis les grandes fenêtres de la salle des fêtes mitoyenne.

Un orgue limonaire pour Noël
La maison du père Noël

Cette douce ambiance familiale se retrouve également à Bazincourt-sur-Saulx, à un quart d’heure de route au sud de Bar-le-Duc. Ce village organise le week-end de la Saint Nicolas son marché de Noël, maisons et granges accueillant expositions, artisans présentant et vendant leur production, petits et grands déambulant d’une activité à l’autre dans les quelques rues décorées et illuminées. On s’amuse, on déguste les produits du terroir, on boit bières et vins locaux. Vous pourrez actionner, pour le plaisir des enfants, un manège sans moteur, écouter et reprendre les airs et chansons d’un orgue limonaire, suivre une retraite aux flambeaux, découvrir une exposition de peintures, assister à un concert, et même entrer dans la maison du père Noël parti en laissant la porte ouverte !

Les couleurs de Saint-Mihiel

Les fenêtres colorées de l'immeuble d'Isabelle Adelus Suran

En ce temps de Saint Nicolas et de Noël, la visite à Saint-Mihiel, à une demi-heure de route au nord-est, s’impose également. D’abord pour ses fenêtres colorées composant une exposition artistique unique : des peintures sur papier calque réalisées par l’artiste Isabelle Adelus Suran sont appliquées sur les vitres et éclairées depuis les logements, créant une ambiance entre mystère et envoûtement.

Un vitrail rétro-éclairé

Au fil des ans, cette initiative a séduit des habitants qui offrent leurs fenêtres comme autant d’espaces de beauté colorés pendant le mois de décembre ; départ de ce parcours façades place Ligier Richier avec la maison de l’Ancienne Prévôté, puis rue Poincaré et suivre les flèches au sol, en prenant soin d’être aidé, certaines rues étant pentues.

Autres couleurs, celles des vitraux des églises également rétroéclairés depuis l’intérieur au moyen de projecteurs. Là, les scènes bibliques deviennent parfaitement visibles et lisibles, et les couleurs claquent dans la nuit noire. Ce parcours vitrail a d’ailleurs essaimé dans une vingtaine d’autres communes meusiennes (et une de la Meurthe-et-Moselle voisine), sa cartographie vient d’être publiée.

A la découverte de Ligier Richier

Sainte Elisabeth présentée par l’illustrateur Nayel Zeaiter

Saint Mihiel est aussi la cité natale du sculpteur Ligier Richier (1500-1567) dont plusieurs oeuvres sont exposées dans les églises Saint-Michel et Saint-Étienne, toutes deux aisèment accessibles, et également au musée d’Art sacré. Son rez-de-chaussée accessible de plain-pied abrite l’office de tourisme, et l’étage desservi par un ascenseur expose une Sainte Élisabeth du sculpteur (ne pas manquer sa légende illustrée par Nayel Zeaiter), ainsi que de nombreux objets et ustensiles du culte, de la statuaire religieuse, et une étonnante collection de « cires habillées », ancienne spécialité lorraine. Quelques pupitres tactiles et braille parsèment les salles.

Mais c’est à Bar-le-Duc qu’est présentée la plus célèbre, autant qu’énigmatique, sculpture de Ligier Richier, le Transi de René de Chalon. Installée dans l’église Saint-Étienne, cette haute statue représente un cadavre debout grandeur nature, décomposé, un squelette représenté vivant qui brandit son coeur tenu à bout de bras. Cette représentation unique de la mort fait toujours courir de nombreux amateurs de mystères et d’interprétations d’une oeuvre demeurée unique.

Place Saint-Pierre
Celui qui n'aura voulu quand il aura pu ne pourra peut-être pas quand il voudra, maxime gravée en 1640

Car nous voilà dans la ville haute, qui vaut d’être découverte, même si les rues pentues peuvent dissuader. S’il ne reste du château des Ducs que le Neuf-Castel abritant le musée Barrois (inaccessible et fermé pour travaux), le reste ayant été démantelé sur ordre de Louis XIV, les immeubles en pierre de Savonnières offrent une belle unité architecturale. Une partie d’entre eux a été restaurée, dont une maison à pans de bois fin 14e remplis au torchis, d’autres attendent leur renouveau. Toutes les maisons sont sur le même plan, comportant deux corps de logis, parfois trois, avec loggias et escaliers à vis, mais aucune n’est hélas ouverte à la visite. L’ensemble témoigne toutefois de l’ancienne opulence du duché de Bar, dont subsiste quelques maximes édifiantes gravées dans la pierre au 17e siècle, rue Albert Cim par exemple.

Une salle de la médiathèque

Autre lieu remarquable, dans la ville basse, la médiathèque Jean Jeukens. Elle a la particularité d’être installée dans la maison de campagne que le banquier Varin-Bernier s’était fait construire en 1903 dans un style éclectique parfaitement anachronique pour l’époque, destinée aux réunions familiales et aux affaires, le Château Marbeaumont. On ne le voit pas, mais il bâti en béton et armature métallique système Eiffel. Ses décors ont été conservés, de même que les boiseries en noyer ; la grande salle à manger abrite aujourd’hui les romans, le jardin d’hiver des ouvrages adaptés; au fil des salles on parcourt le petit salon de musique au plafond peint, le grand salon doré au plafond allégorique, le fumoir style Empire. L’ensemble est aisément accessible par rampe et ascenseur (moderne, pas celui de l’époque !).

Epépinage d'une groseille à la plume d'oie

Un petit exercice pour finir, l’épépinage de groseilles effectué à la plume d’oie pour réaliser une gelée unique en son genre. Elle trouverait son origine en 1344 avec l’exigence d’un duc de Bar d’une confiture sans pépin. Elle est toujours réalisée aujourd’hui, notamment par la maison Dutriez. Un(e) ouvrier(e) qualifié(e) met une heure et demie pour épépiner avec la pointe taillée d’une plume un kilo de groseilles : irez-vous le tester ?

Laurent Lejard, novembre 2024.

Nous adressons nos remerciements au gîtes du Petit Pâtre pour leur accueil et accessibilité.

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