Le département des Ardennes, dont nous avions présenté un survol en 2008, reste une destination « secrète ». Associé, depuis la Première guerre mondiale, à de sévères images en noir et blanc, on a oublié que le vert y dominait, et aussi le jaune lumineux de la pierre, le rouge des briques et même le bleu du ciel ! Un territoire que l’on traverse sans même songer à y faire étape ? C’est de moins en moins vrai : les bords de Meuse, leurs forêts et leur bourgs pittoresques attirent les amateurs d’espaces préservés, et on a fini par s’apercevoir que le patrimoine bâti, d’une exceptionnelle qualité, méritait qu’on le valorise. Côté infrastructures, enfin, tout est fait pour accueillir au mieux les visiteurs, y compris handicapés, à des tarifs réellement attractifs. Les Ardennais ne sont guère expansifs de prime abord (on n’est pas dans le Midi) mais ils vous reçoivent comme un membre de la famille !

Si ce n’est déjà fait, mettez Charleville-Mézières à votre programme: pour peu que la météo soit de la partie (ce qui, somme toute, est assez fréquent), vous découvrirez une cité nimbée d’or où Rimbaud aimerait à séjourner s’il revenait, lui qui en détestait les habitants ! Lesquels ont compris la leçon, transformant au fil du temps la ville en escale poétique. Le lieu emblématique de cet « imaginaire rimbaldien » est la bien nommée Maison des ailleurs, en bords de Meuse. Cet espace atypique évoquant la vie du poète a été aménagé dans les lieux-mêmes où il vécut avec sa famille avant de prendre son envol: Paris, Londres, Bruxelles, l’Afrique… Ce n’est pas à proprement parler un musée (le Musée Rimbaud, tout proche et plus didactique, est en cours de rénovation et de mise en accessibilité) mais plutôt une invitation au voyage ou au pèlerinage sur les traces et dans le monde du poète : il faut accepter de se laisser porter… À la nuit tombée, le bâtiment se diapre de couleurs vives. Les lieux sont accessibles par rampe puis élévateur mais rien n’est encore prévu pour les visiteurs déficients sensoriels, ce qui est bien dommage.

Autre espace muséal incontournable, sur l’emblématique place ducale, le Musée de l’Ardenne ne propose pas non plus de médiation adaptée aux déficients sensoriels mais son accessibilité aux visiteurs handicapés moteurs est excellente. Les collections, très riches, s’étendent de la Préhistoire à nos jours, avec notamment d’émouvants objets retrouvés dans des sépultures antiques et du haut Moyen-Âge, une impressionnante collection d’armes de la manufacture de Charleville (fermée en 1832) ainsi qu’une belle maquette de la cité à la fin du règne de Charles de Gonzague (XVIIe siècle), prince auquel elle doit son existence. Les enfants s’intéresseront évidemment davantage aux salles consacrées au théâtre de marionnettes, et plus particulièrement l’envers du décor du célèbre Grand Marionnettiste, horloge unique au monde qui donne tous les jours, sur la place Winston-Churchill (de l’autre côté de la place ducale et donc du musée), la saga ardennaise des Quatre fils Aymon. Un rendez-vous, de 10h à 21h, dont les Carolomacériens eux-mêmes ne se lassent pas !

Les marionnettes et Charleville-Mézières, c’est une histoire d’amour vieille de plus de cinquante ans. Le festival mondial qui lui est consacré anime ses théâtres et ses rues tous les deux ans à l’automne : un rendez-vous incontournable pour les amateurs du genre, petits et grands, qui transforme la cité en une sorte d’Avignon des bords de Meuse, festival Off inclus, dans une ambiance familiale et festive. Cette magie investit, de nuit comme de jour pendant une grosse semaine, les espaces les plus improbables; thématiques et techniques, incroyablement diverses, font le bonheur des habitants et des touristes. L’événement étant très couru, il est vivement conseillé de s’y prendre à l’avance côté hébergement et spectacles en salle, mais on peut également prévoir de ne passer qu’une journée sur place : de vastes parkings sont aménagés en bordure du centre ancien entièrement dévolu aux piétons et aux animations de rue. Côté accessibilité, la plupart des espaces recevant du public sont praticables en fauteuil roulant mais les adaptations aux déficients sensoriels tiennent encore de l’exception.

À une quinzaine de kilomètres au nord de Charleville-Mézières, en descendant la Meuse, le musée de la métallurgie ardennaise de Bogny-sur-Meuse, installé dans une ancienne manufacture appelée ici « la grosse boutique », offre, outre un accès de plain-pied bienvenu pour les personnes à mobilité réduite, un meilleur accueil aux visiteurs aveugles et malvoyants: objets à toucher, visites tactiles (sur demande). L’histoire industrielle de la région y est abordée grâce notamment à une muséographie très vivante qui met remarquablement en avant les machines et redonne vie aux hommes, femmes et enfants qui les ont utilisées, souvent dans des conditions difficiles. Le paternalisme propre à cette époque était-il, pour autant, pire que les conditions de travail actuelles dans les usines d’Asie? On peut se poser la question… et visiter le bourg, où subsistent encore quelques témoignages architecturaux: cité ouvrière, maisons d’ingénieurs…

À une vingtaine de kilomètres au sud-est de Charleville-Mézières, Sedan est également traversée par la Meuse mais son centre ancien et l’attention de ses visiteurs se concentrent autour de l’imposant château-fort qui domine depuis son piton rocheux. Pénétrer dans la place (stationnement réservé dans la partie haute de la cour) est en soi une sacrée expérience tant l’endroit est intimidant : murs vertigineux, petites fenêtres, herses… On se retrouve immédiatement projeté au Moyen-Âge! C’est l’une des plus grandes forteresses de cette époque encore visitable. De gros efforts ont été faits, à la faveur de récents travaux de réfection, pour rendre l’endroit, bardé d’étroits escaliers en colimaçon, aussi accessible que possible. En fauteuil roulant, un Scalamobil (transfert nécessaire pour les utilisateurs de fauteuils roulants électriques) permet donc d’accéder à l’étage noble où est retracée l’histoire de la forteresse et des princes de Lamarck. C’est la seule partie ainsi visitable pour le moment et, ici comme ailleurs, les visiteurs déficients sensoriels ne disposent pas d’interfaces adaptées. Ne manquez pas le film « 1.000 ans d’histoire », en rez-de-chaussée, qui fait revivre le château et ses illustres occupants. Et si vous voulez dormir sur place (en y mettant le prix) c’est possible !

Tous les ans en mai depuis une vingtaine d’années, la forteresse et les rues de Sedan s’animent pour un festival médiéval haut en couleurs avec démonstrations de combats, animations musicales, reconstitutions et jeux en tous genres ainsi qu’un marché, et même des mariages médiévaux. Il faut dire que les rues préservées s’y prêtent à merveille, avec leurs splendides hôtels particuliers en pierre blonde évoquant la lointaine Aix-en-Provence. Certaines cours, accessibles librement ou en visite guidée (renseignez-vous à l’office de Tourisme), sont de véritables décors de théâtre.

Mouzon, nef de l'abbatiale avec étendards des pères-abbés.

Pour un point de vue plus dominant sur la vallée et la forêt ardennaise, on peut se rendre au-dessus de Noyers-Pont-Maugis, en banlieue de Sedan, où des nécropoles militaires française et allemande offrent un espace de calme et de méditation. Le hameau de Chaumont, non loin de là, présente quant à lui d’étonnants linteaux de porte sculptés durant la « drôle de guerre » (septembre 1939 à mai 1940) par Albert Denimal, graveur-marbrier roubaisien qui s’ennuyait ici…

Et pour découvrir un village ardennais « dans son jus », rendez-vous sur la colline d’en face, à Bulson, où de jolies maisons bordent la vaste place qui servait jadis à l’assolement triennal et où se dresse encore une église fortifiée.

Côté patrimoine religieux accessible, ne manquez pas de faire halte par Mouzon (également connu pour son passionnant musée du feutre que nous avions présenté en 2008), à une vingtaine de kilomètres à l’est de Bulson : l’abbatiale Notre-Dame, vaste vaisseau gothique, écrase presque le hameau de sa hauteur vertigineuse! Outre de très belles orgues baroques, on y trouve, près du déambulatoire, un reclusoir, rare vestige d’une pratique médiévale qui voyait des dévots (ici une dévote) passer leur vie emmurés « pour la plus grande gloire de Dieu »…

Sachez enfin que la très atypique église Saint-Didier d’Asfeld, en forme de viole de gambe, que nous évoquions également en 2008, est désormais accessible au moyen de rampes en bois: pour la visiter, adressez-vous à la mairie, on se fera un plaisir de vous renseigner.

Jacques Vernes, janvier 2014.


Sur le web, le Comité Départemental du Tourisme des Ardennes fait un tour exhaustif des séjours et activités possibles dans le département tout au long de l’année, quels que soient les goûts ou les budgets. Les critères handicap figurent sur les moteurs de recherche thématiques mais aucune page ne rassemble les labels tourisme et handicap (consultez ce lien sur le site de la région Champagne-Ardenne). Quoi qu’il en soit, n’hésitez pas à vous renseigner par téléphone ou par mél : le personnel d’accueil saura vous aider à préparer votre séjour en toute accessibilité.

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