On ne présente plus le Québec, célèbre (belle) province du Canada, avec laquelle les Français entretiennent une relation passionnelle… Petit rappel, toutefois, pour nos amis francophones du reste du monde : partie de la Nouvelle France, le Québec fut conquis en même temps qu’elle par les Anglais dans les années 1760, au terme d’une longue guerre (celle dite de Sept Ans) qui a embrasé par ailleurs tout le continent européen et dont la France a été la grande perdante face à l’empire britannique. Vieille histoire ? Que nenni ! Même si, de part et d’autre de l’Atlantique, on plaisante volontiers sur la « perfide Albion » ou les « maudits Français », la cicatrice, qui est également linguistique, ne s’est jamais complètement refermée. Et quand Français et Québécois évoquent leur « cousinage », ce n’est pas qu’un effet de style ! Le Québec est aujourd’hui la plus grande province canadienne en superficie (trois fois la France métropolitaine) et concentre près du quart de ses habitants (8 millions sur environ 35). Caractéristique essentielle : on y parle couramment, et officiellement, le français; ou plutôt le québécois, qui est une variante à part entière de notre langue commune. Amis Parisiens ou Bruxellois : à Montréal, c’est vous qui avez un accent, bien que celui de nos « cousins d’Amérique », reconnaissable entre tous, leur serve parfois plus efficacement de drapeau que celui du Canada (Oups !)…

Côté accessibilité aux personnes handicapées, s’il est exact que la largeur des trottoirs du Nouveau-Monde, l’adaptation des espaces publics et une influence certaine de la notion anglo-saxonne d’inclusion, favorisent la prise en compte de quelques besoins spécifiques, tout n’est pas rose pour autant : il suffit d’en discuter avec les Québécois ou de suivre l’actualité locale pour s’en faire une idée. En ce qui concerne le coût de la vie, ne vous attendez pas non plus à des miracles : la parité du dollar canadien avec le dollar américain et l’euro ne fait pas de ce dernier un réel atout outre-Atlantique, où les prix équivalent, à quelques rares exceptions près (dont le carburant) ceux pratiqués en Europe occidentale. En matière de tourisme adapté, l’association nationale Kéroul, intervenant majeur dans ce domaine, a publié de nombreuses études sur le sujet ainsi que des guides et un site internet spécifique, La Route Accessible, régulièrement mis à jour, véritable mine d’informations parfaitement fiables couvrant toute la province, indispensable pour préparer un voyage, et qui se double d’une carte au format papier, que l’on peut commander en ligne.

La plupart des visiteurs qui atterrissent au Québec en provenance d’Europe le font à Montréal, métropole vibrante conforme à sa légende : la seconde cité francophone du monde après Paris n’a guère changé depuis ce que nous en écrivions en… 2001, hormis des extensions piétonnières bienvenues en centre-ville et l’inauguration d’une nouvelle salle de concerts pour le prestigieux orchestre symphonique (O.S.M). La cité est toujours jeune et trépidante, la parcourir est un vrai bonheur mais le métro n’a pas gagné en accessibilité ni la voirie en entretien… Quelques incontournables accessibles : déambuler au milieu des gratte-ciel de l’hyper-centre et (re)découvrir l’Amérique, se perdre dans le Montréal souterrain (le plus vaste au monde) pour vivre à l’abri et « magasiner » toute l’année, passer d’ouest en est, au fil des avenues rectilignes, d’un monde à un autre, de la discrète opulence anglo-saxonne à la bohème latine, se rêver en bobo Montréalais dans le célèbre quartier du Plateau avec ses maisons typiques et ses ombrages (relire Michel Tremblay), se retrouver en Chine dans le quartier de Ville-Marie ou au Jardin Botanique, éprouver tous les climats en un seuil lieu au Biodôme, contempler le fleuve Saint-Laurent au Vieux-Port, pousser jusqu’au passionnant musée d’archéologie et d’histoire de la Pointe-à-Callière, admirer le panorama fantastique qui s’offre au regard, de jour comme de nuit, depuis le parc du Mont-Royal, sans oublier de tester la poutine et goûter aux bières locales. Pour le visiteur, handicapé ou non, Montréal est une fête et ses habitants des hôtes hors pair : un article entier n’y suffirait pas et l’on peut tout à fait envisager de demeurer sur place une bonne semaine, voire plus si affinités, avant de reprendre la route !

pont métallique sur la route du Roy

Et justement : la tentation d’emprunter les autoroutes est ici d’autant plus puissante, outre l’aspect typiquement américain (infinité des lignes droites et des paysages, camions rutilants, campings cars démesurés, etc.) qu’elles sont gratuites et qu’il est aussi aisé d’en sortir que d’y pénétrer. Mais la stricte limitation de vitesse et les fameuses lignes droites précitées rendent vite le périple ennuyeux. Sauf à être pressé(e), mieux vaut donc s’en tenir aux routes, qui présentent l’avantage de traverser villes et bourgs, ce qui est plus gratifiant pour les yeux du conducteur comme ceux des passagers ! Ainsi en va-t-il notamment de la route 138, qui longe le fleuve Saint-Laurent sur près de 1.400km. Le tronçon reliant Montréal à Québec, capitale administrative située 280km plus à l’est, s’appelle le Chemin du Roy. Première route carrossable construite en Nouvelle-France, il fut inauguré en 1737 et traverse encore aujourd’hui la plupart des lieux d’intérêts de cette partie du pays.

Depuis Montréal, cette route 138 prolonge vers l’est la rue Sherbrooke à partir de Repentigny (où Céline Dion a vu le jour). Les premiers kilomètres, très urbanisés, ne sont pas vraiment sexy, mais le fleuve est déjà là, tout proche, et l’on aperçoit assez vite les premières maison « les pieds dans l’eau », majoritairement en bois, toujours si bien entretenues qu’il est difficile de ne pas en envier les occupants… Le Saint-Laurent, dont les eaux argentées s’avèrent particulièrement photogéniques selon les caprices du soleil, est ponctué d’îles et d’étendues d’eau, tel le vaste lac Saint-Pierre, classé Réserve mondiale de la biosphère par l’UNESCO pour ses rivages où font escale les oiseaux aquatiques migrateurs. Des aires à pique-nique ont été aménagées à l’abord des villages (certains, comme Champlain, comptant parmi les plus beaux du Québec) où il est bien agréable de faire halte, surtout quand elles sont équipées de toilettes accessibles…

À mi-chemin entre Montréal et Québec, Trois-Rivières est une ville paisible (du moins pour le touriste) fondée au XVIIe siècle, ce qui en fait l’une des plus anciennes du pays. Ravagée par un incendie au début du XXe siècle, elle a conservé quelques témoignages de l’époque française mais son centre a été entièrement repensé dans un esprit plus « américain », c’est-à-dire plus large et plus droit ! Les berges du fleuve, élégamment aménagées, sont un but de promenade autant apprécié des visiteurs que des locaux, notamment lors d’un fameux Festival International de Poésie qui se tient ici tous les automnes. À visiter toute l’année, entre autres points d’intérêts accessibles : le centre Boréalis (voyage dans l’histoire de l’industrie papetière, fleuron de la région) ainsi que le Musée québécois de Culture Populaire… et sa prison !

Fondée en 1608 par l’explorateur d’origine saintongeaise Samuel de Champlain, la « vieille capitale » Québec est le berceau historique de la Nouvelle-France. Son nom signifierait « l’endroit où le fleuve se rétrécit » en algonquin. De fait, la chose paraît évidente quand on consulte une carte : en aval de Québec, le Saint-Laurent ne cesse de s’élargir jusqu’à son estuaire, un millier de kilomètres à l’est, le plus vaste au monde. On ne reviendra pas ici sur la passionnante histoire de Québec mais il est au moins une date que les Canadiens, francophones ou anglophones, connaissent par coeur : le 13 septembre 1759. Ce jour-là, sur les hauteurs de la ville (plaines d’Abraham) les assiégeants britanniques remportèrent une victoire décisive sur les troupes françaises, début de la fin pour la Nouvelle-France. Les deux généraux opposés (Wolfe et Montcalm) y perdirent la vie mais ce que les Québécois n’ont toujours pas digéré, c’est que le roi Louis XV, et donc les Français, empêtrés dans la guerre de Sept Ans, ne les aient pas mieux défendus, et moins encore lors du grand marchandage du traité de Paris signé en 1763. La maladroite formule de Voltaire au sujet des « quelques arpents de neige » fait encore débat, deux cent cinquante ans après !

Vous avez du mal à le croire ? Rendez-vous aux plaines d’Abraham, désormais parc public du centre-ville : un centre d’interprétation (Odissey) propose des espaces muséographiques et une présentation multimédia retraçant la bataille et son contexte, dans un esprit plutôt consensuel (on est au Canada !) mais qui permet de mieux comprendre les enjeux et, surtout, les conséquences. Accessible en fauteuil roulant, stationnement réservé devant l’entrée (la carte européenne de stationnement est valable au Québec).

Avant de repartir, ne manquez pas de faire un tour par la promenade des Gouverneurs, toute proche, qui offre un panorama superbe sur la ville et le fleuve. Pour l’anecdote, le fameux château Frontenac, qui sert en quelque sorte d’emblème national au même titre que la Tour Eiffel pour la France, a été inauguré en… 1893 : c’était alors, et c’est encore un hôtel de luxe. La chaîne Fairmont, qui l’administre, y bichonne certes les clients handicapés (comme dans ses autres établissements) mais à des tarifs dignes d’un palace… La longue terrasse Dufferin, qui passe à ses pieds et offre également un superbe point de vue, est en revanche accessible à tous.

Québec, la place Royale un jour d'orage...

Histoire encore au Musée de la Civilisation, installé non loin du Vieux-Port dans un bâtiment ultramoderne à la muséographie parfaitement accessible. Ou comment, au fil des siècles, Québec et Québécois se sont construits en tant qu’entité, et quel rôle les populations autochtones ont joué (et jouent toujours) dans cette histoire. Passionnant et émouvant, mais sans prise de tête et non sans humour : un miroir dans lequel les Européens peuvent contempler leurs cousins d’Amérique… Les collections permanentes se doublant d’expositions temporaires de très haut niveau sur des sujets connexes, on peut prévoir de passer la journée sur place, et en ressortir plus Québécois(e) que les Québécois !

La ville est par ailleurs riche en musées et lieux d’intérêt accessibles (consultez cette liste) que l’on pourra découvrir en fonction du temps ou de l’envie : à l’instar de Montréal, Québec regorge en effet d’activités culturelles et de loisirs à des tarifs tout à fait abordables, et l’on pourrait aisément y passer toutes ses vacances !

La déambulation dans le Vieux-Québec, qui enroule ses vieilles rues pentues et pavées au-dessus du musée de la Civilisation, rappellera aux Européens leurs propres cités, et les émerveillera évidemment moins que les Américains (surtout ceux qui n’ont pas traversé l’Atlantique) pour qui les bâtiments antérieurs au XVIIe siècle sont de vraies raretés. Mais l’ambiance y est festive et la déambulation plaisante, bien que parfois malaisée en fauteuil roulant. On y trouve d’austères immeubles de pierre dont les rez-de-chaussée, souvent nantis de marches, abritent des commerces touristiques de bon goût. Ne manquez pas de jeter un coup d’oeil à la célèbre fresque des Québécois, rue Notre-Dame, qui retrace 400 ans d’Histoire sur 400m² de mur peint : saurez-vous reconnaître tout le monde ? Toute proche, la rue du Petit Champlain, piétonnière et très touristique, possède également une fresque, consacrée aux grandes étapes de la vie du quartier. D’autres ont fleuri en ville, que des circuits permettent de découvrir.

Au sortir de Québec, la chute Montmorency, bien plus haute que celles du Niagara (mais moins large et surtout moins célèbre) se voit depuis la route. Elle mérite vraiment le détour, ne serait-ce que pour le point de vue à couper le souffle, tant en bas que depuis le sommet, et en soirée les illuminations qui embrasent tout le site. Un « téléphéérique » (sic) panoramique, accessible de plain-pied, permet d’y monter en quelques minutes mais une route conduit également au sommet. Outre la vue (et le grondement caractéristique), les plus téméraires pourront se risquer sur la vertigineuse passerelle qui traverse le site, quitte ensuite à se remettre de leurs émotions et reprendre quelques forces au restaurant-terrasse qui surplombe la chute…

De là, on distingue aisément l’île d’Orléans, qui s’étire sur une trentaine de kilomètres et que l’on peut atteindre par la route en quelques minutes. Avec ses 7.000 habitants permanents, elle est un havre de paix (parfois très luxueux) et de verdure à quelques encablures du centre de Québec. Les cultures maraîchères y sont encore nombreuses mais les visiteurs viennent surtout y honorer la mémoire du grand Félix Leclerc, véritable monument de la culture francophone, qui trouva ici l’inspiration et fut enterré, en 1988, dans une tombe toute simple du cimetière de Saint-Pierre. Un espace dédié au poète et à sa vie a ouvert non loin, mais l’accessibilité s’y limite hélas aux déficients visuels.

Retour sur la rive nord du Saint-Laurent : autre lieu de pèlerinage, bien plus catholique que poétique, l’énorme basilique néogothique Sainte-Anne-de-Beaupré fait face à l’extrémité orientale de l’île d’Orléans. Parfaitement accessible, elle est en quelque sorte le Saint-Jacques-de-Compostelle local, avec une nette influence en provenance de Lourdes… Plusieurs fois endommagé, reconstruit et agrandi depuis sa première fondation (une modeste chapelle) au XVIIe siècle, l’édifice actuel, richement orné, date de 1923. La sainte, dont le sanctuaire possède des reliques, est vénérée ici tous les 26 juillet. La taille du parking et de la zone commerciale qui entourent les lieux donnent la (dé)mesure de l’événement…

La poésie, on la retrouve heureusement quelques kilomètres plus à l’est, après Baie-Saint-Paul (région de Charlevoix), au coeur d’un paysage façonné il y a plusieurs millions d’années par l’impact d’une gigantesque météorite dont l’épicentre se situait où s’élève désormais le village bien nommé des Éboulements. Aussi paisibles que cet événement cosmique a pu être violent, les lieux dominent le Saint-Laurent du haut de leurs maisons de bois, propices à des vacances reposantes. L’émouvant Musée Maritime qu’animent des bénévoles à Saint-Joseph-de-la-Rive témoigne quant à lui d’une tradition aujourd’hui disparue : celle des chantiers navals de Charlevoix et de ces goélettes qui sillonnaient le fleuve, dont on peut découvrir, et même visiter en fauteuil roulant (avec aide) certaines survivantes. Un musée, accessible de plain-pied, complète la visite. S’il vous reste un peu de temps, allez donc voir le soleil se coucher sur la jetée de Baie-Saint-Paul, face à l’île aux Coudres : l’endroit est éminemment romantique !

En poursuivant la route de bord de fleuve, on atteint l’élégante station balnéaire de La Malbaie, avec ses beaux hôtels, son casino et ses maisons au chic discret. L’embouchure de la rivière Saguenay, dont les eaux se mêlent déjà à celles de la mer portées par le Saint-Laurent, n’est pas loin. Au-delà, le visiteur à le choix : continuer jusqu’à l’estuaire, encore loin vers l’est, ou remonter la rivière, via son fjord, jusqu’au vaste lac Saint-Jean, mais ceci est un autre voyage…

Jacques Vernes, avril 2012.


Sur le web, le site officiel Bonjour Québec offre tous les outils indispensables pour planifier un séjour (et même quelques promotions intéressantes selon la période de l’année) ainsi qu’une rubrique Tourisme et handicaps élaborée avec l’association Kéroul, dont La Route Accessible, parfaitement fiable et régulièrement mise à jour, constitue la référence. N’hésitez pas à prendre directement contact avec Kéroul pour des informations ou conseils complémentaires : vos interlocuteurs connaissent leur sujet sur le bout des doigts !

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