Montréal est comme Bruxelles, elle « n’existe pas » ! Elle est le rassemblement de près d’une vingtaine de communes réparties sur une île du fleuve Saint- Laurent qui s’étend sur 65 kilomètres de long et 32 de large. Ici on est de Hochelaga- Maisonneuve, d’Outremont, de Rosemont, de Westmount, sans parler des quartiers chinois, grecs, portugais… Le plan de la cité est typiquement nord- américain : les rues sont démesurément longues et se croisent généralement à angle droit. Une ligne de démarcation la traverse, la rue Saint- Laurent : à l’est, la plupart des francophones, des gens modestes et des friches industrielles, à l’ouest les anglophones, les gratte- ciels du centre des affaires et les habitants riches. La vie nocturne est intense, surtout rue Sainte- Catherine vers Berri qui devient un immense Eros Center: vous les remarquerez à peine dans la journée, mais le soir les enseignes des sex- shop et bar à strip- tease claquent partout. Ici on se dévergonde la nuit !

Pour mieux affronter l’hiver durable et glacial, les Montréalais ont construit un morceau de ville à l’abri des intempéries, en grande partie souterraine. On y trouve toutes sortes de commerces, les snacks et restaurants rapides étant généralement situés, comme leurs confrères Américains, au dernier sous- sol. Dans les étages, essentiellement des bureaux et des grands magasins. Pour aller d’un centre commercial à l’autre, les gens empruntent de longs couloirs ou le métro. Au total, 29 kilomètres de galeries permettent au consommateur de faire du « magasinage », l’une des activités préférées des citadins, à l’abri du froid et de la neige. Européens, vous pourrez également vous adonner aux joies de la consommation : les taxes sur les produits durables – vêtements, souvenirs, gadgets, etc. – sont remboursables sous certaines conditions. Certains produits sont plus avantageux, et vous constaterez que des marques « snob » en France équivalent ici à des articles de base !

Les parcs et jardins sont innombrables. Parfois à peine un square, souvent avec des installations sportives : terrains de football américain ou de « soccer » (notre football), pistes d’athlétisme, piscines en plein air, tables de joueurs de cartes. On y rencontre des écureuils gris en quantité, très prolifiques. Ils se nourrissent des déchets ménagers et il est fréquent d’en trouver les sacs troués par ces rongeurs, bien que la collecte des ordures soit non seulement sélective mais aussi très règlementée. Le sommet du parc du Mont- Royal, à 233 mètres d’altitude, est le point culminant de la ville : aucune construction ne peut le dépasser. Tout là- haut, une croix (érigée en 1643 par Paul de Chomedey, sieur de Maisonneuve – le nom de Montréal à l’époque) marque l’emplacement où Jacques Cartier prit possession des lieux au nom du Roi de France en 1535. Le jardin a été conçu par le même architecte que celui de Central Park à New- York. On s’y promène à pied ou en vélo, en pleine nature au coeur du centre- ville. C’est le lieu d’ébats des musiciens urbains, des écoliers en goguette, des touristes aussi : le panorama sur les buildings et le Saint- Laurent, au sud, est magnifique.

Les cimetières se visitent tel un parc. La plupart des sépultures sont « à l’anglo- saxonne », une simple dalle de pierre encastrée dans le sol. Cette modestie ne se retrouve guère chez les notables, pour lesquels des tombeaux pharaoniques sont édifiés. Montréal possède aussi son lieu de pèlerinage, l’oratoire Saint- Joseph, construit à proximité de cet immense cimetière. Sous la nef, un couloir semblable à une station de métro abrite des milliers d’ex votos (notamment des béquilles !) et de veilleuses multicolores. A croire qu’une armée de sacristains les entretient tout au long de la sainte journée. En lui- même, l’édifice massif en béton présente peu d’intérêt mais les dévots vont généralement visiter la chambrette toute proche du fondateur des lieux, le Frère André.

Outre la langue et la baguette de pain, la France n’est guère présente que par ses « bagnoles », du moins ce qu’il en reste, des Renault 5, 9 et 11 hors d’âge ainsi que quelques Peugeot 505; des souvenirs de l’époque durant laquelle les constructeurs français voulaient posséder le monde entier ! Les voitures québécoises sont assez spéciales : une prise électrique sort parfois de la calandre, reliée à un radiateur sous le capot moteur qui réchauffe la mécanique pour éviter la casse en plein hiver. La carrosserie des véhicules âgés (« minounes ») est rouillée avec des trous béants aux passages de roues, conséquences du sel déversé sur les routes gelées. Les automobilistes sont généralement assez calmes et disciplinés, la police surgissant souvent au moment où on ne l’attend pas. Les feux tricolores sont placés « à l’américaine », au bout du carrefour. Quant à la fourrière, elle est d’une efficacité redoutable : deux minutes pour enlever un véhicule, et on ne plaisante pas avec les infractions au stationnement réservé aux personnes handicapées.

Peu de gens utilisent les chemins de fer. Les liaisons interurbaines sont chères et les trains plutôt luxueux. La desserte de la banlieue est réduite à une liaison vers l’ouest (Saint- Anne) à partir de la gare Windsor, et vers le nord au départ de la gare centrale. Les trains sont essentiellement empruntés par les écoliers et quelques travailleurs. Dans cette métropole démesurée, on se déplace surtout en voiture, les autoroutes pénétrant au coeur de la ville.

La circulation en fauteuil roulant est facilitée par des trottoirs larges et bas, sans caniveau ni voitures en infraction, et aux angles abaissés aux carrefours. L’emploi de « scooters » à trois ou quatre roues est assez fréquent, les utilisateurs étant des personnes obèses, des cardiaques, des handicapés physiques… ou des paresseux ! Avec les Diners (prononcez « daïneuz »), les USA poussent leur corne! Restaurants- wagons, ils font partie du patrimoine local. On y mange exclusivement américain. D’une manière générale, les rapports des Québécois avec leur encombrant « voisin du sud » sont un savant dosage d’indifférence, de cordialité et de crainte: « l’océan » anglo- saxon face à « l’îlot » francophone.

Les Québécois sont d’ailleurs généralement susceptibles sur la question nationale et l’usage de l’anglais. Une loi (la fameuse « 101 ») oblige à tout traduire en français, langue officielle de la Province, même les titres de films : c’est ainsi, par exemple, que le film « Speed 2 » est devenu « Ça va clencher », difficilement compréhensible en « français de France ». La langue québécoise a conservé le sens ancien de certains mots, tel « estampe » pour tampon encreur. Elle emploie souvent des tournures assez surprenantes pour les non- initiés, comme « c’est écoeurant » pour dire « j’adore » ! L’accent peut être difficile à saisir, mais il est inimitable ; d’ailleurs, ne tentez pas de l’imiter si vous ne voulez pas vous faire détester puisque pour un Québécois, c’est vous, touriste francophone, qui avez un accent ! Quant au patois (« joual »), il est aussi difficile à comprendre pour les Européens que le créole.

Loin des querelles de chapelle, Montréal a accueilli les Jeux Olympiques en 1976. Une grande partie des installations fut construite à l’est, sur le parc Maisonneuve. Depuis, le stade d’athlétisme a été aménagé pour accueillir au choix matches de football américain ou de baseball. Sa toiture prend l’eau, nécessitant des travaux importants que la municipalité hésite à engager. A quelques mètres de là, le vélodrome est devenu Biodôme. Quatre aspects de l’écosystème américain y sont présentés « pour de vrai » : forêt tropicale (très) humide avec crocodiles et tamarins, bois laurentiens et leurs castors, estuaire du Saint- Laurent et ses bélougas, monde polaire et ses pingouins. Au sous- sol, une exposition ludique sur la nature est destinée aux enfants.

Le jardin botanique s’étend près du parc olympique: il est immense et on en fait le tour en petit train. Il comporte environ 26.000 espèces de plantes, une demeure japonaise où l’on peut boire le thé « dans les règles » et qui présente d’inestimables forêts de bonsaïs hors d’âge, un insectarium très peuplé à vous donner des cauchemars, un merveilleux jardin chinois aux multiples pavillons de bois peints en rouge. Dans ce lieu empreint de poésie et inclinant à la méditation, musiciens et artisans vous proposent régulièrement (à la belle saison) quelques aspects de la culture ancestrale de l’Empire du Milieu, notamment de splendides figurines en pâte à sel. En levant les yeux, vous verrez la tour du stade olympique qui fut une prouesse architecturale. De son sommet, accessible en funiculaire, vous aurez un beau point de vue sur la ville.

Chaque année, l’île Notre Dame accueille le Grand Prix du Canada de Formule 1 (la dynastie Villeneuve !). Cette île est quasiment artificielle, agrandie pour l’exposition universelle de 1967. Ce qui fut le Pavillon de la France est dorénavant le Casino… Le circuit est ouvert au public qui le parcourt à pied, en vélo et sur rollers. Les pistes cyclables en site propre sont très nombreuses et permettent d’aller en tous sens dans la ville ; les usagers sont très disciplinés et elles ne sont pas empruntées par les piétons. Curieusement, on n’y voit pas circuler de fauteuils roulants, fût- ce de sport…

Le 24 juin, c’est la fête nationale du Québec. Ce jour- là, les souverainistes sortent drapeaux et pancartes pour clamer leur fierté d’être Québécois et leur éternelle revendication d’indépendance (sujet épineux pour les Français). Une parade populaire démarre du parc Lafontaine en direction du parc Maisonneuve, vers l’est, en parcourant la rue Sherbrooke. Les Québécois sont principalement catholiques et furent très imprégnés de religion. Jusque dans les années soixante- dix, c’était un agneau, symbole divin s’il en est, qui ouvrait la parade de la Saint- Jean Baptiste, laquelle prenait alors les allures de procession.

À peine une semaine plus tard, le 1er juillet est la fête de la Confédération. Elle commence le matin par une parade formée par les différentes communautés (Grecs, Chinois, etc) avec musiques, costumes folkloriques et slogans clamant l’unité du Canada. Elle aussi part du parc Lafontaine, mais en direction de l’ouest! Les festivités se poursuivent par le serment au drapeau de quelques immigrants ayant obtenu la nationalité. Sur le coup de midi, les personnalités servent aux citoyens le « gâteau de l’amitié ». Imaginez d’immenses plateaux sur lesquels des pâtisseries de l’épaisseur d’un dictionnaire sont coupées et offertes par les plus hautes autorités de l’État, Lieutenant- Gouverneur en tête. L’après- midi se poursuit par divers jeux et activités, dont cet étonnant quadrille de la Police Montée (Gendarmerie Royale en tenue d’apparat)… sans chevaux !

Il y a peut-être autant d’églises que de « dépanneurs » (lire plus bas) à Montréal. On en trouve de tous styles et celle- ci, rue Jeanne Mance, est surprenante avec sa toiture rouge : on peut se demander si elle est consacrée à Dieu ou au diable ! Certains édifices religieux arborent même des enseignes lumineuses. Ils comportent parfois un complexe de loisirs ou sportif.

En ce qui concerne vos achats alimentaires, un zeste de prudence s’impose: vous ne serez pas dépaysé(e) par rapport aux supermarchés européens mais quelques surprises vous attendent, parmi lesquelles le jambon saveur érable, les « Pop Tarts » (toasts couverts de sucre aromatisé à passer au grille- pain) ou la poutine (sauce brune dans laquelle des frites, couvertes de fromage, baignent tristement) dont le nom n’est en rien un hommage au président russe.

Infos pratiques

Il n’existe pas de carte d’invalidité au Québec, aussi les facilités sont- elles accordées essentiellement aux personnes aveugles ou en fauteuil roulant (gratuité fréquente pour les musées et attractions publiques). Les transports urbains ne sont pas accessibles. Quelques autobus à plancher bas et plate- forme rétractable sont en circulation sur quelques lignes. Un service peu onéreux de transport adapté aux personnes handicapées est ouvert, aux résidents seulement, pas aux touristes. Le métro est inaccessible, et pour beaucoup de monde : il faut parfois une force herculéenne pour ouvrir la porte d’entrée d’une station. Cela est dû à une erreur de conception des ingénieurs… français, qui ont oublié de tenir compte des courants d’air dans les immenses tunnels !

De nombreux lieux de culture et de loisirs sont accessibles aisément. Mais ne croyez pas que tout est possible, renseignez- vous au préalable. Au parc d’attractions foraines « La Ronde », par exemple, certaines activités sont interdites ou déconseillées aux handicapés physiques. Nous n’avons pas trouvé de guide en ligne sur la question. Voici toutefois quelques installations sans problème :

– Biodôme : prêt de fauteuil roulant pour la visite, circuit complet bien étudié. L’autobus qui dessert le jardin botanique est doté d’une plate- forme pour fauteuil roulant.
– Jardin Botanique : le petit train est équipé d’une rampe d’accès, prêt de fauteuil roulant pour la visite, serres accessibles. Certains lieux nécessitent d’être aidés mais tout est visitable.
– Musée des Beaux-Arts : ses deux bâtiments sont reliés par un tunnel. Prêt de fauteuil, lieux entièrement accessibles en utilisant le monte- charge !
– Musée d’Art Contemporain : toutes les salles sont de plain- pied.

SUR LE NET : Le site officiel de la Ville de Montréal est institutionnel et plutôt tourné vers les résidents. Tourisme Montréal, en revanche, est un excellent site- ressource présenté par l’Office des congrès et du tourisme du grand Montréal : itinéraires touristiques par quartier ou par catégorie (mentions d’accessibilité aux personnes handicapées), hébergement, restauration, calendrier des événements culturels, « magasinage », cartes et transports, conseils pratiques, etc. On y trouve même une section à l’intention de la clientèle homosexuelle ! Tout Montréal est un annuaire et moteur de recherche à la Yahoo : pratique et assez exhaustif. CMontréal présente l’actualité artistique et culturelle locale, les événements, les programmations, etc. Interface un peu lourde. Plus ludique, Montréal Cam permet de visualiser en temps réel certains endroits de la ville. Pour rêver ou, plus prosaïquement, constater l’état de la météo… ou du trafic.


Jacques Vernes, juin 2001.

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