Tour opérateurs et liaisons aériennes obligent, les Français sont peu nombreux à quitter Prague après y avoir atterri. La capitale tchèque est certes une destination inoubliable (relisez ce que nous en disions en janvier 2008) mais il est bien dommage de faire l’impasse sur un pays où le tourisme de masse n’a pas (encore) frappé et qui possède un patrimoine architectural à ce point hors du commun. Cerise sur le gâteau : comme ailleurs dans le monde, le rapport qualité/prix est bien meilleur en province que dans la capitale, même si les prestations hôtelières s’avèrent parfois insuffisantes; n’hésitez pas à demander à voir la chambre avant de la prendre. On peut aisément se déplacer en voiture (de location) sur un réseau routier en état convenable et, même si la carte européenne de stationnement n’est pas officiellement reconnue, elle ouvre droit au stationnement réservé (pictogramme ad hoc). Attention : le panneau « Réservé » décrit des emplacements spécifiquement dévolus aux véhicules dont le numéro de plaque minéralogique est expressément indiqué; sabot garanti si vous vous y risquez ! Les trottoirs sont assez souvent équipés d’abaissés, avec repérage podotactile et, parfois, guidage le long de la traversée et feu sonore.

Brno

À 200 km au sud-est de Prague, Brno (on prononce facilement en roulant le R) est la seconde ville de Tchéquie avec 400.000 habitants. C’est la capitale de la Moravie, riche province slave autrefois indépendante avant d’être rattachée à la Bohème voisine (XVe-XVIe siècle) puis à l’empire des Habsbourg (XVIe-XXe siècle) et enfin, après les périodes tchécoslovaques (1918-1939, 1948-1992) à la République Tchèque (1993). La frontière slovaque est à moins d’une centaine de kilomètres, celle avec l’Autriche à seulement une cinquantaine, Vienne à 126km, soit moins loin que Prague ! De cette proximité à la fois géographique, économique et historique résultent une grande communauté de culture, d’architecture et même de langue, puisque nombre d’habitants parlent plus couramment l’allemand que l’anglais. Ainsi, la Moravie est-elle, entre autres célébrités « internationales », le berceau du père de la génétique, Gregor Mendel (né près de Nový Jicín, bourg charmant jumelé avec Épinal en France), du peintre Art Nouveau Alfons Mucha (né à Ivancice) et, plus près de nous, de l’écrivain Milan Kundera (né à Brno en 1929 et naturalisé Français).

Centre de Brno

Le centre-ville de Brno comportant de vastes secteurs piétonniers et de larges trottoirs, il est d’autant plus agréable d’y balader en fauteuil roulant que les récentes campagnes de restauration ont permis de mettre en valeur de très belles façades, et en accessibilité la plupart des commerces. Les terrasses, en saison, ne désemplissent pas; on peut notamment y déguster de fameuses bières locales.

Rue de Brno

Côté musées, en revanche, il reste beaucoup à faire en matière d’accessibilité : Prague commençant à peine à donner l’exemple, il ne faut pas s’attendre à des miracles en province, même dans les principales villes, et donc à Brno. Les collections, en outre, sont presque toujours exposées dans d’anciens palais où les conservateurs prétendent encore qu’il est impossible d’installer le moindre ascenseur. Des rampes amovibles sont parfois mises en place sur demande mais il arrive le plus souvent qu’une volée de marches rédhibitoire empêche toute visite en fauteuil roulant, fût-elle avec aide. Restent les extérieurs, généralement gratifiants (surtout lorsqu’ils sont ornés de sgraffites), dont il peut néanmoins s’avérer frustrant de devoir se satisfaire. Autre point noir, bien connu ailleurs en Europe : les pavés omniprésents, si esthétiques mais si cahoteux, même pour les valides.

Butte de Zuran dans le champ de la bataille d'Austerlitz

À quelques kilomètres au sud-est de Brno s’étend un site mondialement célèbre que son nom tchèque – Slavkov – pénalise dans l’esprit des millions de personnes qui ne savent pas où placer… Austerlitz ! De fait, la célèbre bataille, dite « des trois empereurs » qui vit, le 2 décembre 1805, la victoire éclatante de la Grande Armée de Napoléon Ier sur les forces austro-russes, s’étendit sur un vaste domaine d’une centaine de kilomètres carrés, ponctué de points stratégiques que l’on peut encore visiter de nos jours : simple butte à Zuran, où Napoléon bivouaqua et où un plan en relief indique les différentes positions des belligérants, mémorial et musée (accessible) sur le plateau de Pratzen (Prace en tchèque), où se joua la bataille. Le musée de Prace propose une présentation audiovisuelle très complète (et en français); stationnement possible en sommet de côte, à côté des bâtiments. La vue y est moins spectaculaire qu’à Zuran mais l’évocation plus parlante. Quant au château de Slavkov, où dormirent lesdits empereurs, il est inaccessible en fauteuil roulant, à l’exception de son parc, très romantique.

Fragment de l'épopée des Slaves, d'Alfons Mucha

Une multitude de sites pittoresques parsème la campagne tchèque. Leur éloignement des grands axes touristiques en fait de véritables havres de tranquillité et d’authenticité, où l’on peut non seulement découvrir de très belles architectures (ici un château, là une église ou une jolie place) mais aussi et surtout la vie quotidienne des habitants. Laquelle, on s’en doute, n’a rien à voir avec l’agitation de la capitale ! C’est dans ce cadre rural que le château décrépi de Moravský Krumlov expose l’oeuvre majeure de Mucha, L’Épopée des Slaves, vingt tableaux monumentaux scandant l’histoire tourmentée de peuples ballottés entre les puissants; hélas, des marches et un escalier étroit empêchent l’accès fauteuil d’une collection promise à la Galerie de la Ville de Prague (propriétaire)… depuis 80 ans !

Trebíc

À moins d’une heure de route de là, le gros bourg de Trebíc (se prononce trébitch) est ramassé autour d’une immense place centrale dont les façades colorées ont été récemment restaurées. La cité est célèbre pour son quartier juif créé au XVe siècle, étiré en bord de rivière, dont les derniers occupants furent déportés par les nazis durant la seconde guerre mondiale. L’émotion est intacte, même si les véhicules en stationnement gâchent un peu la déambulation. La synagogue dite « nouvelle » (XVIIe siècle) est accessible par rampes amovibles dans sa partie basse : demander à l’accueil. De dimension modeste, elle conserve de belles peintures murales aux motifs fleuris, textes hébraïques et lion de Juda. Stationnement réservé disponible à l’entrée du quartier, juste après le pont. L’autre attrait de la cité réside dans sa colossale basilique romane Saint-Procope, également accessible par rampes amovibles : les horaires de visite sont fixes, renseignez-vous à l’accueil. Stationnement toléré dans la cour (comme ailleurs quand ça monte, ignorez l’interdiction !), toilettes (in)accessibles par le système suisse Eurokey, inexistant en France…

Grand place de Telc

À quelques encablures de Trebíc, Telc (se prononce teltch) est classée, parmi une douzaine d’autres sites tchèques, au patrimoine mondial de l’UNESCO. Posée sur ses étangs comme une perle baroque, la petite cité est un véritable musée à ciel ouvert. Ses merveilles, on les doit aux Sudètes, population germanophone installée là dès le Moyen-Âge à la demande des rois de Bohème (où ils ont pu représenter jusqu’à 30% de la population) et expulsés après la seconde guerre mondiale, du fait de leur adhésion (plus ou moins volontaire) au IIIe Reich : un sujet toujours sensible de part et d’autre de la frontière…

Telc

On peut, avec un peu d’aide, accéder à la cour du château et aux élégants jardins Renaissance qui se cachent derrière ses grilles. Les collections ne sont malheureusement pas accessibles en fauteuil roulant mais le reste de la ville mérite amplement que l’on y passe du temps, ne serait-ce que pour détailler l’infinie variété des motifs décoratifs qui ornent les façades de la grand place (stationnements réservés disponibles). On bénéficie, par ailleurs, d’un joli point de vue sur la ville depuis le vaste parc qui s’étend au-delà de l’étang principal. Comme à Brno, les terrasses ne manquent pas, où il est fort agréable de s’attarder.

Grille du château de Jindrichuv Hradec

La route de Jindrichuv Hradec, en Bohème du sud, est également ponctuée d’étangs et de vallons. La cité est dominée par un énorme château Renaissance (le 3e du pays en taille) dont l’accès ne peut se faire, pour les personnes handicapées ou fatigables, que sur rendez-vous préalable, afin que soit ouverte la voie empierrée très pentue permettant d’y accéder en voiture. La visite du rez-de-chaussée (parcours C), guidée et avec aide, permet de découvrir la vie quotidienne des seigneurs du lieu aux XVIIIe et XIXe siècles, ainsi qu’une époustouflante rotonde à stucs dorés où se donnent des concerts et se célèbrent des mariages. Ne manquez pas, dans la cour, l’incroyable cage de puits en fer forgé rehaussé de motifs fleuris et d’oiseaux multicolores, présent d’un seigneur à son épouse. L’aristocratie tchèque, qui possédait moult demeures dans le pays mais également à Prague et Vienne, compte toujours des descendants, dont certains sont (de nouveau) engagés en politique, parfois au plus haut niveau : SchwarzenbergLobkowicz

Trebon

Plus au sud, Trebon (se prononce trébogn’) cache, sous des abords austères, un centre ancien charmant avec maisons à pignons, colonne de la peste et ruelle à arcades. Le lac au bord duquel est posée la cité sert de plan d’eau à un immense parc où il est plaisant de se perdre et au milieu duquel trône la chapelle mortuaire (XIXe) de la famille Schwarzenberg évoquée ci-avant.

Ceský Krumlov

Encore plus au sud, Ceský Krumlov (se prononce tcheski kroumlof) est le second centre d’attraction touristique de Tchéquie après Prague. Son château est également le second en importance. C’est, en terme de fréquentation, l’exception locale qui confirme la règle : ici, contrairement aux autres sites de la région, l’affluence est considérable, surtout le week-end. Il faut avouer qu’il y a largement de quoi être séduit : un village de carte postale, aux maisons remarquablement préservées, lové au-dessous de son gigantesque château aux murs sgraffités.

Ceský Krumlov

Las, en-dehors de la journée spéciale de tourisme sans barrière organisée tous les ans au mois de septembre, l’accessibilité générale de cette cité sudète et de ses monuments laisse pour le moins à désirer : pavés, pentes et volées de marches sont en effet au programme. C’est d’autant plus dommage pour le château, chef d’oeuvre Renaissance qui a gardé la majeure partie de son mobilier d’origine ainsi qu’un rarissime théâtre de cour récemment restauré, qu’il suffirait de peu pour que la visite en soit possible pour tous. Ajoutez-y les boutiques bas de gamme, hôtels et restaurants à touristes, les prix plus chers qu’ailleurs, les (rares) stationnements payants, même le dimanche… Le pittoresque photogénique a un prix parfois exorbitant : vous voilà prévenu(e).

Maison d'Holašovice

Plus modeste mais plus touchant, le village d’Holašovice, à l’ouest de Ceský Krumlov, aligne sagement, autour d’une place arborée et d’une humble chapelle, un ensemble de fermes et de bâtiments de style « baroque rural » (XVIIIe siècle) inscrit également au patrimoine mondial de l’UNESCO. De plain-pied et stationnement aisé. On trouve d’autres exemples de cet urbanisme unique en Europe à Kolný (sur la route de Trebon) et, en remontant vers le nord, entre Ceské Budejovice et Pisek. Une route qui est également celle du départ…

Jacques Vernes, octobre 2009.

Sur le web, le portail officiel Czech Tourism propose une information généraliste multilingue (incluant le français) ainsi qu’une rubrique spécifiquement dédié au tourisme des personnes handicapées. La compagnie Czech Airlines dessert Prague depuis Paris, puis Brno au départ de Prague.

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