Peuplé dès le paléolithique, le site de Prague (Praha en tchèque) est lové sur un méandre de la Vltava, un affluent de l’Elbe mieux connu (surtout des mélomanes) sous son nom allemand de Moldau. Important pôle économique dès le Moyen-Âge, la ville a connu un âge d’or au XIVe siècle avec le roi de Bohême et futur empereur germanique Charles IV, dont l’héritage subsiste notamment à travers le célébrissime pont auquel il a donné son nom et qui est devenu l’un des symboles de la cité. Autre personnalité emblématique, le théologien Jean Hus, brûlé en 1415 pour avoir dénoncé les abus de l’Église catholique et dont le combat a conservé, aux yeux des Tchèques, toute son actualité, notamment durant les périodes allemande, puis communiste. Car la ville a longtemps été dominée par les Habsbourg (qui en ont fait cette merveilleuse cité baroque que l’on vient découvrir du monde entier) avant une courte période d’indépendance entre 1918 et 1948, au cours de laquelle architectes et artistes ont également donné libre cours à leur talent. Le « Coup de Prague« , en février 1948, étend le glacis stalinien sur ce qui est encore la Tchécoslovaquie. La Révolution de velours, en novembre 1989, rend le pays à l’Europe occidentale sous la houlette du dramaturge Václav Havel. La Tchécoslovaquie dissoute en décembre 1992, Prague redevient la capitale d’une République Tchèque (ou Tchéquie) intégrée à l’Union européenne en mai 2004 et désormais vouée à l’économie de marché.

Extrêmement touristique, le centre de Prague ne désemplit pas (surtout de groupes) et il faut dire d’emblée que ses échoppes bas de gamme (faux cristaux de bohème, marionnettes made in china, baraques à frites, etc.) évoquent les pires aspects du tourisme de masse et incitent à la prudence : pour un shopping plus « authentique », mieux vaut aller voir ailleurs ! La topographie historique a en effet créé un véritable « corridor touristique » entre le château, au sommet de sa colline, et la place de la vieille ville, qu’il faut certes visiter mais qu’il est préférable d’éviter aux heures de pointe, surtout lorsque l’on éprouve des difficultés pour se déplacer (fauteuil roulant, canne). Les autres quartiers de la ville, tout aussi intéressants, sont heureusement moins pris d’assaut. Côté voirie, le pavé (parfois défoncé) est omniprésent mais la zone piétonnière est assez étendue et les trottoirs, en dehors du « corridor » précité, sont larges, souvent pourvus d’abaissés et de feux sonores.

En ce qui concerne les transports, quelques stations de métro sont réputées accessibles mais n’espérez pas prendre la plupart des trams avec votre fauteuil roulant ! A Prague, l’accessibilité des transports en est à ses débuts. Les hôtels, quant à eux, présentent le même niveau d’accessibilité qu’ailleurs en Europe en fonction de leur date de construction… et de leur prix (par exemple le tout nouveau et très design Yasmin). Le coût général de la vie est comparable au reste du continent, la couronne tchèque n’offrant pas d’avantage paritaire particulier par rapport à l’euro.

Place Malá Strana à Prague.

Ces quelques précisions faites, la découverte de Prague, véritable musée à ciel ouvert, ne réserve que de bonnes surprises et d’innombrables motifs d’émerveillement. Le plus simple est de commencer par le château, siège de la Présidence de la République, sur l’esplanade duquel il est possible (et même fortement conseillé, eu égard à la pente) d’accéder en voiture. Outre une vue splendide sur la ville, l’endroit rassemble plusieurs sites d’intérêt variable selon que l’on est valide ou handicapé. Les amateurs de « relève de la garde » pourront faire quelques photos mais ceux qui connaissent Buckingham risquent d’être déçus… N’oubliez pas de vous procurer vos billets d’entrée (gratuits pour les visiteurs handicapés) dans le bureau ad-hoc (accessible) situé à gauche en entrant dans la seconde cour. Édifiée dans la troisième cour (les bâtiments des deux premières ne sont pas accessibles), la cathédrale Saint Guy est accessible par rampe.

Outre ses proportions, qui sont impressionnantes, elle vaut pour les merveilleux vitraux Art Nouveau de Mucha (à gauche en entrant) et, dans un tout autre genre, pour le tombeau d’argent, incroyablement rococo, de Saint Jean Népomucène. Laissez passer les groupes et prenez votre temps ! Au chevet de la cathédrale, l’esplanade s’ouvre sur le vieux palais royal, accessible grâce à un élévateur fauteuil (demander au gardien de le manoeuvrer), qui offre un autre très beau point de vue sur la ville mais dont la visite se limite, lorsque l’on est handicapé moteur, à la grande salle aux entrelacs stuqués (levez les yeux !) et à l’ancien tribunal suprême. Les autres espaces du complexe sont difficilement carrossables en fauteuil roulant (pavés disjoints, ornières) mais leur exploration peut s’avérer ludique, tant les recoins et les détails d’architecture sont nombreux. On peut faire l’impasse (c’est le cas de le dire) sur la Ruelle d’Or, dont les mignonnes maisonnettes n’hébergent plus d’alchimistes depuis longtemps mais de prosaïques boutiques à touristes…

Le quartier de Malá Strana, qui s’étend en dessous du château, est certes pentu (mieux vaut le descendre avec une aide ponctuelle) et touristique mais il regorge de splendeurs architecturales, notamment des palais baroques dont les façades s’ornent de couleurs pastel, de trompe-l’oeil ou de sgraffites (technique qui s’apparente à celle du camée) et qui abritent désormais ambassades et d’administrations. C’est notamment dans ce quartier que séjourna Mozart, au palais Thun. Résistez à la tentation de traverser trop vite le pont Charles et aventurez-vous le long du petit canal qui longe le fleuve, vous serez surpris(e) par le calme qui y règne. La très sage ambassade de France (Palais Buquoy) y fait face à un délirant mur-hommage à John Lennon. Un petit parc très peu fréquenté offre un havre de paix bienvenu.

Plus au sud sur le fleuve, d’autres îlots de verdure attendent le visiteur, notamment « l’île slave » (Slovanský ostrov) aisément accessible depuis la rive droite. Attention : le funiculaire qui permet de gravir la colline de Petrín n’est absolument pas accessible en fauteuil roulant, même avec aide.

De l’autre côté du pont Charles, le flot touristique vous portera « naturellement » vers la vieille ville (Staré Mestovia des rues dont il vaut mieux éviter les rez-de-chaussée (lire plus haut) mais où il est vraiment excitant de se perdre : façades rococo, entrées cochères donnant sur de splendides cours, ruelles étroites, passages mystérieux… C’est aussi agréable de jour que de nuit et vous ne risquerez pas de vous perdre : le quartier est délimité par le fleuve et par une large artère, piétonnière dans sa partie terminale (après l’extraordinaire maison municipale décorée par Mucha), dont l’aménagement ultramoderne indique instantanément le changement d’époque ! Le coeur de Staré Mesto, c’est sa vaste place autour de laquelle rayonnent des voies qu’il faudrait idéalement toutes explorer. Voyage dans le temps garanti, de la période romane à la Renaissance, du Baroque à l’Art Nouveau : un authentique florilège.

Cimetière juif de Josefov à Prague.

Intenses moments d’émotions, également, lorsque l’on visite le (petit) quartier juif (Josefov) où ne subsistent, d’une communauté jadis prospère, que les témoignages de sa foi (synagogues, cimetière) et quelques objets rassemblés ici par… les nazis, qui s’apprêtaient à ouvrir un « musée de la nation effacée »… Les synagogues Maisel et Espagnole sont accessibles mais le cimetière demande de l’aide (accès par la sortie). Selon la légende, c’est ici que le rabbin Maharal créa le célèbre Golem, au XVIe siècle. Ne vous attendez pas, en revanche, à visiter beaucoup d’églises : outre les volées de marches, la plupart n’ouvre que lors des cultes.

En longeant le fleuve vers le sud, on se dirige vers la « nouvelle ville » (Nové Mesto) et ses constructions, de très riche facture, qui racontent toute l’histoire architecturale des XIXe et XXe siècles. Quant au XXIe, il est annoncé par l’immanquable Maison dansante de Frank Gehry. Toute proche, l’annexe du théâtre national paraît bien raisonnable avec sa façade en pavés de verre (la fameuse Laterna Magika y est installée). Nové Mesto a également son centre, et quel centre : la célébrissime place Venceslas, véritable coeur battant de la capitale. Dédiée au saint-patron du pays (dont la statue équestre trône au sommet), elle a servi de décor à de nombreux événements historiques : proclamation de la première république tchécoslovaque en 1918, chars soviétiques en 1968 (« Printemps de Prague« ), Révolution de velours en 1989…

Elle demeure le point de rendez-vous favori des Praguois, qui s’y rendent au cinéma, au théâtre, au restaurant ou dans les nombreuses boutiques installées dans de somptueuses galeries commerciales Art Déco (Lucerna, Koruna, etc.) dont la plupart sont accessibles et combleront autant les amateurs d’architecture que de shopping ! Prudence cependant : à l’instar de nos Champs-Élysées, la place Venceslas peut prendre, la nuit, un visage fort différent…

Place Venceslas à Prague.

S’il vous reste du temps, ou si, par extraordinaire, l’offre culturelle pléthorique de Prague vous laisse indifférent(e), faites un détour par Nelahozeves, petit village situé à une quarantaine de kilomètres à peine de la capitale : vous y aurez parmi les rares opportunités de visiter avec un équivalent scalamobile (manoeuvré par un gardien) un authentique château Renaissance, propriété de la prestigieuse lignée des princes Lobkowitz. L’endroit est plutôt romantique et ses collections (cabinet de curiosités, bibliothèque herbier, tableaux, meubles, armes, etc.) vraiment riches mais la visite (obligatoirement guidée) au pas de charge ne permet pas de prendre son temps et peut laisser sur sa faim. A cet égard, il est possible de déjeuner sur place.

Au bas du château, les mélomanes ne manqueront pas de se recueillir devant la maison natale d’Antonín Dvorák, où un petit musée a été installé en haut d’une volée de marches… que le scalamobile évoqué ci-avant ne manquera pas de vous aider à franchir si vous le demandez gentiment…

Jacques Vernes, janvier 2008.


Sur le web, le service d’information de Prague donne, en français, de nombreux renseignements pratiques mais sans données spécifiques « handicap ». Le site Czech Tourism propose quant à lui, toujours en français, davantage de données sur la destination, notamment en matière de tourisme adapté. Pour une information exhaustive, mais en anglais, consultez Accessible Prague. Pour d’époustouflantes images de la ville à 360°, suivez ce lien. Sachez, enfin, que l’agence Avant-Garde propose des guides-accompagnateurs « à la carte » sensibilisés à l’accueil du public handicapé à des tarifs très abordables.

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