Jordan Broisin, 27 ans, pratique le handiski et s’entraine au sein du ski club Aillons-Margériaz (Savoie). Il est membre du Team Point.P et travaille en Convention d’Insertion Professionnelle. Alexis Hanquinquant, 34 ans, a été champion d’Europe et du monde de paratriathlon en 2017 et 2018; licencié au club de Rouen (Seine-Maritime) depuis 2016, il est également membre du Team Point.P, de même que Lucas Mazur, 22 ans : champion du monde de parabadminton en 2017 et 2019, il s’entraîne au CREPS de Bourges (Cher) et est licencié à Salbris (Loir-et-Cher). Damien Seguin, 40 ans, a été champion paralympique de voile en 2004 et 2016. Il vit en Bretagne et se consacre à la course transocéanique en classe Imoca.

Question : 
Quelles sont les conséquences du confinement à domicile, pour vous et votre préparation sportive ?

Jordan Broisin : Avec le confinement on s’adapte. Heureusement, je suis plutôt bien équipé à la maison pour faire des séances de préparation physique. A cette période, je travaille d’habitude plus sur le foncier avec du vélo que j’ai remplacé par la course à pied. Je ne peux pas non plus pratiquer les autres sports de montagne que j’aime faire à cette période pour me changer du ski, mais je ne désespère pas de le faire plus tard dans l’été.

Alexis Hanquinquant : Elles ne sont pas idéales pour une préparation optimum. Heureusement, j’ai du matériel qui me permet de maintenir un bon état de forme, mais ça ne vaut pas les conditions d’entraînement normales.

Lucas Mazur : Elles font que mon rêve d’or paralympique est pour le moment reporté. C’est très dur à accepter car ce rêve se rapprochait et je me sentais prêt à le réaliser. Le confinement me permet de rester en contact avec mes proches et d’innover dans mes séances d’entraînements.

Damien Seguin : Je reste à la maison, à Auray (Morbihan). Mon équipe continue de travailler sur le bateau qui est actuellement au chantier naval de Jean Le Cam, à Port-La-Forêt (Finistère) mais à tour de rôle, il n’y a jamais plus d’une personne sur le bateau. En ce qui concerne ma préparation, elle est basée sur le respect des ordres en vigueur à savoir, le confinement. Je ne vais pas sur le chantier du bateau. Je m’organise différemment en faisant du télétravail. Je m’occupe de la gestion du chantier, du planning et je traite certains dossiers importants du Vendée Globe comme la nutrition ou les formations météo. C’est très utile et très intéressant. Les journées sont bien remplies au final. Je continue, par ailleurs, ma préparation physique avec des séances de sport à la maison, le matin et le soir. Je m’adapte à la situation et je m’occupe aussi avec ma femme de mes deux enfants et de leurs devoirs. Nous essayons d’avoir un rythme en commun. L’idée n’est pas de se dire, ce sont les vacances et chacun se lève quand il veut. Le travail avec les enfants, c’est le matin et nous faisons des activités familiales l’après-midi en mode confinement. Il faut trouver un rythme en commun pour pouvoir aussi avoir une vie personnelle au milieu de tout ça.

Question : Quelles étaient vos échéances et compétitions des prochaines semaines et mois, et que deviennent-elles ?

Jordan Broisin : La saison a été écourtée assez brutalement. Fin mars, nous devions avoir une tournée de Coupe du monde en Norvège, là où auront lieu les mondiaux l’année prochaine. Ça a été annulé, c’est dommage mais c’est pareil pour tous les athlètes du circuit. La saison prochaine, tout devrait reprendre normalement.

Alexis Hanquinquant : Je devais avoir les championnats du Monde début mai à Milan, les championnats d’Europe début août à Malmö (Suède) et les Jeux Paralympiques en août à Tokyo, sans compter des Coupes du monde. Malheureusement, pour le moment toutes ces courses sont soit reportées soit annulées. J’espère vraiment que cette saison 2020 ne soit pas « blanche ».

Lucas Mazur : Il devait y avoir trois compétitions de préparation avant les Jeux Paralympiques de Tokyo pour lesquelles j’étais déjà qualifié. Toutes ces compétitions ont été reportées ou annulées.

Damien Seguin : Normalement, nous aurions dû remettre le bateau à l’eau mi-avril puis partir mi-mai en transat en direction des Etats-Unis et faire le retour en course dès mi-juin, la New-York-Les Sables d’Olonne. La première course est annulée et pour la deuxième, nous ne savons pas trop comment elle va s’organiser mais ce qui est certain, c’est qu’elle n’aura pas lieu aux Etats-Unis et dans les conditions où elle devait se passer. C’est une course importante pour nous car elle nous permet de nous préparer au Vendée Globe et pour certains skippers de se qualifier. Nous verrons bien. Il est pour l’instant trop tôt pour dire comment tout cela se déroulera. Il y a des discussions qui sont en cours entre les skippers, les organisateurs et la Classe IMOCA mais rien n’est établi pour le moment. Aujourd’hui, nous tablons sur une remise à l’eau de mon bateau Groupe APICIL mi-mai. 

Question : Comment entrevoyez-vous la reprise de votre activité et les séquelles que cette période spéciale pourrait laisser ?

Jordan Broisin : J’espère qu’on pourra rechausser les skis en juin. On a toujours une période sans ski à cette saison, cette année elle est un peu plus longue mais je la compense assez bien par une augmentation de ma préparation physique. Je sais que certaines équipes nationales ont des trêves plus longues pour se concentrer sur le physique c’est l’occasion de tester. On fait un sport d’adaptation, ce n’est qu’une contrainte de plus et je ne pense pas que ce soit très dommageable pour nous. Pour d’autres sports les conséquences sont plus désastreuses, alors je pense bien à eux et je les soutiens en cette période difficile.

Alexis Hanquinquant : J’entrevois la reprise des entraînements « normaux » de façon très optimiste. J’aime mon sport, j’ai profité un maximum de ma famille pendant ce confinement, mais là j’ai hâte de retourner au charbon… En tout cas cette période spéciale, m’a tenu éloigné des bassins de natation pendant 8 semaines et j’espère retrouver le niveau acquis d’avant le confinement.

Lucas Mazur : J’envisage une reprise dès le 11 mai dans mon centre d’entraînement, le CREPS de Bourges. Étant donné qu’aucune compétition n’aura lieu avant octobre, cela permettra de reprendre les bases lors de mes séances d’entraînements ce qui va permettre de travailler sans pression.

Damien Seguin : La reprise de l’activité sera liée au planning de déconfinement. Il y a des conséquences sportives puisqu’il y a un bouleversement du calendrier. Aujourd’hui, nous ne savons pas quand nous pourrons aller naviguer et nous entraîner avec le bateau, ni même comment cela se passera. Est-ce que ce sera en solitaire ou en équipage ? Les deux cas sont possibles. Nous, skippers professionnels sommes solidaires des plaisanciers. Nous considérons, qu’il serait mal venu de notre part d’aller naviguer alors que, eux, ne peuvent pas sortir avant fin mai. Il y aura forcément aussi des conséquences économiques car nous sommes un sport avec des sponsors qui nous font vivre. En ce qui me concerne, la communication avec mon sponsor, Groupe APICIL, se passe très bien. Nous verrons bien comment nous aménagerons tout cela par la suite.

Propos recueillis par Laurent Lejard, mai 2020.

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