Le Président de la République, François Hollande, veut faire de la France un territoire de développement des activités et de l’industrie numérique. C’est ainsi qu’il a voulu créer une Grande Ecole du Numérique constituée de lieux de formation à statuts diversifiés : associations, centre de formations, grandes écoles, universités, etc. Au terme d’un premier appel à candidatures lancé l’automne dernier, 171 formations labellisées par un comité de sélection réunissant des personnalités d’horizons divers ont été révélées le 3 février dernier devant trois ministres : Najat Vallaud-Belkacem (Education nationale et enseignement supérieur), Myriam El Khomri (Travail, emploi et formation professionnelle) et Patrick Kanner (Jeunesse, sports et ville). Lancée sans support juridique, la Grande Ecole du Numérique sera prochainement gérée par un Groupement d’Intérêt Public en cours de constitution.

L’objectif affiché est de former 10.000 jeunes ou personnes éloignées de l’emploi aux métiers du numérique. Mais sans que les formations intègrent la connaissance des technologies d’accessibilité numérique, ne serait-ce qu’une simple information de leur existence et de leurs applications au métier auquel les stagiaires seront formés. Une lacune qui met dans l’embarras Béatrice David, de l’Agence du Numérique, qui a instruit les dossiers de demande de labellisation : « Spécifiquement ce critère-là, alors je ne saurais pas vous répondre comme ça. Pas à ma connaissance, pas dans les dossiers tels qu’ils ont été présentés, on n’avait pas l’aperçu de tous les détails. » Donc l’accessibilité numérique n’était pas un critère de labellisation ? « Pas directement dans les points spécifiques des formations, ajoute-t-elle. Ce n’est pas à ma connaissance un des critères d’évaluation des formations. Il y a des projets qui sont liés à l’accessibilité et au handicap et qui ont été remarqués, mais la question des niveaux d’accessibilité dans les technologies n’est pas à ma connaissance un point qui a été spécifiquement marqué comme un des critères. » Alors que l’un des critères requis pour labelliser des projets est qu’ils impliquent au moins 30% de femmes.

Un conseiller de la secrétaire d’Etat chargée du numérique tente bien d’atténuer une lacune, qui ressemble à un ratage, en évoquant la charte pour une meilleure prise en compte de l’accessibilité dans les formations numériques signée le 23 septembre dernier par trois secrétaires d’Etat: Ségolène Neuville, chargée des Personnes handicapées, Axelle Lemaire pour le Numérique et Thierry Mandon en charge de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Cette charte ne se superposerait donc pas au cahier des charges des formations labellisées Grande Ecole du Numérique? Un peu gêné, le conseiller précise qu’un certain nombre de formations prennent bien en compte des notions d’accessibilité des technologies du numérique. Quelques-unes, mais pas toutes. Lesquelles? La première liste des formations labellisées n’en mentionne aucune…

Pour résumer : la Grande Ecole du Numérique formera dans les prochains mois 10.000 personnes aux technologies numériques mais sans que les élèves soient informés de l’existence des besoins d’accessibilité des personnes handicapées en la matière ! Des applications mobiles, logicielles, progicielles, des sites Internet et Intranet seront conçus par des ignorants en accessibilité, puis leur réalisation sera, un jour, peut-être, adaptée aux besoins spécifiques. L’accessibilité numérique demeure une option que des écoles et établissements proposeront dans quelques formations, mais si la Grande Ecole du Numérique comporte une politique volontariste d’intégration des femmes dans un milieu essentiellement masculin, elle a perdu la grande occasion de faire enfin entrer les personnes handicapées parmi les bénéficiaires des réalisations futures. Un ratage qui n’a d’ailleurs rien d’étonnant : l’annonce des premières labellisations s’est déroulée à l’Ecole 42 (Paris 17e), un établissement atypique créé par les patrons de Free et Vente privée qui ne propose aucun module d’accessibilité numérique.

Laurent Lejard, février 2016.

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