Lancé en octobre 2005 par l’association Signes, ce festival théâtral anime tous les deux ans la vallée de la Roya, située dans les montagnes de l’arrière-pays niçois. Avec une édition 2015 qui se déroulera du 10 au 12 juillet et dont, pour la première fois, un spectacle sera joué dans le village italien d’Airole, un souhait enfin réalisé de la fondatrice du festival, Marie-Josée Chabbey. « Le festival a été créé à une période où il ne se passait rien dans la vallée de la Roya, raconte-t-elle. Il a été annuel pendant trois ans, puis est devenu biennal. Ce qui reste avant tout, c’est la convivialité. Avec une grande exigence sur la programmation des spectacles qui sont choisis par un comité de sélection réunissant des professionnels, des amateurs, des spectateurs sourds ou pas, qui doivent se prononcer unanimement. On reçoit beaucoup de captation de spectacles, environ 150 dans l’année, on en sélectionne une quarantaine, neuf ont été retenus par le comité de sélection pour l’édition 2015. Des sourds peuvent estimer que la qualité de la langue des signes dans certains spectacles est insuffisante, mais souvent les spectacles s’imposent d’emblée. »

A la différence des festivals spécifiquement dédiés à la culture sourde, Souroupa propose des oeuvres conçues bilingues ou sans parole, et ne programme pas d’adaptations bilingues de spectacles créés en langue des signes ou représentés avec un interprète. Cette volonté d’ouverture se retrouve dans le public qui, en plus, découvre une région méconnue. « Le territoire fait le charme du festival, poursuit Marie-José Chabbey. Les gens qui viennent de loin veulent tous revenir. On organise des pique-niques, des échanges dans une atmosphère conviviale. On veut garder cette qualité des relations, de l’échange, ne pas trop grossir. On est satisfait de la fréquentation, content d’avoir du public de Paris, Toulouse, Marseille, de Savoie, etc. Pour cette édition 2015, trois interprètes professionnels et des apprentis interprètes aideront bénévolement les festivaliers pour fluidifier les conversations, les échanges entre sourds ou pas, par exemple lors des visites de sites culturels ou historiques. »

Tout ce travail est réalisé avec un budget très réduit compensé par l’engagement et la générosité. « On choisit la qualité avant le coût, assure Marie-Josée Chabbey. Si on n’avait pas des moyens de bouts de chandelle, dont l’hébergement des artistes chez l’habitant, le festival n’aurait même pas été créé. On a surpris pour la qualité des spectacles, au début on nous avait donné cette étiquette de ‘festival pour handicapés’. Maintenant, on nous dit qu’on présente des spectacles de qualité. »

…Et de diversité, tel Mauvais Rêves de Bonheur, pièce chorégraphique mêlant solo de danse Hip-Hop et Langue des Signes Française conçue par la compagnie Havin’Fun. Un récit du parcours personnel du chorégraphe Julien Gros : « Je parle de solitude, d’isolement sociétal et personnel que j’ai pu ressentir et que l’on peut s’infliger pour ne pas être avec l’autre. Mais d’un autre côté, d’un besoin vital de communication et d’échange. J’ai, au hasard des chemins, été touché par une belle rencontre. Deux jeunes filles, dont les parents sont sourds, m’ont ému au plus haut point. Différents, leurs paroles vibraient sur leurs mains. Pas de superflu, juste une belle énergie, la passion d’être là, vivants. J’ai ressenti comme un lien exceptionnel dans cette famille. De là m’est venue l’envie de découvrir, d’explorer et d’utiliser la Langue des Signes Française. J’y perçois une réelle sincérité et un rapprochement avec certaines gestuelles de la danse Hip-Hop. »

C’est par Internet qu’il a connu le festival Souroupa: « Je leur avais envoyé quelques informations sur ce que je faisais et c’est ensuite eux qui m’ont recontacté pour me programmer cette année. J’ai été ravi et très enthousiaste car j’étais à ce moment-là en train d’améliorer ce solo pour y intégrer plus de LSF. Je trouve que de pouvoir avoir accès en tant qu’entendant à la culture sourde est source de richesse. Car avant ma rencontre par pur hasard avec des personnes sourdes, j’étais loin d’imaginer leur histoire et leur combat. Dans ma pièce chorégraphique, je ne revendique pas ce combat, j’exprime simplement comment cette rencontre avec des personnes fantastiques m’a fait avancer dans ma propre vie et à quel point il est important d’aller vers l’autre et de ne pas l’ignorer parce qu’il peut paraitre différent. Ce festival est en tout point en accord avec ce que je pense: nous pouvons être Sourd ou pas, et nous côtoyer sans difficulté pour avancer ensemble. »

Propos recueillis par Laurent Lejard, juin 2015.

Festival de théâtre Souroupa 2015, du 10 au 12 juillet dans les Alpes-Maritimes à Nice, Saorge, Breil-sur-Roya, et en Italie à Airole. Brève présentation en LSF sur YouTube.

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