La société Louis Vuitton ne produit pas seulement des sacs en toile monogrammée dont raffole la clientèle asiatique, elle participe également à la vie de l’art contemporain. C’est ainsi que depuis quelques années, au dernier étage de la vaste boutique des Champs-Elysées (Paris 8e), un espace d’exposition parfaitement accessible est ouvert aux artistes de notre temps. Et qu’ouvrira au public, le 27 octobre prochain, l’écrin de sa Fondation pour l’art contemporain, construit dans le bois de Boulogne à côté du Jardin d’acclimatation. Un magnifique ensemble de voiles vitrées dissimulant les bâtiments, conçu par l’architecte du musée Gugghenheim de Bilbao, l’américain Frank Gehry, qui a également construit à Paris l’American Center (1993) qui accueille depuis 2005 la Cinémathèque Française. On retrouve dans l’immeuble de la Fondation Vuitton le même fol enchevêtrement des formes, la même complexité de niveaux, la virtuosité technique, mais avec la transparence des vitres courbes, la lumière changeante et enveloppante, et des points de vue sur Paris et La Défense qui vont attirer les foules de jour comme de nuit lors des nocturnes. Mais que trouveront-elles à l’intérieur ?

Les oeuvres d’art de la collection rassemblée par le tycoon milliardaire Bernard Arnault, patron du groupe Louis Vuitton-Moët Hennessy (LVMH), celles de la Fondation Louis Vuitton, et des créations réalisées pour le nouveau musée: 7.000 m² d’espaces ouverts au public, de vastes salles d’expositions adaptées à la création contemporaine, un auditorium modulable, l’ensemble totalement accessible aux visiteurs quel que soit leur handicap, avec une accessibilité culturelle annoncée dès l’ouverture: une première française.

L’accueil des visiteurs handicapés s’annonce en effet de haute qualité alors que l’établissement a décidé d’appliquer la gratuité sur présentation de la carte d’invalidité (accompagnateur inclus) ce qui règle d’ailleurs la question de l’inaccessibilité du distributeur automatique de billets d’entrée… « C’est une idée du luxe », commente finement Christian Reyne, directeur délégué de la Fondation. Une démarche inclusive poussée jusque dans ses moindres détails grâce à l’assistance à maitrise d’ouvrage confiée à l’architecte spécialisée Nadia Sahmi.

Elle a su expliquer pourquoi il fallait augmenter le nombre initial d’ascenseurs, prévoir du stationnement réservé (alors que la création d’un parking est impossible du fait du classement du bois de Boulogne en zone verte), doubler le système d’alarme sonore de flashs stroboscopiques, y compris dans les espaces extérieurs, pour que les personnes sourdes les détectent, installer des plans esthétiques en relief-braille et noir utilisables par tous les publics sans discriminer les visiteurs déficients visuels…

L’ensemble est une réussite incontestable, avec des circulations fluides bien que les bâtiments soient complexes, avec de nombreux niveaux : on se laisse aller à passer de salles en terrasses, quittant des oeuvres pour apprécier un panorama, puis revenir dans cet écrin artistique.

Dans toutes les salles, des médiateurs seront à la disposition du public pour dialoguer sur les oeuvres présentées, dont le sens est loin d’être évident comme il est souvent de règle dans la création contemporaine… Ils ont tous été formés à l’accessibilité et à l’accueil des publics handicapés. Les visiteurs sourds pourront compter sur trois personnels pratiquant un niveau correct en Langue des Signes Française, dont deux pourront accompagner leur visite, en individuel comme en groupe (il est néanmoins préférable de prendre rendez-vous). La future application téléchargeable pour Iphone et Android contiendra un parcours de visite contée en LSF. Non encore disponibles, les contenus audios doivent être compatibles avec l’application Voice Over, la synthèse vocale qui rend l’Iphone accessible aux usagers aveugles. « On fait s’exprimer l’artiste sur son oeuvre, explique Joachim Monegier, en charge de la médiation culturelle. Les interviews sont sous-titrées et accompagnées de textes. » Enfin, les visiteurs handicapés mentaux pourront compter sur les médiateurs de salles et un plan dépliant simplifié également conçu pour les visiteurs malvoyants.

Les matériels d’accessibilité sont multiples: bandes de guidage podotactiles à l’extérieur, et de vigilance à l’intérieur, rambarde à appui ischiatique (asssis-debout) longeant la file d’attente, bornes sonores activées par la télécommande feux tricolores, prêt de fauteuil roulant, de sièges pliants et de loupes, boucles magnétiques à l’accueil, la librairie et le restaurant, casques amplificateurs pour l’auditorium qui ne peut être doté d’un matériel fixe du fait de sa modularité. En effet, ses gradins sont rétractables: les personnes en fauteuil roulant disposent de places au niveau haut, intermédiaire et bas en configuration tous gradins, les personnes obèses de huit sièges grande largeur… et les loges sont desservies par un ascenseur: les artistes handicapés sont les bienvenus! Autre équipement d’exception: un vaste ascenseur en libre-service peut transporter jusqu’à dix personnes en fauteuil roulant, les visiteurs handicapés en groupes n’auront plus à subir de longues attentes. Trois maquettes tactiles avec relief, braille et texte en noir détaillent les lieux: à l’extérieur pour l’aspect général du bâtiment, à l’intérieur le bâtiment sans ses voiles, la dernière pour les circulations publiques, l’ensemble avec borne audio télécommandée.

Avec une accessibilité intelligemment conçue et un véritable projet de médiation culturelle, la Fondation Louis Vuitton pour l’art contemporain s’annonce comme un must qu’il est dommage qu’elle ne fasse pas mieux connaitre à ses futurs visiteurs handicapés : l’information sur cette accessibilité culturelle ne figure pas encore sur son site web, probablement la seule grosse lacune à corriger rapidement. « L’idée, expliquait pourtant Joachim Monegier, c’est de préparer sa visite en amont, se renseigner sur Internet à la page ‘infos pratiques handicap’ accessible dès la page d’accueil ». Il ne reste plus à « Monsieur Vuitton » qu’à réaliser cette page, et aux visiteurs handicapés à aller découvrir, avec le grand public, cet écrin futuriste.

Laurent Lejard, octobre 2014.


Fondation Louis Vuitton, 8 avenue du Mahatma Gandhi, Bois de Boulogne (à côté du Jardin d’acclimatation) Paris 16e. Tél. : 01 40 69 96 00. Entrée gratuite pour les titulaires de carte d’invalidité et un accompagnateur, ainsi que pour les étrangers dont le handicap est « significatif ». Accès : deux places de stationnement réservé aux véhicules transportant des titulaires de la carte européenne de stationnement, navette toutes les 15mn par Microbus accessible depuis la place Charles de Gaulle (angle avenue de Friedland à proximité de la sortie de métro): 1€.

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