Le Syndicat National de l’Édition (S.N.E) regroupe les principaux éditeurs français. Sa déléguée générale, Christine de Mazières, répond à l’occasion du Salon du livre de Paris à trois questions sur l’instauration d’une exception droit d’auteur (Loi DADVSI) en faveur des lecteurs handicapés.

Question : Pourquoi le S.N.E est-il opposé à la mise en oeuvre de l’exception handicap sur les droits d’auteur ?

Christine de Mazières : Votre question est un peu lapidaire. Il faut rappeler que la loi relative aux Droit d’Auteur et aux Droits Voisins dans la Société de l’Information définit trois exceptions : pédagogique dans le cadre scolaire, en faveur des bibliothèques et des personnes handicapées. Ces exceptions ne doivent pas mettre en péril l’équilibre économique du secteur de l’édition, et le S.N.E veille à ce que ce présupposé soit respecté. Nous devons nous assurer de la non dissémination des fichiers numériques source des livres édités. Faut-il rappeler que 96 % des fichiers musicaux diffusés sur Internet sont piratés ? Les professionnels du livre ne veulent pas vivre cette situation, et nous sommes vigilants.

Question : Où en est l’élaboration des deux décrets d’application prévus ?

Christine de Mazières :
 Nous discutons avec le Comité National pour la Promotion Sociale des Aveugles et des Amblyopes, le Délégué Interministériel aux Personnes Handicapées (D.I.P.H) , des associations de personnes handicapées motrices. C’est le ministère de la culture qui est le pilote de la négociation, ainsi que le D.I.P.H. Nous sommes persuadés que le numérique est une grande chance pour les personnes handicapées, mais il faut protéger les droits d’auteur dont je rappelle qu’ils ont été inventés par Beaumarchais ! Nous avons la volonté de trouver un compromis, sans oublier que l’élaboration de la loi DADVSI au Parlement a fait l’objet de débats houleux. Nous n’avons pas connaissance du projet de décret qui semble circuler dans les associations. En janvier dernier, nous avons participé à une réunion sur les hypothèses de mise en oeuvre, puis il y a quelques semaines à une réunion technique. Il est acté depuis décembre 2007 que la Bibliothèque Nationale de France (B.N.F) recevra et conservera les fichiers numériques source remis par les éditeurs dans un format ouvert. La B.N.F les fournira ensuite aux associations agréées, elle sera garante de la diffusion des fichiers. Mais la définition du handicap retenue par la loi est très large. Pour bénéficier d’une exception, nous plaidons que les bénéficiaires soient les personnes empêchées de lire, pas les autres : les personnes handicapées motrices en incapacité de manipuler un livre peuvent trouver des solutions techniques. La loi DADVSI est basée sur la notion d’adaptation, on parle ici de contenus culturels, pas de problèmes matériels.

Question : Les difficultés résident-elles dans le fait que l’exception handicap soit inscrite dans un cadre non-marchand, les auteurs n’étant pas rémunérés pour l’édition adaptée alors qu’ils le sont pour l’édition numérique ou sonore ?

Christine de Mazières :
 C’est la loi qui l’a voulu. Pour nous, l’enjeu est de permettre le développement d’un marché du livre numérique sans créer des brèches énormes qui empêchent son développement. Le livre numérique est répandu dans les pays d’Europe du nord; en France il faut le développer. Nos interlocuteurs des associations de déficients visuels nous affirment qu’un livre au format Daisy lu par une synthèse vocale ou en braille n’est pas le même produit qu’un livre sonore lu et interprété par un comédien, ils affirment que ça ne concurrence pas l’édition. Dont acte. Mais il faut laisser vivre ce livre audio qui coûte plus cher à produire. Le S.N.E ne bloque pas la discussion mais il veille au respect de la propriété intellectuelle des oeuvres et à la rémunération de leurs auteurs. Et il déplore également que l’échéance de la mise en oeuvre de l’exception handicap soit repoussée régulièrement.

Propos recueillis par Laurent Lejard, mars 2008.

Partagez !