Des chaussettes partout sur la scène, un homme seul au milieu, c’est Monsieur Butterfly version Patrick Massiah, pièce créée le 30 mai 2001 après une première lecture lors du festival Off d’Avignon en juillet 2000. « Le texte a été pour moi un coup de foudre littéraire, c’est une démarche d’acteur, impulsive ». Patrick Massiah avoue ne pouvoir bien jouer que des personnages qui lui plaisent et Howard Sears est de ceux- là : un clown désabusé accueille quatre enfants lourdement handicapés, d’abord pour l’argent, puis gagné par l’amour qu’il leur donne et qu’il reçoit en retour. « Je ne sais pas dire comment et pourquoi je me suis intéressé à ces enfants » explique Patrick Massiah. Sa sensibilité au handicap résulte probablement d’une douloureuse expérience personnelle, consécutive à un accident qui l’a fait résider quelques mois en centre de rééducation pour réparer « une jambe massacrée ». A force d’opérations et de volonté, il a récupéré l’usage de cette jambe qui se parfois rappelle à lui par quelques douleurs…

Monsieur Butterfly a été écrit par le psychiatre Howard Buten, connu entre autres pour son livre « Quand j’avais cinq ans je m’ai tué » et le personnage du clown Buffo qu’il joue sur scène avec la troupe des Turbulents. Patrick Massiah a respecté le texte de Buten, sans rien changer à l’histoire, un texte qu’il juge simple mais dense. « Le sujet est grave, il est en prise avec l’actualité ».

Ce spectacle a eu trois vies pour l’instant : les représentations dans des théâtres, devant des jeunes collégiens ou lycéens avec une préparation pédagogique, dans établissements accueillant des personnes handicapées. « Là, je passe la journée avec les pensionnaires et je joue la pièce le soir. Par exemple, j’ai joué pour Ad’Apro qui forme des jeunes durant cinq ans. Quelques-uns sont montés sur scène, ils ont joué à mes côtés. Une vraie tendresse émane d’eux, une facilité à dire bonjour. Je cherche maintenant à jouer dans ces centres. Comme à l’hôpital d’Alise Sainte-Reine où le spectacle a été filmé en vidéo pour être diffusé en direct dans les chambres. Il y avait 300 personne dans la salle, avec des pappys qui commentaient l’action, on se serait cru dans un film! Les enfants, même si on les aime, on voit qu’ils sont handicapés. Je veux dédramatiser face au handicap et aux difficultés »…

« Je n’ai pas cherché à contacter les associations nationales. Récemment, j’avais proposé une représentation à l’Unafam (Union nationale des amis et familles de malades mentaux) à l’occasion de son congrès annuel mais les dirigeants ont refusé, estimant qu’il y avait trop de ‘quéquettes’ dans le texte ! « . En effet, les enfants accueillis par Howard Sears expriment leurs désirs et leurs frustrations d’une manière très réaliste. En revanche, les associations locales sont très réceptives, grâce au contact direct avec les parents, « les gens ». Le spectacle marche fort en tournées, les salles sont souvent pleines, les représentations suivies de discussions avec le public. « Qui est l’autiste, s’interroge Patrick Massiah, le malade mental ou l’amateur de musique techno un baladeur sur les oreilles ? J’ai essayé de m’éloigner du discours antipsychiatrique d’Howard Buten. Aucun professionnel se s’est senti attaqué. Je reste à ma place d’acteur, je ne suis ni soignant ni éducateur. Et en tant qu’acteur, le rôle d’Howard Sears m’apporte une sûreté supplémentaire ».

Laurent Lejard, novembre 2003.

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