Eh bien ce lieu existe à Bruxelles (Belgique) puisqu’il s’agit de l’École de Cirque. Depuis 10 ans, un projet étonnant s’y développe sous la forme d’une association entre l’apprentissage des techniques de cirque et l’intégration de la personne handicapée. Né de l’envie de revaloriser et redynamiser un groupe d’adolescents sourds- muets sans cesse confrontés à des situations d’échec, le projet surnommé « handicirque » a depuis lors fait un bout de piste. Chaque semaine, une centaine d’enfants, de 7 à presque 77 ans, se dirigent dans une gaieté communicative vers les locaux de l’école. Handicap International est devenu partenaire de l’opération, depuis 1998, par souci d’ancrer ses activités en Belgique.

Fraîchement débarqués de la chaussée de Boondael à Ixelles, puis de la chaussée de Wavre à Auderghem, l’école attend impatiemment de pouvoir bénéficier du chapiteau qui lui a été promis. En attendant, les gens du cirque ont déposé leurs roulottes sur le site de Turn En Taxis. L’objectif est de permettre l’intégration de toute personne souffrant d’une déficience physique ou mentale en contribuant à son mieux être. Ils sont sourds, malvoyants ou déficients intellectuels et viennent de centres de jours par groupes de 4 à 12, encadrés par leurs éducateurs, s’essayer au trapèze, à la jonglerie ou au rola- bola. Le cirque leur apprend à gérer leurs émotions en affrontant la peur. Passage indispensable pour une bonne intégration dans notre société. Ils progressent à leur niveau. La confiance vient avec le temps. Pour certains, monter sur un banc à 20 cm du sol est déjà un miracle, un pas à franchir, une peur à surmonter pour voir le monde autrement. Souvent, ils parviennent à dépasser leurs propres limites et prennent goût à l’effort, encouragés par Pascale, la formatrice que l’école met à leur disposition.

Handicirque, comme outil d’intégration pour les participants, est une priorité : c’est pourquoi des jeux d’acteurs permettent à chacun d’exprimer au vu des autres une face méconnue de sa personnalité. Ainsi, les muscles se décrispent, le regard change et l’envie de créer (re)naît. Le contact entre la personne handicapée et les gens dits normaux se modifie lui aussi. C’est dans ce but que sont organisés des stages de vacances pour permettre à un enfant handicapé de côtoyer d’autres enfants. Les réactions des uns sont parfois maladroites, empreintes de préjugés, mais finissent toujours par ouvrir les portes de la tolérance et de l’amitié.

Dans cet endroit magique que constitue l’École de Cirque de Bruxelles, chaque rencontre est un échange, une sorte de petit miracle d’expression spontanée. Coordinatrice du projet, Delphine Tollet n’est pas étrangère à l’atmosphère qui règne au sein de l’école. Ancienne infirmière au service de Médecins sans Frontières pendant 10 ans, elle se décide à élargir ses compétences et à se préoccuper du bien être corporel de la personne dans son intégrité. S’ensuit une spécialisation en techniques de cirque et son engagement à l’école. Son rêve est de voir s’ouvrir plus de lieux adaptés à la personne handicapée et d’employer les techniques du cirque dans le cadre de la réadaptation d’enfants victimes de la guerre ou de la violence. Deux nouvelles sections d’handicirque ont ouvert leurs portes depuis quelques temps à Namur et Tihange. Un bon début…

Par ce projet (suivi une année scolaire durant), j’ai découvert le monde de la personne handicapée. Un monde sensible et tendre, toujours prêt à échanger des émotions. Ce milieu, je pourrai le qualifier de charmant, attachant et emballant, mais aucun mot ne pourra décrire l’humanité qui se dégage de ces personnages un peu différents et tellement sincères. Si l’atmosphère créatrice qui existe à l’École de Cirque est évidemment propice à l’épanouissement de la personne en général et à l’apprentissage, il est certain que la démarche entreprise par un projet tel que Handicirque nous fait prendre conscience de l’importance et de la difficulté qui résident dans l’intégration de la personne handicapée. Il s’agit d’un défi merveilleux auquel nous devons tous participer en apprenant à accepter la différence.

Christophe Smets, mars 2002.


École de Cirque de Bruxelles : 11 rue Picard 1000 Bruxelles Tél. (32) 2 640 15 71. Christophe Smets raconte Handicirque en photographies dans un livre qui vient de paraître aux Éditions Luc Pire / La Boîte à Images, 32 rue Toussaint Beaujean, 4000 Liège (Belgique), Tél / Fax (32) 4 226 17 35. Ce livre de 64 pages comporte 41 photos noir et blanc, et peut être commandé en ligne sur le site de La Boite à images au prix de 14 euros (+ frais d’envois).

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