Près de Toulon, les aires de repos de la nationale 7 ne sont pas uniquement utilisées par les vacanciers qui vont voir la mer. Certaines servent aussi à abriter les caravanes de travailleuses accoutumées à soulager les désirs inassouvis des voyageurs solitaires. Ces dames voient passer toutes sortes de clients, mais l’une d’elles est vraiment très étonnée quand une jeune femme vient mesurer la largeur de la porte de sa roulotte pour savoir si elle est assez large pour permettre le passage d’un fauteuil roulant… La jeune femme, c’est Julie. Éducatrice fraîchement diplômée, elle travaille dans un foyer qui héberge de jeunes adultes handicapés moteurs près de la nationale 7.

Aussitôt arrivée, on lui a confié la charge de René. C’est un très vilain petit canard. Méchant, odieux, irascible, il a l’insulte prompte et le fauteuil roulant agressif. Il fatigue tout le monde, personnel et pensionnaires confondus. Et il a une obsession, le sexe. Mais las des affiches et des cassettes pornographiques qui remplissent sa chambre, il veut passer à la pratique, il veut « aller aux putes » avant de mourir ! Julie n’écoutant que son devoir professionnel entend cette singulière revendication et va s’efforcer d’y répondre.

Jean-Pierre Sinapi s’est inspiré d’une histoire réelle pour écrire et réaliser son film. Mais il a voulu aborder ce sujet inhabituel – les personnes handicapées ont une sexualité comme les autres – par le biais de la comédie. Il a réussi à éviter le sordide, le voyeurisme et le larmoyant. Et si les bons sentiments sont parfois un peu lourds, le spectateur se sent solidaire de cette manifestation d’une communauté où un jour toutes les revendications se valent, et il rit de bon cœur en assistant au pique- nique sous les arbres avec les généreuses prostituées accueillant leurs voisins un peu différents.

Servi par de remarquables comédiens (Olivier Gourmet – René – s’est entraîné avec un « coach » myopathe pour entrer dans la peau de son personnage) le film a été tourné avec une caméra vidéo numérique pour la chaîne de télévision Arte qui l’a diffusé en avril 2000. Sorti dans les salles le 6 décembre, Nationale 7 a été apprécié par la critique.

On ne peut qu’être favorable à une initiative qui présente les personnes handicapées sous un jour inattendu par trop de gens. Cependant, si les personnages sont authentiques, on a davantage ici affaire à une fable qu’à une peinture sociale. Les scénaristes, les réalisateurs et les producteurs devront faire d’autres efforts pour présenter aux yeux de tous une réalité encore trop souvent masquée.




Pierre Brunelles, décembre 2000.

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