Bus France Services, telle est la dernière action de l’État pour pallier la désertification des services administratifs dans les territoires ruraux et les quartiers des grandes villes. Ces Bus visent à compenser l’éloignement ou la fermeture des bureaux des services publics dans les zones rurales et les banlieues, pour que les habitants disposent d’un point unique d’information sur leurs droits fiscaux, administratifs ou sociaux, effectuent des formalités en étant conseillés, etc. Ils viennent compléter les bureaux fixes France Services déjà créés. Les trente premières organisations territoriales lauréates d’une dotation financière de 90.000€ destinée à couvrir l’achat et l’aménagement de bureaux administratifs mobiles ont été annoncées le 31 juillet dernier par le ministère de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, et chargée de la Ville. Depuis, ces ministères n’ont pas été en mesure de répondre à cette question : quelles sont les dispositions du cahier des charges concernant l’accessibilité aux personnes à mobilité réduite de ces bus France Services et celles qui concernent l’accueil des publics déficients visuels, auditifs, mentaux ou psychiques ? Silence logique, il n’y en a pas, on trouve seulement cette mention dans la charte d’engagement France Services : « Les structures France Services sont accessibles à tous les publics, sans distinction. Est considérée comme accessible une structure France Services qui […] dispose de modalités d’accès adaptées aux personnes en situation de handicap, et cela quel qu’il soit ». A charge pour les collectivités locales et associations de le traduire en actes.

Le Nord, département pionnier.

Le Conseil Départemental du Nord est déjà engagé avec un bureau mobile opérationnel depuis le début de l’année, la « Maison bleue » composée d’un semi-remorque aux parois extensibles. Il dessert une partie du département, l’Avesnois, et les autorités en projettent un second pour le Cambresis. A l’arrière du camion, un élévateur fauteuil roulant assure l’accès aux personnes handicapées motrices. Les usagers déficients auditifs vont prochainement bénéficier d’un système d’interprétation en Langue des Signes Française (LSF) par visioconférence Acceo, service déjà disponible dans les deux Maisons France Services de Hondschoote et du Cateau, et bientôt dans celle de Bruay-sur-Escaut.

Camion la Maison bleue accès PMR ©P. Houzé - Département du Nord

Autre approche à Vierzon (Cher), qui est chargée par la communauté de communes d’organiser son Bus France Services. « Pour les personnes déficientes visuelles, on a prévu un grand écran pour mieux voir les démarches en ligne, explique Christine Poullin, Directrice générale des services (DGS). Un camping car standard sera équipé de tablettes informatiques wi-fi. Il ne sera pas adapté avec une rampe ou un élévateur fauteuil. On le stationnera à proximité des mairies, on y recevra ces personnes à l’intérieur. » Une inaccessibilité que la DGS justifie ainsi : « Il n’y a pas d’obligation particulière dans le cahier des charges, rédigé par rapport à l’accueil des publics mais sans spécificités liées aux handicaps. L’objectif est d’accompagner la personne qui reste maitre de ce qu’elle fait, elle remplit sa demande en ligne sur place, avec une imprimante à disposition. Pour les sourds, on a du personnel formé à la LSF qui peut être affecté en fonction des besoins. On attend l’agrément, c’est tout un processus en cours. » La communauté de communes Vierzon Sologne Berry et Villages de la Forêt pourrait lancer son camping-car administratif à la fin de l’année.

A Rennes (Ille-et-Vilaine), c’est le Point d’Information Médiation Multiservices (PIMMS) qui est lauréat. « Depuis début juin 2020, nous avons un PIMMS Mobile qui sillonne les communes de l’établissement public de coopération intercommunale de La Roche Aux Fées, précise Stephen Tabouet, responsable médiation. Le nouveau véhicule que nous recevrons prochainement est équipé d’une rampe d’accès PMR et nos médiateurs sont formés à accompagner des personnes souffrant d’handicap invisibles, visuels, auditifs. » Le Centre socioculturel Lavoisier-Brustlein de Mulhouse (Haut-Rhin) va également s’équiper d’un véhicule accessible : « On nous demande de faire le nécessaire pour qu’il y ait un accès aux personnes handicapées, explique son directeur, Alexandre Philippe. On a candidaté pour le projet en dur, une Maison France Services avec des dispositions pour les personnes handicapées physiques, et en mobile avec un camping car pour lequel on va élaborer des aménagements : agrandissement de la porte, deux rails d’accès pour entrer avec l’aide de l’agent d’accueil. Le campicariste a l’habitude d’en vendre et a fait un devis pour les adaptations. » Les autres handicaps seront également traités : « On a formé une dizaine de personnels au contact d’enfants sourds et handicapés intellectuels, ou autistes, on organise des formations depuis 3 ans. Pour les usagers aveugles, ce n’est pas encore étudié, un cabinet va venir nous conseiller, on a jusqu’à fin 2020 pour élaborer les aménagements utiles. On se doit d’accueillir tous types de public sans discrimination. » Mais sans que l’Agence Nationale de la Cohésion des Territoires, un « machin » de l’État trop occupé pour répondre aux questions sur ce sujet, apporte le moindre conseil et mutualise les ressources utiles. Chaque organisme doit donc se débrouiller.

Combler la fracture numérique.

Comme à Marseille, où un Bus France Services desservira des quartiers bardés d’HLM (Le Clos, Val-Plan, la Bégude, la Marie, Frais-Vallon, etc.) du 13e arrondissement. « Le quartier de La Rose est relativement calme depuis deux ans, au terme de beaucoup d’efforts des associations, justifie Joël Desroches, directeur d’Ensemble Pour l’Innovation Sociale Éducative et Citoyenne (EPISEC). Fermer des services publics dans ces territoires crée des formes de violence, de l’incivisme. On veut réintroduire des services publics du quotidien dans ces quartiers, en aidant des gens qui ne comprennent pas des formulaires. Quand on aide administrativement ces publics, on renforce la cohésion sociale. » Il déplore que le développement rapide de l’administration numérique laisse de côté de nombreux usagers, en leur demandant de remplir des dossiers dont la compréhension dépasse parfois les personnels qui les gèrent : « Beaucoup de gens n’ont pas de culture numérique, ni la compétence pour en employer les outils. Nous, on a l’habitude dans le social de faire de la broderie alors que l’administration fait de la masse. Prendre un rendez-vous, obtenir un interlocuteur devient impossible. Ce bureau mobile va nous permettre d’avoir de la mobilité et d’intervenir partout, avec un outil d’égalité des chances. On a imaginé un véhicule avec une rampe et un accès PMR, une formation spécifique de l’ensemble des personnels pour accueillir les personnes malvoyantes ou malentendantes, avec le renfort de personnels spécialisés au besoin. On est dans une démarche d’accompagnement pour faire gagner du temps. » Là, c’est un constructeur de food-truck qui va concevoir une carrosserie sur la base d’un utilitaire Iveco, comportant deux bureaux et une rampe d’accès. « C’est en marchant qu’on va améliorer cette prise en charge, conclut Joël Desroches. L’État définit un cahier des charges dans lequel on doit avoir une pluridisciplinarité dans les services et institutions, il nous demande de former nos agents qui vont eux-mêmes dans des services administratifs, à la source, pour connaître les formulaires, les parcours des formalités. Notre rôle est de disposer d’interlocuteurs pour dépatouiller des situations complexes. » Les usagers le vivront l’an prochain…

Laurent Lejard, septembre 2020.

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