Au sein de l’Administration, quelques petits malins qui ont dû bien s’amuser du (sale) coup qu’ils viennent de réussir : ils ont glissé dans un arrêté d’application de la réforme de l’accessibilité une disposition rétroactive passée inaperçue. Résultat, les occupants doivent vivre dans ce qu’ils ont, et les éventuelles poursuites qu’ils auraient engagées pour carence d’accessibilité d’un balcon, d’une loggia ou d’une terrasse sont devenues caduques ! Pour comprendre, il faut attentivement lire l’arrêté du 24 décembre 2015 appliquant aux immeubles d’habitation la réforme de l’accessibilité instituée par l’ordonnance du 26 septembre 2014. Son article 14 autorise en effet que l’accès aux balcons, loggias ou terrasses des logements neufs puisse présenter un seuil intérieur d’accès allant de 15 à 25 cm, contre un ressaut de 2 cm dans la réglementation précédente.

Des balcons inaccessibles : c’est la situation qu’avait constatée au printemps 2013 l’activiste toulousaine Odile Maurin, dès la livraison d’un ensemble de logements sociaux réalisé pour le bailleur social Habitat Toulouse, la résidence Tucaut dont le permis de construire était postérieur de 22 mois à l’obligation d’accessibilité applicable à compter du 1er janvier 2008. Le seuil desservant les balcons des appartements de rez-de-chaussée (les seuls accessibles dans cet immeuble de deux étages) est supérieur à 27 cm, ce qui empêchait une occupante d’accéder à celui de son appartement, sauf à installer dans le séjour plus de six mètres de rampe d’accès coudée, ce que le bailleur proposait d’ailleurs de faire ! Représentante départementale de l’Association des Paralysés de France à l’époque, Odile Maurin était intervenue auprès du bailleur sans obtenir de réponse techniquement et juridiquement fondée, et avait demandé à son organisation d’engager des poursuites judiciaires, sans davantage de succès. Odile Maurin a finalement été exclue de l’APF en décembre 2015 : cherchez l’erreur…

Bilan des courses : que ce soit à Toulouse ou partout ailleurs en France, une cohorte d’architectes incompétents, de promoteurs et propriétaires je-m’en-foutistes peuvent dormir tranquilles. Ils n’ont pas voulu construire de balcons, loggias ou terrasses accessibles, non parce que ça coûte plus cher ou que c’est compliqué, mais simplement pour ne pas changer leurs pratiques, leur routine… L’Administration française leur a rendu le grand service d’éponger tous leurs errements et contentieux. Quant aux locataires handicapés moteurs, ils n’ont plus comme seul droit que de payer un loyer qui inclut une superficie dont ils ne pourront jamais profiter.

Laurent Lejard, avril 2016.

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