Il y avait foule à Paris, au Centre Pompidou ce 5 avril 2008, pour assister au lancement d’un livre D.V.D événement présentant « l’aventure » d’un groupe de Marseillais sourds qui ont fait oeuvre de citoyenneté en adaptant en langue des signes française l’hymne national, La Marseillaise. Un travail passionné qui a duré trois ans, associant des jeunes sourds élèves d’établissements spécialisés. Un travail qui les a conduit à faire l’événement lors de l’inauguration de la Bibliothèque de l’Alcazar, à Marseille, le 12 juin 2004. Et qui a été repris par d’autres interprètes lors du match d’ouverture de la Coupe du Monde de rugby 2007, devant des dizaines milliers de spectateurs et des millions de téléspectateurs.

Présentée sous la forme d’un film documentaire, cette réalisation montre le parcours initiatique et l’appropriation de la notion de citoyenneté qu’ont réalisé les acteurs de cette adaptation. « La Marseillaise est le chant de tout un peuple, rappelle Serge Hureau, directeur du Hall de la chanson. Il y a aujourd’hui plusieurs Marseillaise que des sourds ont exploré ensemble ». La linguiste Marie-Thérèse L’Huillier rappelle d’ailleurs que la première adaptation de l’hymne national français a été réalisée… aux U.S.A, en langue des signes américaine ! Elle avait ensuite été traduite en français signé par des entendants : « On a vu la différence importante qui existait entre l’A.S.L et le français signé, avec des correspondances complexes au français, qui ne donnait pas satisfaction ».

Il a fallu du temps aux sourds pour s’affranchir du français pour interpréter un hymne, et les Marseillais ont employé une langue iconique, basée sur la représentation visuelle, pour restituer texte, rythme et musicalité. « La première fois qu’on a lu le texte, explique l’enseignante marseillaise Zohra Abdelgheffar, on ne comprenait rien à ce qui nous apparaissait comme du français ancien. Je me disais que ça n’allait pas être possible, mais je voulais le faire. Avec deux amis, on s’est mis au travail. On l’a montré aux jeunes de l’Institut La Rémusade : au début ils ne voulaient pas se montrer en public; on a discuté avec eux, les parents avaient un regard négatif sur leurs enfants. Progressivement, ils ont pris confiance et sont devenus fiers de ce qu’ils ont accompli sur scène. Maintenant, ils se sentent capable de faire des choses par eux-mêmes ». Zohra Abdelgheffar estime néanmoins que si cette Marseillaise en L.S.F ne suffit à acquérir une pleine citoyenneté, parce que l’accès à l’information n’est pas assuré aux sourds signants, que la langue des signes est quasiment absente des médias, la démarche qu’elle et ses camarades ont suivie montre le chemin…

Laurent Lejard, avril 2008.


Signer la Marseillaise, documentaire de 30mn réalisé par Bertrand Brahic, interprétation L.S.F et sous-titrage, inclus dans un livre D.V.D illustré par Domas qui reproduit en signes le 1ercouplet et le refrain, Editions Images en Manoeuvre, 18€, en librairies.

Partagez !