Depuis 13 ans que je travaille sur le sujet de l’inclusion scolaire, je reste stupéfait par certains témoignages qui me sont remontés. Récemment, on m’a relaté le cas d’un lycéen dyspraxique qui, pleurant de douleur à cause de tensions musculaires dans le bras après avoir planché quatre heures, s’est fait houspiller par l’enseignant de surveillance arguant un signe de faiblesse de sa part. Et ne parlons pas des orientations scolaires approximatives alors que certains élèves ont des capacités exceptionnelles mais que leur handicap empêche de révéler. L’école inclusive n’intègre pas encore suffisamment les handicaps dits « invisibles », comme le sont les troubles dys.

Comprendre la singularité de chaque élève

En France, les syndromes dys tels que la dyslexie (trouble du langage écrit), la dyspraxie (perturbation de la capacité à effectuer certains gestes), et la dysorthographie (trouble de l’orthographe), touchent entre 6 et 8% de la population française, soit 2 à 3 élèves par classe. Ces troubles sont plus courants qu’il n’y paraît, mais s’agissant d’un handicap invisible, ils restent largement méconnus et sources d’incompréhension dans les classes. Or, les méthodes pédagogiques standard ne prennent pas en compte les besoins particuliers de ces élèves, les laissant en difficulté pour suivre le rythme et acquérir des compétences clés. L’inclusion de ces jeunes ne doit pas être reléguée au second plan, car ce sont des troubles qu’ils subiront toute leur vie, mais qu’il est possible d’atténuer grâce à une prise en charge et des outils de compensation.

Le ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal, a déclaré le 29 août que « c’est à [l’école] de s’adapter à chaque élève, et non l’inverse. » Il ne faut pas pour autant faire porter sur les professeurs l’entièreté de cette charge en leur demandant, en une heure de cours, d’adapter leur enseignement à chacun de leurs 25, 30, 40 élèves. Nous croyons en une troisième voie : laissons chaque individu être qui il est, pour déployer des technologies et des méthodologies qui favorisent une meilleure compréhension, un meilleur échange et un apprentissage optimisé, en valorisant les singularités. Il n’est pas possible de mettre un Accompagnant des Élèves en Situation de Handicap (AESH) derrière chaque enfant, mais cela ne doit pas signifier pour autant l’inaction. Surtout qu’aujourd’hui, nous avons largement les connaissances nécessaires pour compenser efficacement de nombreux troubles et handicaps.

Dans cette optique, réinventer l’école ne signifie pas uniquement « réparer » l’existant, mais concevoir un environnement éducatif qui embrasse la diversité des besoins et des talents, en utilisant les connaissances et technologies modernes comme levier pour bâtir une éducation véritablement inclusive et adaptative.

Les outils numériques de compensation peuvent se révéler être un allié précieux pour faciliter l’apprentissage

En améliorant les conditions des élèves au sein de la société, et en offrant des outils adaptatifs et personnalisables, comme par exemple l’aide à la lecture et à l’écriture, la conversion de l’écrit à l’oral, les outils digitaux ont la capacité d’accompagner le travail des enseignants, et aussi de favoriser l’autonomie des élèves en automatisant certaines tâches. C’est, par ailleurs, un soutien qui peut être apporté aux AESH qui, faute de moyens, peinent à exercer l’entièreté de leurs missions. Et quand il n’y a pas d’AESH, le numérique peut apporter une présence sur le long terme pour les élèves en difficulté.

Le sujet du harcèlement scolaire pris à bras le corps par le Gouvernement nous a appris l’importance d’enseigner la compassion à l’école. Oeuvrer pour une école plus à l’écoute des élèves à besoins éducatifs particuliers en devrait être la première leçon.

François Billioud, co-fondateur de l’entreprise sociale et solidaire Cantoo, octobre 2023

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