Emmanuel Macron avait donné le ton le 3 octobre 2019 lors d’une réunion publique à Rodez (Aveyron) : « Moi j’adore pas le mot de pénibilité parce que ça donne le sentiment que le travail serait pénible. » Il était venu, devant un parterre choisi, présenter sa première réforme des régimes de retraite visant à imposer un système par points particulièrement défavorable à la plupart des salariés. La crise sanitaire du Covid l’a contraint à annuler ce projet destructeur qu’il veut à présent remplacer par un autre : reculer de deux années (soit 64 ans) assorties d’un allongement à 43 ans de cotisation, le départ en retraite avec une pension complète. Les effets financiers seront immédiats : davantage de cotisations versées et moins de pensions à octroyer, les caisses de retraite deviendront excédentaires. La santé des travailleurs concernés sera, elle, sacrifiée. On sait que l’allongement des années de labeur fera baisser l’espérance de vie et entraînera davantage de dégradation physique et mentale.

Fort logiquement, cette sixième réforme des retraites en 30 ans heurte la plupart des travailleurs. La protestation syndicale s’organise (déjà deux journées de grèves et de manifestations massives) mais le Gouvernement reste droit dans ses bottes, même sans majorité pour faire voter son texte de loi par l’Assemblée Nationale. Il passera outre, en engageant par exemple sa responsabilité au titre du célèbre article 49-3 de la Constitution, et s’assiéra sur la contestation sociale comme le gouvernement dirigé par Edouard Philippe l’a fait à l’encontre du mouvement des gilets jaunes de l’automne-hiver 2018-2019 : 11 morts, 3.100 condamnations pénales et 400 emprisonnements; du jamais vu depuis la guerre d’Algérie !

Les travailleurs reconnus handicapés à 50% et plus ne seront pas touchés par cette réforme des retraites. Ils pourront partir à 62 ans comme aujourd’hui, avec une pension complète. Ceux qui sont handicapés à 80% et plus conserveront le droit de partir dès 55 ans s’ils ont cotisé au moins 25 années ; leur retraite de base restera calculée sans décote, comme s’ils avaient travaillé 42 ans et plus, et leur retraite complémentaire sur les seules années cotisées. Curieusement, cette différence de traitement n’est pas évoquée dans le plaidoyer publié le 23 janvier dernier par le Collectif Handicaps qui rassemble une cinquantaine d’associations nationales. Il relève pourtant le faible nombre de partants (2.231 assurés du régime général en 2021) tout en oubliant l’impact financier de l’absence de bonification des retraites complémentaires : en partant à 55 ans, un travailleur handicapé perd en effet un bon tiers de sa pension, il est logique d’attendre 62 ans pour la toucher en totalité. Cet oubli fâcheux des associations nationales est ancien, elles n’ont jamais agi auprès des caisses de retraite complémentaires Agirc-Arrco afin que celles-ci bonifient la pension comme pour la retraite de base.

La réforme Macron, assure son instigateur, vise à garantir l’équilibre financier. En fait, l’objectif est différent : améliorer les finances publiques et ramener le déficit budgétaire à 3% du Produit Intérieur Brut pour satisfaire la Commission Européenne. Les effets de cette réforme sont suffisants pour y parvenir en 2027 : c’est le bilan qu’Emmanuel Macron laissera à son successeur puisqu’il ne pourra pas se représenter pour un troisième mandat. Après lui le déluge…

Laurent Lejard, février 2023.

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