Si nous voulons réellement, et durablement, contribuer au changement du regard sur les personnes handicapées, il nous faut commencer dès le plus jeune âge, favoriser la rencontre et le partage d’activités entre enfants handicapés et valides, dès la plus petite enfance. Et ce, massivement et systématiquement, dans l’ensemble des espaces de vie de la petite enfance (crèches, haltes-garderies) ou de l’enfance (centres de loisirs, ludothèques, centres de vacances).

Si nous voulons réellement atteindre l’objectif de scolarisation des enfants handicapés à l’école, tel que cela est prévu par la loi de 2005, nous n’avons pas d’autre choix que d’offrir aux enfants handicapés et à leurs familles les mêmes solutions d’accueil et de prise en charge périscolaire et extrascolaire que les autres. Comment imaginer, en effet, demain, que tel ou tel enfant handicapé scolarisé dans une école ordinaire ne puisse bénéficier d’une solution d’accueil en centre de loisirs, le mercredi et lors des vacances scolaires dans son quartier ou sa commune ?

Si nous considérons que les difficultés liées à l’annonce du handicap ne sont pas tant liées à l’annonce en elle-même, avec toutes les douleurs qui y sont associées, mais plutôt à la répétition de cette annonce, tout au long de la vie de l’enfant, à chaque fois qu’une porte se ferme ou qu’une réponse négative est donnée à son accueil en crèche, à l’école ou en centre de loisirs, bref à chaque fois que notre société n’est pas au rendez-vous…

Cela fait trois raisons suffisantes pour se convaincre, s’il en était encore nécessaire, que la question de l’accueil des enfants handicapés dans tous les lieux de la petite enfance et de l’enfance, dès le plus jeune âge, avec et comme les autres et quelque soit son handicap, est non seulement souhaitable mais au coeur même de toute politique en faveur des personnes handicapées.

Or, force est de constater, encore aujourd’hui, que notre pays n’a pas choisi ce chemin. Et si, finalement, nous avions pris la question de l’intégration sociale des personnes handicapées à l’envers ? Si l’on regarde, en effet, l’évolution législative en faveur des personnes handicapées dans notre pays, on se rend compte que nous nous sommes d’abord préoccupés de l’insertion professionnelle, puis de l’intégration scolaire. Or, les résultats de cette politique, au bout de 30 ans, malgré la mobilisation de l’ensemble des acteurs, restent mitigés et n’ont que très peu concerné les enfants et adultes les plus handicapés. Jusqu’à présent, ni le législateur, ni les Pouvoirs Publics n’ont réellement mis l’accent sur la nécessité de promouvoir l’accueil des enfants handicapés dans l’ensemble des structures collectives de l’enfance et de la petite enfance.

Or, nous pouvons faire l’hypothèse, sans trop de risques, que si nous avions depuis de nombreuses années privilégié cet accueil des enfants handicapés dès la petite enfance, nous aurions constitué ainsi un terreau propice au principe de l’intégration scolaire et par voie de conséquence professionnelle. En effet, dans tous ces lieux de garde ou de loisirs, il n’existe aucun pré-requis à l’accueil de l’enfant, l’essentiel se situant dans la capacité ou l’envie de l’enfant d’être avec d’autres enfants de son âge, de jouer avec eux, chacun selon ses possibilités, de se faire des copains. Et cette intégration, dès le plus jeune âge, concerne tous les enfants, y compris les plus lourdement handicapés.

Plus encore, cette pratique quotidienne de la rencontre entre enfants handicapés et valides, dès l’enfance, nous aurait appris à regarder la question de l’intégration et de la participation sociale sous un autre angle. Plutôt que de l’envisager sous l’angle du « faire comme les autres », à savoir être autonome, suivre un parcours scolaire et bénéficier d’un emploi, peut-être nous serions-nous convaincus au fil du temps que cette participation sociale doit d’abord se traduire par le fait « d’être avec les autres », tout simplement.

Laurent Thomas, Directeur de la Fédération Loisirs Pluriel, octobre 2006.

Partagez !