FIPHFP

Référente handicap de la ville de Lyon, Régine Pesse se réjouit du fait que la Ville soit passée de zéro à une embauche par an à près d’une quinzaine, et jusqu’à plus d’une vingtaine les bonnes années. Cela sans compter les contrats à durée déterminée. Tous les postes sont ouverts aux candidats handicapés, le recrutement est réalisé par chaque direction, avec une évolution notable des mentalités constate Régine Pesse : « Les bonnes habitudes se prennent, par exemple quand on vient me consulter pour me dire qu’un technicien a de très bonnes compétences mais est impacté par une limitation qui ne lui permet pas de passer le concours. Je l’ai aidé à préparer sa demande de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) pour qu’il puisse faire valoir ses compétences hors concours. L’aménagement de poste a été étudié pour compenser son handicap et ainsi améliorer ses conditions de travail. » Au sein de la Direction Relations Sociales et de la Vie au Travail, elle anime la mission handicap RITHME (Recrutement Insertion des Travailleurs Handicapés et Maintien à l’Emploi) depuis sa création, en 2011 : « La ville employait peu de travailleurs handicapés, et se posait des questions. J’étais sensibilisée au sujet par les fonctions exercées auparavant dans d’autres services. A l’époque, la ville de Lyon employait 300 travailleurs handicapés, soit 4% de ses effectifs. Après une mise à jour réglementaire vis-à-vis du Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP), la mission handicap a déployé une série d’actions permettant de dépasser les 600 agents reconnus travailleurs handicapés, 8% des personnels municipaux. »

Pour obtenir ce résultat, la mission handicap a d’abord sensibilisé les cadres en expliquant la diversité des handicaps, ce que sont les personnes handicapées, les compensations, le recrutement sans concours. La direction des ressources humaines a popularisé ce recrutement sur compétences en s’appuyant sur les publications internes de la ville de Lyon, dont son magazine Reflets, une bande dessinée de sensibilisation et d’information remise à tous les agents dans le cadre de la première convention avec le FIPHFP, et également le journal municipal Lyon citoyen diffusé aux habitants à 260.000 exemplaires. « On a oeuvré avec le service de la communication, poursuit Régine Pesse. Tous les trimestres, le taux d’emploi de travailleurs handicapés a été communiqué aux différentes directions municipales. Le recrutement des agents handicapés touche toutes les catégories A, B et C. » Parmi les autres actions, des remises à niveau, des aménagements de postes de travail, des actions d’information et de sensibilisation auprès d’établissements scolaires et universitaires ont été menées pour faire connaître la diversité des métiers au sein des services municipaux. « On fait connaître les métiers publics, pour dissiper les idées fausses sur la fonction publique. La ville souhaite maintenant mettre l’accent sur l’apprentissage, en informant les centres de formation des opportunités qu’elle offre. »

Malentendante appareillée, Régine Pesse est elle-même reconnue travailleur handicapé. Si l’appareillage a stabilisé son audition, elle rencontre encore des difficultés pour percevoir correctement certaines voix, et continue à agir pour que tout le monde s’entende : « J’ai placé des panonceaux dans les salles de réunion pour rappeler l’utilité des microphones. Trois salles que l’on utilise habituellement sont équipées de boucles à induction magnétique, ainsi que plusieurs services. » Un plus, ses prothèses auditives s’adaptent à l’usage du téléphone, ce qui lui permet de travailler dans de meilleures conditions.

Contourner la dyslexie

Logisticienne depuis plus de deux ans au service des sports, Fabienne Pedoux, âgée de 62 ans, travaille pour la mairie depuis 34 ans et a dû affronter un handicap invisible, la dyslexie. « Elle résulte d’un dysfonctionnement du cerveau altérant l’écriture et la lecture. Je lis par groupe de trois mots, et je dois ensuite assembler ces morceaux. Et j’écris comme j’entends, je ne mémorise pas l’orthographe des mots qui peut être différente dans le même paragraphe. » Ce n’est que tardivement, grâce à Internet et en assistant à des conférences, qu’elle a pu mettre un nom sur ses troubles de lecture et d’écriture. Fabienne Pedoux a connu un parcours scolaire très difficile, la dyslexie n’était pas du tout connue dans les années 60-70 et ce handicap non reconnu a généré chez elle un véritable traumatisme : comme « remède », l’instituteur lui imposait des lectures obligatoires le soir après la classe. « J’ai été orienté vers un CAP employé de collectivité, je me suis interdit beaucoup de choses. » Elle a travaillé dans la restauration comme serveuse, puis est devenue à l’âge de 26 ans conductrice d’autocars parce que la ville de Macon (Saône-et-Loire) voulait recruter des femmes pour le transport scolaire. Elle est ensuite entrée à la ville de Lyon en 1984, comme standardiste, a évolué vers la responsabilité d’un restaurant scolaire puis s’est lancée dans le syndicalisme en tant que déléguée du personnel : « Là, j’ai eu besoin d’aide pour écrire, les courriers étaient corrigés par des collègues, dans les réunions des textes étaient également lus par des collègues. J’ai expliqué le problème, on a mis en place des stratégies de contournement. J’ai également rencontré les premiers outils de compensation grâce à l’informatique. Je suis tombé sur un logiciel, Médialexie qui corrige et explique en proposant des alternatives. Il était conçu pour des enfants, puis adapté aux adultes, il contient un système de lecture rapide que j’utilise, ce qui réduit ma fatigue. Quand j’ai demandé à en être équipée, le service handicap de la ville a été très ouvert, et ça a été réalisé dans une bonne démarche, en écoutant mon expertise. »

Ce n’est pourtant que depuis une dizaine d’années qu’elle est reconnue travailleur handicapé, quand la dyslexie a été reconnue comme un handicap. Le journal interne de la ville, Reflets, lui a consacré en octobre 2016 un article témoignage qui a eu des retombées inattendues : « Il faut arriver à adapter son travail, et identifier un trouble. Cela a aidé des parents à mettre un mot sur des problèmes de leurs enfants. » Et des agents eux-mêmes touchés par la dyslexie ont pris contact avec Régine Pesse, une dizaine a été équipée de logiciels correctifs.

Du standard au conseil

Autre agent qui a connu une évolution technologique et professionnelle, Richard Derouen, malvoyant âgé de 55 ans. Il est entré à la ville comme standardiste dès la fin de ses études en 1983 : « La ville venait juste de moderniser le standard, et j’étais le premier homme à répondre. Au début, des Lyonnais raccrochaient, pensant s’être trompé de numéro, il fallait expliquer qu’il n’y avait pas que des femmes au standard ! » Au terme d’une vingtaine d’années, il est devenu téléconseiller lors de la fusion de deux services en 2003 : « Ce qui a changé, ce sont les tâches rendues possibles par l’informatique. Avant, il n’y avait pas d’ordinateur, le travail consistait à transmettre des appels, parfois en cherchant des infos sur Minitel. Maintenant, j’informe les Lyonnais sur des formalités administratives, les oriente vers des services, enregistre des signalements sur des incidents comme des tags ou un souci d’éclairage public par exemple. Des bases informatisées de connaissances aident à fournir des réponses. » Richard Derouen travaille sur un écran large, 26 pouces, un clavier à grosses touches et le logiciel ZoomText pour agrandir les caractères, sans activer la synthèse vocale. Parfaitement à l’aise dans ses déplacements, il ne nécessite pas d’autre aide professionnelle.

Et il reste ravi de travailler au service du public : « J’ai suivi l’évolution des services, et acquis de l’autonomie dans la recherche et la fourniture d’informations. Je suis content d’avoir travaillé aussi longtemps, c’est gratifiant même au bout de 35 ans. Le contact humain est très important. Je fais en sorte que l’appelant soit renseigné et sourie quand il raccroche. »

Yanous.com en partenariat avec le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP), décembre 2018.

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