Jade a 7ans. Elle ne marche pas sans aide, a des difficultés de coordination des mouvements et voit très mal. La faute à une hospitalisation pour des troubles relativement fréquents chez une enfant de 3 ans : fièvre et vomissements. Sauf que la petite va faire deux arrêts cardiaques pendant sa prise en charge médicale, avec carence d’oxygénation du cerveau entraînant une infirmité motrice cérébrale et une cécité corticale. La famille a engagé des poursuites, il y a 4 ans déjà, à l’encontre du Centre Hospitalier Régional Universitaire de Besançon (Doubs) dans lequel travaille la maman à un poste administratif, ce qui a impacté les relations professionnelles (après trois ans de congé parental, sa reprise professionnelle a été suivie d’un accident du travail et elle est dans l’attente d’un reclassement qui tarde). « On a été orientés vers une avocate qui nous a menés à l’échec, raconte la maman, Christelle Grecea. Nos demandes ont successivement été rejetées par le tribunal administratif. On a changé d’avocat et fait appel au cabinet Collard qui a constaté de nombreuses erreurs. » Mais cela n’a pas suffit, le tribunal administratif a demandé en juillet dernier une troisième expertise, qui aura lieu à Paris prochainement, alors que le rapporteur public recommandait l’octroi d’une provision et acceptait les conclusions de la seconde. Face à ces tergiversations judiciaires, la famille a mobilisé, organisé une marche blanche le 26 octobre dernier, fait appel aux réseaux sociaux, lance une pétition, organise des actions de collecte de fonds via l’association L’espoir pour Jade.

Jade en fauteuil roulant

« On arrive à un stade d’épuisement, justifie Christelle Grecea. Jade n’aura jamais la même vie que les autres. On a saisi le Président de la République pour qu’il nous aide pour les soins, il a rencontré Jade lorsqu’il est venu à Besançon inaugurer le musée des Beaux-Arts, on lui a fait part des soins qu’on n’a pas en France. » C’était le 16 novembre 2018, Emmanuel Macron avait pris le temps d’écouter la maman de Jade. Et depuis, rien qu’une lettre saluant le courage de la famille. « Ça nous pousse à bout. On n’a plus la force, Jade a des besoins, elle est plus lourde, elle est paralysée cérébrale et aveugle, on se sent non entendus, par personne. » La fillette reçoit des soins que ses parents estiment insuffisants pour sa progression : chaque semaine, une séance de kiné d’une quarantaine de minutes sur prescription d’un Service d’éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) dans un parcours obligatoire de soins, une demi-heure de psychomotricité (mais la professionnelle est malade depuis septembre sans replacement), une séance d’orthophonie et une d’ergothérapie de 30 minutes à l’école. Parce que Jade est en Cours Préparatoire « tant bien que mal ». Sa cécité corticale crée des difficultés d’interprétation des images, elle est prise en charge par le Centre Régional d’Enseignement et d’Éducation Spécialisés pour Déficients Visuels (CREESDEV) : éducateur spécialisé tous les mercredis, chaque lundi matin une institutrice spécialisée vient dans la classe pour organiser le travail de la semaine, séance avec un orthoptiste chaque semaine pour aider Jade à fixer sa vue.

Cela semble peu pour une enfant qui peut et doit acquérir de l’autonomie, estiment ses parents qui ont cherché des alternatives thérapeutiques et identifié l’oxygénothérapie hyperbare indiquée en Slovaquie dans l’amélioration des personnes atteintes de paralysie cérébrale. « Ça fait deux ans qu’on va en Slovaquie pour ces soins, ça représente 20.000€ de dépenses couvertes par des lotos et d’autres actions. Les bienfaits ne sont pas prouvés médicalement mais le centre slovaque a un recul de 15 ans dans la progression de l’autonomie des patients. » L’oxygénothérapie hyperbare n’est effectivement pas pratiquée pour traiter la paralysie cérébrale, sauf en Bretagne dans un établissement qui ne pouvait accepter Jade. Le protocole slovaque assurerait une meilleure oxygénation du cerveau avec une amélioration de la vivacité, de gros progrès acquis du langage et de la mobilité, une récupération plus rapide. Ses effets bénéfiques reposeraient sur de meilleures connexions neuronales et un travail de kiné intensif de cinq heures par jour, avec magnétothérapie, des jeux, de la psychomotricité. Il est probable que les progrès de Jade résultent de ce protocole de soins intenses, tout comme un programme de rééducation intensive suivi en Espagne aide le jeune Maxou.

Jade et son ballon-coeur

Les parents de Jade y croient à l’aune de l’évolution de leur fille, mais également à cause des difficultés rencontrées avec les praticiens français. « On voulait un déambulateur verticalisateur pour Jade : quand j’ai demandé conseil au kiné du SESSAD, il m’a fait pleurer pendant deux heures en me disant que ce n’est pas indiqué. On a acheté ce matériel avec le financement Sécurité Sociale, de la Maison Départementale des Personnes Handicapées, et un reste à charge important. On n’est pas accompagnés, soutenus. On veut nous dissuader. » La maman se souvient de la première orientation de Jade vers le SESSAD d’un Institut Médico-Educatif pour sa rééducation, mais avec des médecins qui ont médicamenté la fillette pour réduire la spasticité, ce qui a déclenché des crises d’épilepsie. Rien d’étonnant à ce que la confiance des parents dans les soignants locaux soit assez limitée. « Ce que je veux, affirme Christelle Grecea, c’est que Jade gagne en autonomie. Les professionnels ne voulaient pas qu’elle aille à l’école alors qu’elle récupérait du langage. On a quitté le centre de rééducation pour aller en libéral et Jade est entrée en maternelle à 4 ans ; six mois après elle faisait des phrases, elle a commencé à chanter. » Cette évolution de leur fillette motive des parents qui voudraient aider d’autres familles en transmettant leur expérience. « Mais tant qu’il n’y a pas de justice, conclut Christelle Grecea, on ne peut pas passer à autre chose, et la mettre à l’abri. »

Laurent Lejard, décembre 2020.

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