Cette période de confinement nous révèle des choses au niveau sociétal, sur nous-mêmes, sur notre bien-aimé.e et sur nos enfants. Comme dans la plupart des situations, j’y vois du positif et du négatif. La notion de résilience est familière pour les personnes en situation de handicap. Faire face aux épreuves et vivre ou survivre, en subissant ou en se dépassant, nous connaissons. Cela étant dit, cette situation n’a pas de précédent. Nous sommes plongés dans l’inconnu, face à cet ennemi invisible.

Parlons du positif tout d’abord. Aujourd’hui, nous prenons le temps de faire, de se découvrir ou de se redécouvrir. Nous découvrons la force de nos enfants. Nous ne le disons pas assez, mais ils ont dû s’adapter à une situation exceptionnelle eux aussi. Passer l’euphorie de se sentir « en vacances », ils se sont adaptés à un nouveau rythme, à travailler à la maison avec la continuité pédagogique, à ne plus sortir ni se défouler, à ne plus voir leurs amis. Comme nous, eux aussi sont privés d’interactions sociales. Néanmoins, ils ont aussi découvert que leurs parents pouvaient se transformer en super-héros, tantôt professeur, tantôt psychologue, tantôt animateur, tantôt cuisinier, tantôt créateur.trice ou tantôt traducteur de l’actualité. Chacun fait au mieux, entre peur et lâcher prise. Ils auront compris qu’ils peuvent compter sur son ou ses parents quand des situations difficiles se présentent. Les enfants ont tous leur figure d’attachement. C’est à elle qu’ils déposent leur joie mais aussi leur plus forte tristesse ou leur plus forte colère. Cette figure d’attachement est plus intense que jamais. L’enfant vit une situation sûre grâce à cette grande proximité. Il ne l’oubliera jamais !

Pour les couples qui vont devenir parent, sachez aussi que le 27 mars 2020, le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) a rendu un avis favorable pour la présence du papa (ou du deuxième parent) en salle de naissance à partir de la phase active de travail, sans possibilité d’entrer-sortir. Si le père pourra assister à l’accouchement, le CNGOF recommande de ne pas autoriser les visites pendant l’hospitalisation de la mère et du bébé. Ainsi, le second parent pourra rester avec sa famille pendant deux heures après la naissance. Ensuite, il ne pourra revenir que pour la sortie de la maman et de son enfant.

Le positif également, c’est de découvrir l’entraide et la solidarité qui animent certaines personnes, à titre individuel, à titre associatif, ou à titre professionnel. Les aidants, les auxiliaires de vie, les soignants, les facteurs, les hôte.esses de caisse, les agents de propreté, les pompiers, etc., sont salués et remerciés. On prend conscience de leur importance !

L’humour et les taquineries viennent en renfort aussi. Nous découvrons des publications, des images, et des vidéos d’anonymes ou d’humoristes qui viennent illuminer nos visages d’un sourire malgré la peur du virus. On s’en moque ! Les personnes handicapées taquinent aussi les personnes valides qui découvrent ce que c’est de ne pas pouvoir sortir, d’être confinés, d’être diminués et s’en amusent. C’est de bonne guerre !

On voit fleurir des ressources en ligne pour les enfants, des activités à faire, des accès gratuits aux musées, des aides aux devoirs. Je relaie quelques ressources sur Facebook et sur nos groupes pour nos adhérents. Mobalink, le réseau social du handicap avec qui nous sommes partenaires propose par exemple du soutien et envoie une newsletter avec des propositions d’activités en ligne. L’association GrHandiose propose aussi des ressources participatives et concrètes pour une nouvelle organisation la plus autonome possible. L’association Handivoice, « la voix des personnes handicapées » propose du soutien entre pairs et recrute. Enfin, des citoyens proposent leur aide pour faire des courses, aller chercher des médicaments, pour concevoir et distribuer des masques, etc.

Parlons maintenant du négatif. Plus que jamais, la vision valido-centrée de la société nous apparaît. La peur n’est pas seulement celle du virus, mais la peur de devoir aller à l’hôpital, d’être seul.e, laissé de côté au profit des personnes valides à sauver. Avoir conscience de faire partie des personnes « sacrifiables », d’être concerné.e par « le tri » renvoie à l’Histoire, à notre vulnérabilité, à notre impuissance face aux choix politiques et sanitaires malgré toute cette puissance de vie en nous. Nous avons peur de laisser derrière nous un conjoint et nos enfants. Pour certain.es, c’est un choc ! La vie des minorités a moins de valeur. La vie de certaines professions a moins de valeur aussi.

Je constate aussi de la colère, face aux personnes qui prennent des risques inutiles ou ne respectent pas le confinement, aux auxiliaires de vie qui se fichent de l’hygiène ou abandonnent leur poste, de la colère face au gouvernement qui ne réagit pas suffisamment pour accompagner ses citoyens les plus vulnérables. Je lis aussi de la peur quand le conjoint doit continuer à travailler à l’extérieur. Le confinement peut rapprocher mais peut aussi générer des tensions dans le couple. En cette période de confinement, respecter l’autre en faisant attention à notre langage verbal, non verbal et en le respectant physiquement est essentiel. Prendre des temps pour soi, pouvoir s’isoler sont aussi des facteurs d’équilibre.

Dans un contexte où le conjoint n’a plus (autant) le soutien des auxiliaires de vie, qu’il n’y a plus de technicien d’intervention sociale et familiale (TISF), ni d’aide à la parentalité, ni d’école et qu’il doit davantage gérer la maison, les enfants et sa.son partenaire en situation de handicap, la violence psychologique, verbale et/ou physique peut s’installer. Il faut en parler et ne pas rester seul.e avec cela ! Il faut également savoir que les violences conjugales et sur les enfants sont en hausse. Toutes les femmes sont à risques concernant la question des violences conjugales. D’autant qu’on observe une augmentation de 36% des violences conjugales depuis le confinement. Les études démontrent que les femmes en situation de handicap sont d’autant plus à risques.

Quant à l’homme valide, il est souvent perçu comme un héros soutenant quand il est le mari d’une femme handicapée et père. Pour la femme handicapée, en plus des difficultés de dépendances économiques et physiques, il existe aussi la peur de décevoir les autres autour de soi, face à ce couple admirable. Je souhaite que cette période de confinement nous apprenne à grandir, à développer notre créativité, à changer nos habitudes, à mieux consommer, à nous aimer davantage, à être solidaire et, bien sûr, à guérir du Covid-19 et à limiter le nombre de morts.

Quelques conseils pratiques pour conclure :

  • Le 3919 est le numéro à joindre si vous êtes victime ou témoin de violences intra-familiales;
  • Le 114 est un numéro d’urgence pour les personnes sourdes ou malentendantes, ou pour alerter discrètement par SMS sur des violences conjugales quand on ne peut pas parler. Il propose deux vidéos en LSF d’information et sensibilisation au Coronavirus;
  • Nos mamans relais et notre équipe sont à votre écoute. Leurs coordonnées sont sur notre site internet.
  • Le réseau des accompagnantes périnatales et spécialistes en périnatalité formées par le CEFAP (où je suis intervenante) ouvre une écoute téléphonique gratuite Enfance et Covid au 0800 827 827.

Florence Méjécase-Neugebauer, présidente de l’association Handiparentalité, formatrice handicap/ sexualité et handicap/ handiparentalité, Intervenante en santé sexuelle, avril 2020.

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