La première chose que l’on remarque dans « Mon frère, ma soeur et… le handicap », c’est que tout les intervenants sont nommés; il est en effet assez habituel que les enfants et adolescents soient, si ce n’est anonymes, du moins désignés par leur seul prénom, comme s’ils n’étaient pas des personnes à part entière mais des petits êtres un peu bêtas auxquels on s’adresse avec condescendance. Ce respect des réalisateurs du documentaire, Olivier Raballand et Rémy Viville, se ressent dans l’ensemble du film, chacun exprimant un propos personnel avec le plus grand naturel.

La tonalité générale des témoignages, comme des propos des professionnels qui les ponctuent ou les commentent est optimiste, éloignée de la simple relation d’une souffrance obligée tout en abordant les sujets difficiles : la surprotection de l’enfant handicapé par les parents et le délaissement ressenti par les frères et soeurs, le sentiment de culpabilité d’être bien portant alors que son parent est handicapé, la difficulté de le dire, etc. Globalement, le handicap est assez bien vécu au quotidien dans les familles, c’est dehors que ça se gâte. Gwenn Fleury, 10 ans, quitte son fauteuil roulant pour jouer au foot mais il n’aime pas qu’on parle de sa façon de marcher. Samia Soltani a découvert le monde en quittant un établissement spécialisé à l’âge de neuf ans : elle n’a trouvé ses marques que deux ans plus tard, après avoir dû se battre pour gagner sa place au sein de l’école, même à la cantine.

Dominique Le Douce évoque le propos insensé visant son frère, lancé à sa mère par une autre femme : « Quand on a un enfant comme le vôtre, on ne le sort pas ! » (la famille était à la plage, c’étaient les vacances). Cédric Pirart qualifie d’accumulation de « strates » les regards quotidiens posés sur son frère qui parfois le mettent hors de lui.

Le point de vue des professionnels est pondéré, relativisant parfois l’acceptation du handicap au sein de la fratrie. Le sentiment de honte d’avoir un frère ou une sœur handicapé demeure très présent, générant une honte supplémentaire, d’avoir honte de son frère ou de sa soeur, sentiment qui coupe du lien social et qui est difficile à vivre. S’ajoute à ce constat la moindre exigence des parents vis-à-vis de l’enfant handicapé, pour le comportement comme pour le travail scolaire, qui déséquilibre la relation familiale et peut engendrer des pulsions sadiques qu’il faut savoir évacuer sans en faire un drame, selon la psychologue Nicole Pousseur. Synthétisant le travail d’un groupe de parole, Hervé Dalibert, doctorant en sociologie, répertorie par typologie la place des frères et soeurs auprès de leur parent handicapé : assujettis prenant le relais des parents comme une tâche non consciente allant de soi, continuateurs assumant de manière consciente et réfléchie l’héritage parental, opportunistes au sens étymologique qui consiste à tirer le meilleur parti de la situation, affranchis qui prennent de la distance dans leur rôle respectif. Mais l’ensemble des fratries s’interdisent de rejeter le parent handicapé, et Sandrine Arnaud considère même qu’accepter sa soeur est la « porte d’entrée vers [soi] ». Chacun, valide comme handicapé, espère réussir sa vie, avoir des enfants, sans oublier l’autre.

Jacques Vernes, janvier 2008.


Mon frère, ma soeur et… le handicap, film documentaire de 26′ complété par un entretien relatif à un groupe de parole dédié, Editions d’un monde à l’autre, D.V.D non sous-titré en vente chez l’éditeur : 60€ pour diffusion publique, 39€ pour usage privé.

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