Pour une fois, ce n’est pas un stand up d’humour plus ou moins forcé, mais un vrai spectacle. Une femme est sur la scène, Sarah Salmona, habillée chaussée de blanc sur son fauteuil roulant électrique avec respirateur adossé ; elle se raconte, elle et la myopathie qu’elle côtoie depuis toujours. A gauche, un ange musicien (Julian Paris) ponctue le récit, intervient facétieusement… ou se fait rembarrer. A droite, une coiffeuse à miroir avec le nécessaire de beauté et quelques bibelots. Derrière, un écran de projection de saynètes en dessins animés par Marine Laclotte pendant lesquels Sarah reprend son souffle avec le respirateur embarqué. Tout cela pour découvrir le quotidien d’une professeure de français trentenaire et son parcours de vie contraint par les séquelles d’une myopathie. En une heure, Sarah émeut et enthousiasme avec ses tranches de vie d’une femme parmi les autres, avec son aspiration au bonheur malgré tous les obstacles résultant de la maladie invalidante.

Affiche de Partez devant, je vous rejoins

Ce spectacle est issu d’un récit que Sarah a tracé au fil du temps : « J’ai commencé à l’écrire depuis mes 18 ans, par petits morceaux parce qu’on m’a souvent sollicitée pour témoigner sur le handicap. Je l’ai achevé à 36 ans. Cette autobiographie a été déclenchée parce que je connaissais une évolution de la maladie, alors que j’étais dans le déni, la mise de côté du handicap. Et il m’est apparu soudainement urgent de dire une réalité que j’avais cachée. » Ce fait déclencheur, c’est une soirée entre amis qu’elle n’a pas réussi à rejoindre, et qu’elle raconte dans la pièce. « Le passage au théâtre est venu d’un producteur de documentaires qui souhaitait mettre mes écrits en images. J’ai proposé d’en faire une pièce, parce que j’ai toujours adoré le théâtre ; j’en ai fait adolescente avec un amour fou, puis arrêté parce que j’étais en fauteuil et que j’avais perdu en capacité respiratoire. C’était l’occasion de jouer mon propre rôle, le défi était de tenir sur le plan respiratoire. » Il lui aura fallu deux ans de préparation pour monter son spectacle, avec un collègue enseignant qui se consacre désormais entièrement au théâtre.

Couverture du livre Partez devant, je vous rejoins

Native des Yvelines, Sarah Salmona a suivi un parcours scolaire ordinaire, puis des études universitaires jusqu’au master de lettres modernes, et également de scénario : « Je suis devenue professeure de français en 2009, à mi-temps à cause du handicap. J’enseigne actuellement au Vésinet, à des élèves de 3e et de 1ere dans un établissement privé sous contrat, avec une aide humaine qui m’assiste en classe, payée par le Rectorat. Ça se passe bien, c’est un métier que j’adore. J’explique le handicap et mes difficultés aux élèves au début de l’année, ils s’adaptent très vite, et ils sont contents d’aider. Je fais cours avec mon appareil respiratoire dans le dos, j’utilise un ordinateur pour projeter des documents au tableau, ainsi je n’ai pas besoin d’écrire, et c’est mon aide humaine qui se déplace dans les allées et remet les copies ou documents de travail. » Sarah espère d’ailleurs jouer sa pièce dans des établissements scolaires, pour sensibiliser les élèves.

Peinture, piano, batterie-fanfare batucada, et promenades de sa petite chienne remplissent les loisirs de Sarah : « Ce sont des énergies vitales qui me portent. Avec les amis, les repas, la famille, les sorties au théâtre. » Dans un vaste éclectisme, entre classique et contemporain, selon les salles où elle s’est abonnée. Et elle va se confronter cet été au public du plus grand des festivals de théâtre : Avignon Off. « Ce sera un défi pour moi. Et trouver un théâtre adapté à un acteur en fauteuil n’était pas simple. Je l’entrevois avec beaucoup de joie, d’excitation, en sachant qu’à Paris le public aime bien la pièce. Ça m’a rassuré, je n’étais pas certaine que le public adhère. » La croiserez-vous en tenue d’ange dans les rues de la Cité des Papes ?

Laurent Lejard, juin 2023.

Sarah Salmona, Julian Paris et Stéphane Deleau
  • Partez devant, je vous rejoins, de Sarah Salmona, est édité par les ateliers Henri Dougier (17€ chez l’éditeur).
  • La pièce mise en scène par Stéphane Deleau est jouée les jeudis et vendredis à 19h jusqu’au 30 juin 2023 au Théâtre de la Croisée des chemins (Paris Belleville 19e) accessible avec aide.
  • Elle sera également proposée lors du festival Off d’Avignon, au Théâtre du Tremplin, pendant la seconde quinzaine de juillet 2023 (du 17 au 29 à 11 heures), avec la présence angélique de Julian Paris et toujours les animations de Marine Laclotte.
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