Question : Cap Game, c’est quoi ?
Stéphane Laurent : C’est une association qui existe depuis 2013, créée à l’origine par Guillaume Hessel, ergothérapeute à l’AFM-Téléthon, dont le métier était d’accompagner les familles dans leur équipement en nouvelles technologies. Il rencontrait de plus en plus de jeunes joueurs perdant leurs capacités motrices et demandant des solutions pour continuer à jouer. Il a commencé à chercher, s’est rendu compte qu’il y avait plein de solutions existantes, mais que les joueurs n’en avaient pas conscience. Pendant ses recherches, il a rencontré notre président actuel, Jérôme Dupire, enseignant-chercheur au CNAM, lui-même gamer, et ils ont créé ensemble l’association pour recenser toutes les solutions pour informer les joueurs sur leur capacité à jouer en utilisant des matériels adaptés.
Question : Depuis sa création, qu’a fait Cap Game ?
Stéphane Laurent : La base était d’informer sur le matériel. La deuxième question qu’on s’est posée très tôt, c’est comment choisir ses jeux. Je suis éducateur spécialisé, j’ai travaillé pendant plus de 20 ans aux Papillons Blancs de Roubaix-Tourcoing (Nord) auprès d’un public déficient intellectuel et troubles associés. Je me suis rendu compte, parce qu’à une période de ma vie où j’ai travaillé dans le jeu vidéo sur l’accompagnement des joueurs, que des personnes achetaient des jeux sans savoir à quoi s’attendre, en suivant les publicités du moment. Le deuxième axe de travail de l’association est d’évaluer les jeux du commerce, avec des profils différents de testeurs en situation de handicap, sous l’angle de l’accessibilité motrice, visuelle, auditive ou cognitive. On publie les tests sur notre blog Game Lover et en vidéo sur nos chaînes youtube et twitch pour donner l’information utile aux joueurs. Par exemple, sur tel jeu, là il faut savoir appuyer sur trois touches, celui-là a des filtres de couleurs si on a des problèmes de perception. La note se base sur une grille technique et une évaluation manette en main avec les retours d’expérience des joueurs.
Question : Quelles sont vos autres actions ?
Stéphane Laurent : Au fil des années, on a réorganisé nos activités sur cinq axes de travail, dont l’accompagnement professionnel. Avec le consulting, on fait le pont entre les deux domaines jeux vidéos et accessibilité. On agit auprès de studios de création suffisamment matures pour ce niveau-là de travail en faisant intervenir directement pendant le processus des consultants handicapés.
On fait de la formation dans le médico-social puisqu’on avait pas mal de personnes qui venaient nous demander conseil, et actuellement on a beaucoup de demande des médiathèques qui souhaitent accompagner leurs publics handicapés sur le jeu vidéo. Avec un président enseignant-chercheur, on fait de la recherche sur des sujets connexes, on a participé à un projet de l’Éducation nationale sur l’utilisation des nouvelles technologies comme la réalité augmentée, la réalité virtuelle, les vidéos à 360° en travaillant sur l’accessibilité de ces outils. Notre dernier axe de développement, c’est la compétition, l’e-sport qui se développe beaucoup ; on a travaillé au niveau des fédérations qui l’encadrent, notamment France Esports, on les accompagne sur l’accessibilité de leurs compétitions. Aujourd’hui c’est encore compliqué de faire du compétitif avec du matériel adapté, on a développé notre propre compétition, Cap Game Arena, avec des compétitions régionales et une finale à Paris.
Question : Pour jouer, il faut du matériel adapté. Comment a-t-il évolué, qu’est-ce que proposent les fabricants ?
Stéphane Laurent : En termes d’accessibilité, il y a deux aspects : la partie matérielle quelle que soit la plateforme, et ensuite la conception du jeu. Il y a déjà beaucoup d’adaptation matérielle sur PC, tel le contrôleur Xbox adaptative de Microsoft reconnu comme une manette permettant de brancher dessus à peu près tout ce qui existe, contacteurs, joysticks adaptés, etc. La société Hori a créé un équivalent compatible Nintendo Switch. Sony Playstation a pris une optique totalement différente en créant une manette à part entière, donc si elle ne convient pas à la personne, elle apporte moins de souplesse. La particularité du PC, c’est que toutes ces manettes sont compatibles avec PC, et l’intérêt du PC c’est de pouvoir utiliser des logiciels tiers apportant encore plus de solutions, le tracking oculaire par exemple, impossible sur console. On peut même utiliser comme une manette le joystick d’un fauteuil roulant électrique.
Question : Les éditeurs et concepteurs commencent-ils à sortir des jeux nativement accessibles sans disposer d’un matériel spécialisé ?
Stéphane Laurent : On part de très loin, ça évolue mais c’est très disparate en fonction des studios de création. On a de très bons élèves, pour moi la référence reste Naughty Dog avec Uncharted et les derniers Last of us. Ils ont travaillé sur l’aspect handicap moteur avec un fan, et ils ont progressé continuellement, Last of us I et II restent les plus accessibles puisque ce sont des jeux d’aventures en mode ouvert normalement complexe, avec beaucoup d’interactions, et qui sont par exemple jouables en étant non-voyant en intégrant un système de sonar, tout un glossaire sonore qui fait qu’on a l’audio toutes les informations. Ubisoft a beaucoup travaillé là-dessus, ça va dépendre de leurs titres. Pour Prince of Persia, ils ont travaillé avec une partie de nos testeurs. Depuis 2017, on constate une prise de conscience.
Laurent Lejard, décembre 2025.


