Énergie nécessaire à la vie quotidienne de la population, l’électricité est vitale pour de nombreuses personnes handicapées ou malades chroniques. Dépendantes d’un respirateur ou autre appareillage de maintien en vie, celles qui vivent à domicile ou en établissements médico-sociaux sont inquiètes depuis l’annonce de coupures probables d’électricité pendant l’hiver. Préparées par le distributeur national Enedis, ces coupures destinées à réduire ponctuellement la demande prennent mal en compte les clients les plus vulnérables pour lesquels « l’électricité, c’est la vie. » Leur domicile ou établissement de soins ou d’hébergement sera coupé comme tous ceux des territoires qui seront concernés.

Seules les personnes sous respirateur ayant une autonomie inférieure ou égale à quatre heures par jour et les enfants bénéficiant de nutrition parentérale à domicile sont identifiables comme Patients à Haut Risque Vital (PHRV) et intégrées par les Agences Régionales de Santé dans un dispositif d’alerte. Les autres usagers dépendant d’équipements électriques, dont les dialysées à domicile, n’entrent pas dans ce protocole d’Enedis : « En lien constant avec les Agences Régionales de Santé, Enedis est mobilisé pour informer spécifiquement les PHRV et leur permettre de prendre les dispositions adéquates. Des appels téléphoniques, e-mail et SMS seront transmis dès J-2. Un technicien Enedis se déplacera au domicile des Patients à Haut Risque Vital en cas de non accusé de réception. » Ces personnes devront alors se rendre dans un hôpital restant alimenté en électricité. Où se trouvent les établissements entrant dans cette exception ? « La liste des sites prioritaires est établie dans chaque département par la préfecture. En aucun cas elle ne peut être communiquée, pour des raisons de confidentialité et de sécurité. » Peu rassurant pour organiser à temps son transport…

Quant à tous ceux qui vivent dans un logement domotisé ou desservi par ascenseur, ils ont intérêt à prendre leurs précautions pour ne pas se retrouver coincés pendant des heures. Renaloo, association de personnes sous dialyse, l’explique parfaitement puisque ses usagers pourtant dépendants d’une machine électrique pour survivre ne font pas partie des PHRV.

Au fait, pourquoi la France se retrouve-t-elle dans cette situation de gestion de la pénurie digne d’un pays du tiers-monde ? Cela fait pourtant plusieurs hivers que les déclarations alarmistes se succèdent : insuffisance de production d’électricité en périodes de pointe, achat à l’étranger, indisponibilité d’une partie des centrales nucléaires au moment où la population a le plus besoin de leur production. C’est certainement là que se situe la principale raison de la pénurie réannoncée. La durée de vie de ces centrales a été prolongée mais avec un relâchement côté entretien qui a généré des arrêts de sécurité puis de longues rénovations.

Dans le même temps, le lobby nucléaire a convaincu nos dirigeants qu’il fallait remplacer ce parc vieillissant par des installations neuves au nom de la décarbonation de l’énergie ; d’un coup de baguette magique, l’électricité nucléaire est devenue propre, et tant pis si la filière française de l’EPR (réacteur pressurisé européen) est aussi coûteuse que complexe, c’est celle-là qui est privilégiée. Même si la construction d’un premier réacteur, en Finlande, a connu 12 années de retard dues à des erreurs de conception, et ne produit toujours pas d’électricité. Celui de Flamanville, dans la Manche, est en chantier depuis 2007, avec de multiples erreurs de conception et construction ; ce réacteur coûtera au moins 20 milliards d’euros puisque son devis initial a été multiplié par 5. C’est exactement la même multiplication qu’a connu le prix de l’électricité coté sur un marché spéculatif par décision de l’Union Européenne.

Pour le plus grand profit des entreprises de ce secteur, et la grande misère des consommateurs : pour leur faire accepter le plan massif de centrales nucléaires des années 1970, les dirigeants politiques leur avaient dit qu’ils paieraient l’électricité la moins chère d’Europe. Mais aujourd’hui, entre errements de construction et spéculation effrénée, l’électricité nucléaire n’est une solution ni à moyen ni à long terme. Ce qui fera une belle jambe aux personnes handicapées ou malades dépendantes en risque vital, privées de courant dans les semaines qui viennent. Une fois de plus, ceux qui décident ne sont pas ceux qui subissent…

Laurent Lejard, décembre 2022.

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