Je referme le dossier de mon épouse lourdement handicapée physique, que nous avions déposé à la Maison Départementale des Personnes Handicapées d’Ille-et-Vilaine le 15 février 2006 : il aura fallu 18 mois pour arriver à bout de notre demande d’heures d’aide humaine, jusqu’au jugement du Tribunal du Contentieux et de l’Incapacité, faute de se faire entendre par les services de la M.D.P.H. Je précise que mon épouse est en fauteuil roulant, que sa maladie l’empêche absolument de se servir de ses mains, ce qui revient à dire que seule, elle ne peut rien faire. La loi 2005, dite de l’égalité des chances, a institué pour ces personnes, le droit à une « prestation de compensation » portant sur différents domaines, dont des heures d’aides humaines.

Je passerai sur les erreurs de procédure qui ont été faites sur notre dossier : pas d’accusé de réception, ni d’instruction du dossier dans les délais légaux, de motivation sur les décisions, de procès verbal de séances de la Commission des Droits et de l’Autonomie de la Personne Handicapée, etc.

Tout a commencé par une évaluation mal faite, pendant 1 heure 30 : prise de tension, flot de questions, mais à aucun moment on ne lui a demandé de se lever, de faire une action avec ses mains. Comment dans ces conditions remplir correctement le guide d’évaluation ? C’est ce qui a conduit la M.D.P.H à attribuer 3 heures 30 d’aide journalière. Pour une personne qui ne peut rien faire seule : cherchez l’erreur.

Devant notre refus, il a fallu qu’elle se fasse « réévaluer », cette fois par un médecin du centre neurologique de Pontchaillou, et nous avons reçu un nouveau plan de compensation qui commençait par cette phrase terrible : « Suite à l’aggravation de l’état de santé de votre épouse » et qui accordait 4 heures 30 journalières, et ajoutait, 180 minutes de « surveillance régulière », référence prise dans un texte concernant les handicaps mentaux ! De quoi hurler : non, son état de santé n’avait pas changé depuis la première évaluation, ni en bien, ni en mal. Cette phrase masquait un travail mal fait à l’origine.

Comment ne pas bondir ? Mesdames et messieurs de la M.D.P.H, vous n’avez rien compris à l’esprit de la loi 2005, vous confondez « demande de prestation » et « droit à compensation ». Vous nous accordez une prestation, mais ce n’est pas cela que nous demandions. C’était des moyens de compensation du handicap de mon épouse, au regard de son projet de vie, pour être aidée à accomplir les gestes de la vie quotidienne, et pas seulement pour les actes dits « essentiels », ni des heures de « surveillance ».

Tout au long de ce parcours, nous avons souvent entendu le terme « confort ». Comment peut-on oser dire à une personne handicapée, qui a été valide jusqu’à l’âge de 42 ans, qui maintenant ne peut plus rien faire seule, que sa demande est de « confort  » ? Il suffit de vous imaginer, privés de l’usage de vos mains et de vos jambes, que le plus petit geste simple vous est impossible seul et vous comprendrez peut-être notre colère.

Tous les textes ne remplaceront jamais ce que nous appelons « la culture du handicap » qui manque cruellement à notre M.D.P.H. La loi handicap a créé ce « droit à compensation », dont certaines personnes ignorent le sens et les conséquences. En décembre 2006, la M.D.P.H d’Ille-et-Vilaine avait fait une campagne de publicité intitulée : « La M.D.P.H, pour que vos démarches ne soient pas un handicap de plus ». Nous pouvons dire, vu notre vécu, qu’il s’agit d’une publicité que nous qualifions de mensongère. Nous ne sommes pas les seuls dans ce cas et beaucoup de personnes handicapées, du moins celles qui en sont capables, sont obligées de se battre pour obtenir ce que la loi peut leur accorder. Mais celles qui n’en sont pas capables, et qui n’ont personne pour les aider, que deviennent-elles ? Que se serait-il passé si nous avions accepté le premier plan de compensation ? Qu’en est-il de « L’égalité des chances » prônée par la loi 2005 ?


Yves Mallet, Correspondant départemental de la C.H.A, octobre 2007.

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